Seconde étape de ce Gizztober avec un projet présenté comme un petit frère de Made in Timeland, l'album originairement diffusé lors des pauses de leur tournée (et qui vient "enfin" de sortir sur les plateformes classiques). C'est vrai que sur le papier, la comparaison se fait rapidement : le titre est un anagramme, et on a aussi droit à deux pistes d'exactement 15 minutes.


Mais la ressemblance s'arrête là. Si Made in Timeland était une sorte de délire électro-expérimental, Laminated Denim lui est profondémment rock. Dans une sorte d'esprit krautrock, l'album est une double jam psyché à base de motorik et de polyrythmes. Et c'est sans doute le soucis majeur de cet album... D'habitude, King Gizzard, lorsqu'il s'essaie dans un nouveau genre, se contente d'un certain gimmick, d'une manière de faire, et de l'exploiter tout au long de l'album. Instaurant ainsi une continuité dans l'album, il faut bien sûr s'assurer que le gimmick de base soit monstrueux, et ils ont l'audace de réussir à chaque fois (c'est ce qui fait entre autre la puissance de Nonagon Infinity, Flying Microtonal Banana ou Infest the Rats' Nest). Mais ici, on est un peu bloqué, car la recette n'est pas... parfaite. Ce qui fait la puissance du krautrock, c'est l'efficacité de la motorik (cette section rythmique si particulière, ultra-répétitive mais entraînante et hypnotique qui fait qu'on ne fatigue jamais). Et là... bah c'est pas si hypnotique que ça. C'est ce qui fait que The Time Before Timeland souffre dans son processus, notamment dans sa longueur. Autant la batterie de Michael Cavanagh fait le taf, autant la basse (jsp qui la fait), ça laisse à désirer. D'autant plus que le morceau évolue très peu, et se contente de petits riffs de guitare qui perso ne me convainc pas vraiment. Finalement, on dirait que la piste galère à trouver des choses intéressantes. J'ai l'impression d'écouter une demo de Butterfly 3000, notamment Black Hot Soup, qui incorporait déjà quelques éléments de motorik, mais qui avait su apporter des éléments electropop sympathiques.


Mais heureusement qu'il reste une seconde partie. La transition est nickelle (ce qui me donne l'impression que l'album, avec ses percus de début et de fin de morceaux, est conçu pour tourner en boucle), et le tempo nettement plus rapide tourne l'album à son avantage : dans un premier temps Hypertension par ses similitudes avec le morceau précédent donne l'impression de ne faire qu'un avec The Time..., en plus efficace, comme une suite qui se réveille. Même si on s'éloigne du krautrock pur et dur, la motorik ici fonctionne tellement bien ! Certes, lui aussi contient quelques petites longueurs, mais il laisse entrevoir un long crescendo progressif et subtil. Et le retour de la partie chantée à la fin du morceau est le point culminant de l'album. De quoi finir l'album sur une bonne note.


Au final, si l'écoute est plus plutôt sympathique et loin d'être désagréable, Laminated Denim risque de tomber dans l'oubli assez rapidement. Le problème réside dans sa comparaison avec d'autres albums du groupe. Je pense notamment à Quarters!, album à jam psyché tout gentil, dont les recettes plutôt simples mais ultra efficaces ont permis de livrer quelques classiques comme The River ou God is the Rhythm (contre exemple : Infinite Rise était un peu le boulet de l'album, la faute à sa recette pas incroyable du tout). Mais surtout, il va souffrir de sa comparaison avec Ice Death... sorti la semaine dernière. Oui, un autre album est sorti la semaine dernière, c'est rien c'est King Gizzard. Ce qui est dommage, c'est que l'album précédent était lui bien plus généreux, bien plus fourni, et avait beaucoup plus de choses à proposer que ce diptyque dont la répétitivité risque que l'on fasse rapidement le tour. On verra bien, mais honnêtement je suis pas très confiant.

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le 16 oct. 2022

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