Heathen Chemistry
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Heathen Chemistry

Album de Oasis (2002)

Oasis ? Groupe de gros cons.


Non, non ce n’est pas de moi. Mais seulement l’image que se trimballent les frères Gallagher depuis des siècles. En même temps, ils l’ont bien cherché avec leurs déclarations fracassantes oscillant entre pichenette marrante et provocation nauséabonde (ce n’est pas bien de souhaiter le sida à Damon Albarn les gars !).


Néanmoins, comme dirait les autres, It's Only Rock 'n' Roll. Tout cela n’est qu’une habile manœuvre pour faire parler de soi. Car derrière leurs piques plus grosses que Buckingham Palace, se cachent des artisans doués et plus intelligents qu’on ne le croit.
Bon, peut-être pas Liam qui est effectivement un gros bourrin. Mais le petit Noel est ce qu’il faut retenir de ces cinq lettres évoquant aussi bien une période faste des années 1990 qu’un célèbre jus de fruits (ce qui est pratique pour leur détracteurs). Malin comme un singe, il est non seulement celui qui a tenu la baraque à lui tout seul durant l’âge d’or du groupe (puisqu’il composait tout), il est également un mitrailleur à punchlines. Il suffit de lire ses interviews (accompagné de son frère) pour prendre conscience que ce freluquet à gros sourcils cache bien son jeu. Soit en préparant ses interventions à l’avance tel un stratège militaire, soit en ayant un sens de la répartie à toutes épreuves. Dans les deux cas, on peut en arriver à la conclusion qu’il n’est pas nécessaire de venir de la bourgeoisie pour être filou tel un Albarn.


Malheureusement, en ce début des années 2000, la suprématie Oasis a été ébranlée. La vague britpop s’étant brisée sur les rochers du Royaume Uni et le public préfère désormais des héritiers pas du tout à la hauteur de leurs ainées. Tout comme le grunge, la britpop a suivi une destinée similaire. C’est à croire que ce genre de malédiction est intimement liée aux 90s.


Cela n’a pas découragé les prolos de Manchester à continuer malgré les échecs critiques et commerciaux que furent Be Here Now et Standing on the Shoulder of Giants. Des échecs injustes car, contrairement à cette tenace croyance populaire, Oasis a mis plusieurs années avant de s’effondrer en studio. Leur quatrième opus était même leur œuvre la plus osée et la plus moderne. Nettement plus mélancolique et introspective que ce qu’on avait connu d’eux jusqu’alors.


Peu importe, Nono est bien décidé à changer progressivement sa manière de faire pour reconquérir tout le monde. Heathen Chemistry étant non seulement son dernier bon disque, il est aussi la confirmation de sa volonté de laisser les clés du songwriting à d’autres que lui. Cette fois-ci, tout le monde s’y colle. Gem Archer, leur deuxième guitariste (ce qui fait de « Hung in a Bad Place » un très bon single), l’ex-Ride Andy Bell (qui se contente de miettes avec un simple instrumental) et de nouveau son frère. Ce qui est une bonne idée puisqu’il écrit une pièce surprenante de sa part : « Born on a Different Cloud ». Un moment terriblement triste et planant qui rappelle leur honnis et précédent album.


Noel reste malgré tout un dictateur, parce qu’il garde une gigantesque main mise sur la composition. Ce qui n’est pas un souci quand il atteint des sommets de mélodies (« Little by Little », rejoignant en deux temps, trois mouvement ses meilleurs instants). Même lorsqu’il s’agit de ressortir une ballade à briquet qu’on a entendu mille fois, ça fonctionne toujours (« Stop Crying Your Heart Out »). Et quand il tente la pop song légère, c’est tout à fait charmant (« She Is Love »).
Ça devient nettement plus embêtant quand il gâche un refrain avec un synthé strident (« Force of Nature » n’est pas loin d’être insupportable au casque) ou quand l’écriture tombe dans le cliché, que ce soit seul (« All in the Mind ») ou en compagnie de son frérot (« Better Man »).


Pour la première fois, l’écurie Oasis donne des signes de faiblesse. A force d’avoir parcouru de grandes distances, les sabots s’usent. Et si le son chargé en psychotropes du groupe fait encore son effet, on se rend bien compte que la crise d’inspiration n’est plus très loin. L’avenir nous l’a amplement prouvé et cela donne une saveur particulière à ce Heathen Chemistry seulement sympathique, mais facilement au-dessus de la vague pop rock Anglais de son époque.


Chronique consultable sur Forces Parallèles.

Seijitsu
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le 12 sept. 2017

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