Si j'intègre ces Concerts en Chine dans cette liste des disques studio de notre Jean-Mimi national, ce n'est pas juste pour épaissir la sauce, mais bien parce que l'apport de ce double album à l'oeuvre du compositeur n'est pas négligeable, en raison des inédits qui le parsèment - et aussi, et surtout, parce que ce disque, bien qu'estampillé "Concerts", a largement été remanié en studio.


Pour s'en assurer, il suffit de jeter un oeil aux archives vidéo ayant immortalisé la première tournée d'un musicien occidental dans la Chine post-Mao pour s'en assurer. Ce qu'on y entend n'a que peu à voir avec ce que l'album publié pour célébrer l'événement offre, ni en terme de qualité sonore, ni d'un point de vue strictement musical. La plupart des titres ont été étoffés, remaniés, policés en studio, de manière à sonner plus propres et justes que ce qu'ils furent lors des concerts effectivement donnés par JMJ et son équipe à Pékin et Shanghaï.


Les titres issus des trois premiers albums de Jarre offrent donc des orchestrations inédites, notamment par l'apport indéniable de Roger Rizzitelli à la batterie, dont le compositeur garde les enchaînements inspirés dans l'album. "Equinoxe IV", dont le refrain est porté par un son très différent, résonne fort et entraînant dans une version qu'on n'entendra plus jamais par la suite. "Chants Magnétiques II" s'offre un solo final virtuose, devenu tellement indispensable aux interprétations live du morceau que, lorsqu'il n'y figure pas, le titre paraît horriblement long et sans saveur (voire par exemple la version du morceau lors du concert à Athènes en 2001). "Chants Magnétiques IV" paraît plus net, plus puissant que sur l'album original.
"Chants Magnétiques III" et "Equinoxe VII", en revanche, n'y gagnent pas grand-chose, mais font le job.


Le plus intéressant de l'album Concerts en Chine, en réalité, ce sont les inédits, composés spécialement par Jarre pour l'événement. Six morceaux au total, plus ou moins réussis, mais qui donnent sa couleur singulière au disque.
Je passe sur "L'Ouverture", qui n'est pas un inédit mais simplement la version ralentie du début de "Chants Magnétiques I", agrémentée d'un beau solo final et d'une ligne rythmique lourde signée Rizzitelli. Le deuxième titre, en revanche, accroche immédiatement l'oreille : "Arpégiateur", comme son nom le suggère, entrelace des séquences arpégées du plus bel effet, et constitue un voyage neuf dans l'univers jarrien.
Sur le deuxième disque, le morceau "Harpe Laser" joue les utilités pour mettre en valeur le nouvel instrument du même nom, créé par Bernard Szajner, qui deviendra au fil des modifications spectaculaires apportées par Jarre un élément essentiel de sa lutherie de concert. Ici, la composition ressemble plus à une improvisation sans fil conducteur, d'autant plus confuse que le son emblématique de la Harpe version JMJ n'est pas encore en place.
J'apprécie davantage "Orient Express", morceau rapide, simple (voire simpliste) mais efficace, et le poétique "Nuit à Shanghaï", qui s'ouvre sur une partie atmosphère, traversée d'effets percussifs et sonores, avant de s'emballer dans un tourbillon de séquences du même acabit que celles d'Arpégiateur, bien que moins percutantes.


Et puis il y a, bien sûr, le sublime "Souvenir de Chine", devenu lui aussi un incontournable de la tracklist de Jarre en concert, magnifique ballade planante et mélancolique, aux sons de cordes majestueux, parfois rehaussée au final (mais pas ici) d'un nouveau solo magique signé Dominique Perrier.


Et enfin, dernier inédit, "Jonques de pêcheurs au crépuscule". Ce morceau-là m'embarrasse un peu plus, car son inspiration traditionnelle chinoise, mêlée à de discrètes interventions synthétiques, me semble assez peu correspondre aux capacités de composition de Jean-Michel Jarre. Et ressembler beaucoup, du reste, à de véritables morceaux traditionnels chinois, que le musicien aurait compilés et arrangés à sa sauce...
Je n'ai jamais beaucoup accroché à ce titre fort long et pas assez jarrien pour me titiller honnêtement l'oreille. Cependant, inséré dans la tracklist de ce double album, il remplit son office et rend hommage à la culture musicale d'un pays complexe, où Jean-Michel Jarre continue à jouir des honneurs dus au précurseur qu'il y fut.


Concerts en Chine est donc un bien beau disque, sans doute le plus original et le plus inspiré de tous les lives publiés en disque par Jarre. Un incontournable à apprécier comme une création à part entière ; loin, très loin, des nombreux concerts stéréotypés que le musicien balancera par la suite à la chaîne aux quatre coins du monde, notamment dans les années 2000.

ElliottSyndrome
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le 17 févr. 2020

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