Mask
7.2
Mask

Album de Vangelis (1985)

Un gros coup de gong, et c'est parti.
Ainsi s'ouvre Mask, album d'inspiration néo-classique mais totalement électronique, mélangeant sons organiques (voix, cloches, timbales et percussions) et synthétiques dans un déluge opératique d'une virtuosité impressionnante.

Nous sommes au virage des années 80, particulièrement fastes et sources d'expérimentations pour Vangelis. Dans cette décennie prolifique, on croise notamment une bande originale révolutionnaire (Blade Runner) et une autre oscarisée (Chariots de Feu) ; mais aussi un essai de musique électroacoustique publié chez Deutsche Grammophon (Invisible Connections), trois collaborations électro-pop avec Jon Anderson, une tentative ambient pas désagréable du tout (Soil Festivities) et une éclate ouvertement pop (Direct).

Au milieu de tout ceci vient donc se poser Mask, sans doute son travail le plus ambitieux de la décennie - et l'un des plus costauds de toute son œuvre.

Pour s'en convaincre, il suffit d'écouter de décomposer le premier des six mouvements, long de dix minutes, et d'analyser sa composition complète :
- une montée en puissance rapide pour commencer, mêlant une séquence électronique rapide (qui rappelle celle de "Spiral", par exemple, en plus tordue), des sons de cuivres lourds et de cordes stridentes, des timbales et cymbales claquantes, des cloches, et des chœurs massifs qui scandent des paroles (volontairement) incompréhensibles ;
- un passage lent et harmonique, beaucoup plus dépouillé quoique lyrique, où une voix de femme accompagne en douceur des nappes de synthétiseur gracieuses ;
- un retour final du déluge initial, encore plus puissant et bruyant si possible, avec une montée spectaculaire en conclusion.

Ouf ! En dix minutes, on a l'impression d'avoir traversé déjà de multiples univers. Mais ce n'était que l'apéritif.

Le deuxième mouvement, qui est aussi le plus court (trois minutes), joue une carte plus paisible, en convoquant une petite séquence répétitive, qui conduit à une rencontre épaisse mais maîtrisée des cordes et cuivres avec les chœurs qui vont accompagner l'ensemble du disque.

Le troisième mouvement introduit une note plus dure, avec une suite d'accords sombres que viennent défoncer des percussions violentes et des chœurs inquiétants. Auxquels s'ajoutent toujours des cordes planant dans l'aigu, puis un piano dont l'écriture spectaculaire rappelle les passages les plus virtuoses de Heaven & Hell.
Nouvelle rupture avec le quatrième mouvement, accompagné pendant presque l'intégralité de ses 8'47 par une seule et même séquence de marimba (ou de xylophone, difficile à dire). Une voix d'homme, à laquelle répond le chœur à l'occasion, déroule une fort jolie mélodie, dans une orchestration beaucoup plus aérienne, et d'autant plus subtile - il y a des petits sons partout, il faut vraiment prendre le temps de bien écouter ce morceau d'une superbe richesse.

Arrive ensuite avec le cinquième mouvement un nouveau morceau de bravoure de dix minutes, écho à celui du premier mouvement, avec encore une séquence de synthé rapide en introduction, qui appelle autour d'elle, durant les trois premières minutes, un chaos de percussions, cuivres, cordes et chœurs déchaînés.
Survient alors une rupture remarquable, introduite par une nouvelle séquence plus légère que la première, autour de laquelle s'enroulent les inévitables chœurs - hommes et femmes semblant se répondre, avant de faire cause commune - et tout un ensemble de sons très vivants.
Avant, comme dans le premier mouvement, de rappeler la séquence introductive, et de tout fracasser dans un final assourdissant.

Le sixième mouvement, enfin, fait la part belle aux cordes planantes, presque seules durant trois minutes, avant que la petite séquence du deuxième mouvement conduise tranquillement l'album à sa conclusion, dans un beau mouvement de clôture qui réserve aux chœurs les toutes dernières notes.

Mask présente un univers d'une cohérence remarquable, qui enchaîne ses six mouvements avec une fluidité exemplaire - au point que l'on peut écouter le disque comme un tout uni sans se soucier de l'endroit de l'écoute où l'on se trouve.

C'est une démonstration de force de Vangelis, qui fait parler sa virtuosité musicale innée, sa connaissance très fine et très variée de son art, mais aussi sa maîtrise technologique, qui fait encore une fois la part belle au mythique Yamaha CS-80.
Un album sans doute méconnu dans l’œuvre du compositeur grec, ce qui paraît injuste tant Vangelis s'y montre au sommet de son art et de son inspiration. Si vous aimez son travail, ne passez pas à côté, je classe pour ma part ce disque du côté des indispensables.

ElliottSyndrome
9
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le 16 avr. 2023

Critique lue 163 fois

4 j'aime

ElliottSyndrome

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