Impossible de ne pas s’engager dans un débat houleux lorsqu’il est question d’album posthume. Ce style de sortie ne paraissant pas immédiatement pour diverses raisons. Qu’elles soient d’ordre artistique (projet inachevé selon le compositeur) ou indépendamment de la volonté de l’artiste (décès). Toutefois, les Screaming Trees ne sont pas concernés par ces questions relevant d’une éthique souvent bafouée pour des raisons commerciales.


Non, Last Words n’est pas un nouvel album suite à une reformation. La bande étant toujours disloquée. Il s’agit d’une œuvre restait inédite pendant plus d’une décennie. Elle fut enregistrée vers la fin des années 1990 et ne fut pas publiée en raison de la séparation des Trees suite à leur éviction de la major Epic. En plus, Mark Lanegan refusa de revenir jouer avec ses anciens collègues et sans label pour les sponsoriser, ces enregistrements semblaient perdus dans les cartons. C’est sans compter sur la détermination du batteur Barrett Martin qui les fera paraître sur son propre label (Sunyata). Donc comme son intitulé l’indique, c’est la sortie qui aurait dû succéder au remarquable Dust. La véritable épitaphe de cette formation.


Est-ce pour cette raison que cette conclusion discographie est si décevante ? Last Words n’étant pas un brouillon qui aurait été abandonné entre temps pour être finalisé des années après, c’est bel et bien un produit fini ! Hélas, voici une démonstration que tout ce qui a été mis de côté n’est pas forcément bon à être publié. Ce disque s’avérant tout à fait anodin et le cul entre deux chaises. Plus précisément entre la patte bluesy de Sweet Oblivion et les mélodies nostalgiques de Dust. Un résultat mitigé s’expliquant de manière très simple : les chansons sont banales en majorité. Elles sont trop classiques pour ne pas dire classic rock tant ce grunge semble très "middle of the road".


Cependant, même au plus bas de leur forme, la troupe des frères Conner est encore capable de belles choses. « Ash Gray Sunday » et « Revelator » sont de jolies chansons aux inspirations pop 60s. Le lancinant et psychédélique « Crawlspace » s’avère également marquant. Quant à « Black Rose Way » et son gimmick au piano, c’est le meilleur titre du lot avec son ambiance de saloon où il fait bon de se morfondre en regardant le fond de son verre vide. La voix nonchalante de Lanegan s’avérant, une nouvelle fois, adéquate pour évoquer une atmosphère de beuverie en solitaire. Malheureusement, même en prenant le positif de cet album, il est regrettable de constater que rien n’atteint la qualité des plus grands moments de ses prédécesseurs. « Reflections » est une ballade mignonne mais qu’a-t-elle de plus face à un « Look at You » ou « No One Knows » ? Rien, c’est bien ça le souci.


Le constat est donc cruel. Néanmoins, il est aussi lucide. Le grunge n’ayant pas survécu aux années 1990, si ce n’est sa version commerciale personnifiée par le post-grunge. La majorité de ses groupes les plus emblématiques ayant, soit disparus, soit ils se sont plongés dans une lente et longue agonie artistique. L’exemple le plus frappant étant la situation de Pearl Jam, l’un des rares survivants du genre (jamais séparé et sortant toujours des disques régulièrement). Il y a longtemps qu’il a perdu de sa superbe. Les Screaming Trees semblaient avoir échappé au déclin jusqu’à l’apparition de cette œuvre méconnue. La vérité était finalement plus banale qu’on le croyait. Après avoir été grandioses, ils ont également connu une crise d’inspiration. Une situation sans doute minée par les conflits internes. Cela ne rend pas ces gars moins attachants. Seulement plus perfectibles, plus humains. Même les plus grands ont leur part de faiblesse et Last Words en est une.


Chronique consultable sur Forces Parallèles.

Seijitsu
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le 8 janv. 2018

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