Californie et nostalgie

“Ramona Park Broke My Heart” est intelligent, mais pas inaccessible ; expérimental, sans être étranger. C'est mature, introspectif et pessimiste, mais ce n'est pas sombre. Comme le révèle la description de son nouveau projet par Staples, cet album est une histoire de croissance.

Avec une assurance impressionnante pour un homme qui n'a pas encore 30 ans, “Ramona Park Broke My Heart” dégage une véritable chaleur.

Le 5ème album de Vince Staples, signé sur le légendaire Motown Records, ressemble un peu à un aboutissement. Certainement pas un au revoir, mais peut-être la fin d'une époque.

Ensuite, il y a le titre de l'album. Tout fan de longue date de Vince connaît l'importance de Ramona Park - il figure dans un certain nombre de ses couplets et "Ramona Park Legend, Parts 1 & 2", ouvre les deux disques de son premier LP, Summertime '06.

Il est donc révélateur que Staples ait choisi aujourd'hui de couronner un album, RAMONA PARK BROKE MY HEART.

Tout au long de l’album, les chansons sont imprégnées de Californie et de nostalgie. Tout au long, Vince Staples rappe . Il n'y a aucune chanson à jeter - pas même les intermèdes. Staples utilise parfaitement chacune des 41 minutes de l'album.

J'ai eu un peu peur quand j'ai vu les feats de la tracklist. Ty Dolla et surtout Lil Baby, non pas que je déteste ces artistes, je craignais juste un résultat en décalage de ce qu’est véritablement Staples… mais ce dernier triomphe en fusionnant le hip-hop conscient avec cette Trap tant décriée parfois. Certains puristes s’opposent peut-être à la moindre teinte de mumble ou d’autotune, mais Staples prouve que cela peut fonctionner à merveille.

Le morceau avec Lil Baby, “EAST POINT PRAYER” est presque mon préféré de RPBMH. Comme l'album lui-même, la chanson s'ouvre sur des mouettes, avant de passer à un rythme infusé de guitare électrique, robotique, existant quelque part entre le jeune Meek Mill et le vieux Kanye West. Vince commence par deux couplets complexes, puis fait place à Lil Baby qui le clôt avec un couplet extraordinaire.

Mais avant cela, nous avons eu droit à une grande ouverture “THE BEACH” qui plante le décor, une sorte de prologue qui se termine par un mélange surprenant d'applaudissements et de coups de feu.

Le titre qui suit, “AYE! (FREE THE HOMIES)” est une incroyable chanson puissante à écouter entre potes. Vous finirez par vous serrer dans les bras tellement Vince trouve les mots pour le pardon et la réunification. Et la prod de Leken Taylor est si belle avec ce clavier émouvant. “DJ QUICK” et le superbe single festif et même réjouissant “MAGIC” avec Mustard sont dans la même veine avec une célébration de la vie de Staples, sa fierté d’avoir réussi et tout l’amour qu’il a pour sa ville.

Après un interlude parlé, nous arrive un putain de grand moment de l’album. Samplant “No Love” de Lyves, kenny Beats offre à Staples, en quelque sorte, sa version de “Me and my girlfriend” de 2Pac ou “I gave you power” de Nas. C'est-à-dire, une chanson d’amour pour son arme sur fond de Rn’B enveloppant. Superbe.

La 2ème moitié est tout autant admirable avec “SLIDE” et “PAPERCUTS” dans lesquels Vince est tout aussi calme, posé et moderne. C’est vraiment séduisant.

LEMONADE avec Ty Dolla est en fait leur 3ème collaboration, c’est cool niveau sonore, un peu moins niveau lyrics “Sometimes life tastes bittersweet” dit Vince, effectivement c’est doux amer…

Le reste de l’album glisse tellement bien, je n’ai plus de superlatif tellement c’est agréable, tellement Staples parait facile, détendu. Il nous emporte et fait redescendre n’importe quel palpitant. Mention spéciale à “MAMA’S BOY” où il se montre en bourreau de travail avant de retrouver sa maman à la fin qui soupçonne cette qualité venir d’elle, qui a parfois additionné 3 boulots en même temps.

Le 2ème single “ROSE STREET” est aussi un excellent titre. Un rythme entraînant et des paroles saisissantes qui amène à l’épilogue parfait, “THE BLUES”.

Puis le bruit des vagues et des mouettes… Long Beach… Comme au début… Comme une boucle infinie.

RAMONA PARK BROKE MY HEART est fait de nostalgie et d’introspection. C’est un album qui va m’accompagner, c’est évident. Il est fait pour ça, c’est un compagnon.

Vince Staples à fait un album conscient et intime.

Si, comme il le dit, c’est un album qui marque la fin d’une période, je suis vraiment intrigué par son avenir.

Mais en attendant, je vais profiter d’une œuvre à la fois posée et festive, touchante et galvanisante.