D'après une belle quantité d'articles que j'ai pu lire sur le net, le shoegaze était un genre méprisé par la presse musicale de l'époque. Un style qui s'amusait à flinguer les règles de la pop music en les tordant pour donner naissance à quelque chose de nouveau, tout en rendant hommage volontairement aux anciens. Dont la gloire continue de briller de nos jours, quitte à devenir agaçante car pas toujours justifiée.
Si My Bloody Valentine était réputé inécoutable, il était aussi paradoxalement respecté pour son travail sonore sur le faramineux Loveless. Slowdive était le cas à part, celui qu'on aimait détester car nonchalant et (faussement) mièvre. Enfin, il reste Ride. Le seul à avoir pénétrer en haut des charts d'Angleterre et à faire des tournées à l'étranger, dont au Japon et aux États Unis. Ce qui inspira pour ce dernier, beaucoup de groupes par la suite.
Aujourd'hui Ride n'est plus et semble même presque dénigré au profit des deux autres mastodontes dont on mesure enfin la portée de leur musique. Quelle drôle d'idée d’opposer ces trois formations pourtant, puisqu'elles sont très différentes et n'ont pas les mêmes ambitions. Le groupe d'Andy Bell et de Mark Gardener sont juste des esthètes de la pop avec un mur de son épique en supplément.
C'est avec certaines critiques en tête que Ride se remet à travailler avec ce second album dont le titre fait clairement référence à une presse qui aimerait voir se planter cette bande de jeunes surdoués. Going Blank Again est donc plus abordable que le sublime Nowhere, quitte à renoncer aux guitares carnassières du shoegaze sur certaines pistes. Un parti pris qui surprend forcément au premier contact et peut décevoir. Mais avec du recul, ce côté plus consensuel apporte de nouvelles perspectives dans leur musique et réussi à monter presque au niveau de leur remarqué premier album.
Jamais des voix anémiques n'avait portées en elles autant de puissance comme sur l'épique "Leave Them All Behind", car galvanisées par un mur de son impérial et une section rythmique irréprochable (la meilleure de cette période avec celle des Smashing Pumpkins ?). Le songwriting est encore une fois époustouflant et réussi à faire preuve d'une sensibilité que bon nombres de chanteurs jalousent en secret. Comme ce "Chrome Waves" imparable malgré son dépouillement, puisque seulement accompagné d'un clavier et d'une guitare acoustique.
Le psychédélisme, les voix magnifiques et les guitares à la fois assourdissantes et harmonieuses... Avec cette recette, Ride étaient les rois de monde. Ils confirment une seconde fois qu'ils sont les meilleurs avec ce disque quasi-irréprochable. Après avoir atteint de tels sommets, on ne peut que redescendre voir sombrer...