Ça arrive à tout le monde de se planter et de faire un faux départ, même à un futur grand groupe.


Les Boo Radleys ont été marqués par les mentors de leur génération : My Bloody Valentine. Il y avait de quoi tant Isn't Anything était un album formidable. Tellement formidable qu’il avait poussé des dizaines de groupes à surpasser les limites de leurs amplis en balançant la sauce à coup de guitares triturées et massacrées pour ainsi former cette fameuse scène shoegaze Anglaise.


Le souci, c’est que les Boo s’étaient surtout inspiré de la facette noise punk des Irlandais et ils n’étaient visiblement pas doués pour ça. La vitesse et les incartades bourrines, ce n’est pas leur truc. Non, eux ils préfèrent la pop et les beaux arrangements surprenants. C’est pour cette raison que Everything's Alright Forever marque un nouveau départ tout en confirmant que leurs débuts étaient une erreur de jeunesse.
Une prise conscience bienvenue dont l’origine reste mystérieuse. Est-ce à cause du départ de leur premier batteur Steve Hewitt (futur Placebo) ? Ou est-ce la conséquence de leur arrivée sur le mythique et surtout très permissif label Creation ? Nul ne le sait et cela n’a pas d’importance au final, car seul le résultat importe.


Dès les premières secondes de « Spaniard », on sent bien qu’il ne s’agit plus de la même bande qui officiait sur Ichabod And I. Une longue introduction hispanisante laisse place à la douce voix de Sice flottant sur des arrangements magiques… Avant que des trompettes mexicaines se fassent entendre au loin et confirment que le quatuor a désormais trouvé son propre son.
La production reste encore très artisanale, limite lo-fi. Néanmoins, comme elle a, cette fois-ci, plus d’éléments intéressants à mettre en valeur, cela n’a aucune incidence sur le plaisir qu’on retire de cette galette. Le songwriting de Martin Carr ressort magnifiquement bien et se permet de faire l’accord parfait entre le bruit et la mélodie comme sur le très pop 60s « I Feel Nothing » ou le magnifique « Does This Hurt? ».
Comme quoi, Loveless n’était pas le seul disque de cette scène à avoir su réunir ces deux principes à priori inconciliables. Contrairement à ce que laisse penser ce malheureux cliché colporté pendant de nombreuses années par des gens plus attachés à l’apparence d’une musique qu’à ce qu’elle est véritablement.


On a aussi souvent l’impression de se retrouver dans la douce rêverie de certains vieux classiques du progressif comme sur « Sparrow », dont la quiétude émerveille malgré sa courte durée ainsi que l’onirisme hypnotisant de « Song For The Morning To Sing » (fans du Genesis de Wind & Wuthering, c’est peut être fait pour vous). Même si on retrouve également l’esprit de concision des orfèvres pop des années 1960. Les Anglais collectent et rassemblent donc le meilleur de plusieurs mondes avec grand talent.


Si la qualité des chansons (le riff addictif de « Lazy Day ») et les atmosphères insaisissables sont là (le fuzz abondant de « Room At The Top »), Everything's Alright Forever a surtout été taillé comme un roc. Un disque cohérent, homogène, quelques fois hermétique mais assurément fascinant. Cet objet semble avoir été conçu comme une bande-son shoegazing d’un film imaginaire. Où les vapeurs psychédéliques des années passées se confondent avec l’alternatif bruyant du moment. Les saveurs s’entremêlent pour donner une substance aérienne, hallucinée et hallucinante.


C’est à se demander pourquoi Gregg Araki n’a pas réalisé de film avec cet album en guise de BO.


Chronique consultable sur Forces Parallèles.

Seijitsu
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le 10 août 2015

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