Camilla de Rossi est née italienne, mais c'est en Autriche qu'elle a composé, pendant la première décennie du 18e siècle, après quoi on perd sa trace. Parmi ses œuvres, plutôt nombreuses à nous être parvenues en comparaison d'autres compositrices baroques, des oratorios commandés par l'empereur Joseph 1er.

Il s'agit ici d'un oratorio en deux parties, reprenant l'épisode biblique du sacrifice (avorté) d'Isaac par Abraham (Genèse 22, 1-14). De petite dimension, l’œuvre ne compte que quatre solistes (SSAT), aucun chœur, et un seul duo. Il est surprenant d'avoir choisi un ténor pour le rôle d'Abraham, ce qui détonne de l'image du vieux patriarche barbu auquel on prêterait volontiers une voix bien grave.

La simplicité se retrouve dans l'orchestre : cordes, basse continue, archiluth (une sorte de petit théorbe), et deux "chalumeaux", ancêtres de la clarinette moderne. Barbara Jackson qui a édité la partition en 1984 a l'air de trouver l’œuvre singulière par son usage des chalumeaux en orchestre : "one of earliest use of chalumeaux in orchestra" apparemment.


Créé en 1708, cet oratorio contemporain de la Toccata en ré (BWV 565) de Bach (1705)

ou de L’Estro Armonico de Vivaldi (1711) sonne plus ancien que son âge réel. À la première écoute, je pensais qu'il datait du milieu 17e. Il manque donc - selon mes goûts - l'audace musicale que j'apprécie chez ces illustres contemporains de Rossi.

Comme pour tout opéra ou oratorio baroque, on ne perdra pas grand chose à faire le ménage de tous les récitatifs dans sa playlist. Une partie des airs m'ont laissé assez indifférent. Restent alors, pour moi :

  • Accostatevi a queste pupille (Abramo)
  • Strali, fulmini (Sara)
  • Gia preparo seno (Isacco)
  • A fregiar si scettri e soglio (Angiolo)

Mention spéciale pour le duo qui conclue l'oratorio : Sinche io chioda l'antiche mie luci (Isacco, Abramo), avec quelques jolis frottements de voix bien soutenues par les cordes.

Cordes qui d'ailleurs sont très bien employées par Camilla de Rossi, et qu'on apprécie le plus dans les sinfonie qui ouvrent chacune des deux parties de l’œuvre. Je recommande fortement d'écouter le largo de la deuxième sinfonia, où j'ai trouvé l'intérêt majeur de la pièce.


L'enregistrement est de 2000, par le Weser-Renaissance de Brême (fondé et dirigé par Manfred Cordes), spécialisé dans la musique renaissance et baroque primitif. Les quatre rôles sont distribués à trois solistes :

  • Sarah, l'ange : Susanne Rydén (soprano)
  • Isaac : Ralf Popken (alto)
  • Abraham : Jan Strömberg (tenor)

La voix de Ralf Popken ne m'a pas transporté : manque de puissance et d'assurance (même si ça reste tout à fait audible).


Si je notais relativement au genre "musique religieuse baroque", je mettrais un 5 ou 6 sur 10.

Pour la note qui apparaîtra sur SC, 7/10 : ça ne m'a pas tant impressionné, mais c'est quand même un peu plus qu'agréable. À quoi il faut ajouter l'intérêt intellectuel de l’œuvre (témoignage de la composition baroque féminine du début 18e siècle). Ça vaut donc le détour, au moins pour les sinfonie et quelques arie.

LFBuete
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le 24 oct. 2022

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