Immunity
7.6
Immunity

Album de Jon Hopkins (2013)

Une fois assoupi, l'arbitraire des chimères du sommeil fait son office. Il fait jaillir dans la tête de l'endormi, du bon ou du mauvais. Il ne lui demande pas son avis. Il le laisse désorienté. Frustré du trop peu de ce mirage agréable ou du trop plein de ce songe malfaisant.

Tout le monde a ce problème. Et c'est pourquoi tout un tas de toxicomanes malveillants, de commerciaux mercantiles, et de psychiatres captieux clameront qu'il est possible de rêver éveillé. De décider ce qu'on veut et ce qu'on ne veut pas. C'est vrai.

Pour y arriver, il y aurait soit la seringue d'héroïne, l'Opel Vectra ou le bêta-bloquant. Voilà une liste très restreinte qui amène son lot de complications. Il y a plus simple : prêter oreille au disque de Jon Hopkins.
Il est abordable comme une prostituée un jour de soldes. Il est sans risques comme une tronçonneuse fraîchement réparée. Plus important encore, il remplit de chaleur comme un cœur tout juste épris d'amour.

Immunity immunise contre le prosaïsme d'une vie obsédée par les factures des fins de mois et la lassitude fracassante des rapports sexuels monogames. C'est une odyssée renversante dont Morphée n'a jamais eu l'idée et ce, même après plus de 2000 ans de bons et loyaux services. C'est un trip d'hallucinations permanentes qui ferait rougir les champignons de Paris, pourtant réputés pour leur teint blanc inébranlable.

Aucun doute n'est permis. Les auditeurs sont sauvés par ces mélodies oniriques et transcendantes, qui appellent à toutes sortes de souvenirs et d'images. Qu'elles soient passées, présentes ou futures. La quiétude de flotter dans les airs comme la ressentent les plus éminents cosmonautes. La frénésie soudaine de danser sur un podium de boîte de nuit et de sentir l'admiration de quelques jupons déchaînés. La joie intense de guérir après avoir été si longtemps écorché par des démons visibles ou invisibles.

Le trajet dessiné par Hopkins est harmonieux, progressif, et merveilleusement beau. Où qu'il amène son auditeur, celui-ci contemple la route, euphorique. C'est un musicien magicien qui assemble sonorités artificielles et réelles sans accrocs. Le piano se marrie aux bruits de pas. La clé dans la serrure s'enroule insouciamment autour du kick.

Ceux qui pensaient que seuls les lieds de Wagner ou les riffs de Jimmy Page pouvaient apaiser les esprits, doivent revoir leurs copies. La musique électronique, vient, avec cette perle auditive, de s'ajouter à ces heureux élus. Cette oeuvre est une ode à la vie à laquelle il faut fréquemment s'abandonner. L'intensité de ce qu'elle procure ne faiblira jamais.

Bien qu'unique, cette rêvasserie conserve la particularité de ses semblables : les mots manqueront constamment pour la décrire.
JulianDesjardin
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le 3 sept. 2013

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