Cet album sera la dernière pierre de notre civilisation.

On a connu les différentes périodes de vie d'Orelsan, le voyant mûrir au fur et à mesure des albums, passant du jeune branleur paumé... au jeune adulte célèbre paumé.

Pourtant, si ce quatrième album semble être auréolé d'une plus grande maturité et d'une prise de conscience plus importante des enjeux de notre société actuelle, il semble aussi sonner la fin de sa carrière.

En effet, si dans le premier morceau Shonen il dépose en filigranes l'amorce d'un départ du rappeur de Caen de sa carrière, c'est bel et bien le final Civilisation qui assène dans nos esprits la fin d'une ère et l'envie de Orelsan de ne pas vouloir tourner en rond. Partir quand on est au plus haut, pour ne pas entamer une descente avec des albums de trop, donc.

Au milieu de cette lettre d'adieu, il y a des aveux, parfois très intimes quand Orelsan nous parle sans gêne de l'alcoolisme de sa petite amie et de la difficulté à le gérer dans Bébéboa, parfois plus doux et touchants quand avec beaucoup de nostalgie il évoque certaines années clés de sa jeunesse dans La Quête.

Il y a aussi son sentiment d'incompréhension et de désencrage face à une époque où la cristallisation des opinions sur les réseaux sociaux est omniprésente, où les bad buzz démarrent au quart de tour et où les hashtag peuvent devenir rapidement hors de contrôle, comme dans Manifeste. Quand dans Du Propre, il dénonce l'aspect mercantile dont certaines célébrités d'aujourd'hui profitent avec abus, il tient à rassurer ses fans qu'il restera toujours intègre, ce qui confirme encore plus cette sensation de déconnexion profonde qu'il a désormais avec notre société.

Car quand dans Seul avec du monde autour, il évoque désormais avec sérénité quelle douce vie il mène avec sa famille et sa petite amie, on ne peut que comprendre son envie de s'éloigner de tout ça, chose qu'il répète au début de ses refrains sur ce morceau, d'ailleurs.

Mais alors, si la retraite d'Orel s'annonce paisible et annoncée, que nous laisse-t-il en guise de conseils ? Il nous demande d'abord de rêver mieux. Mieux qu'une gloire éphémère et numérique sur les réseaux sociaux, mais aussi de se préparer pour éviter un effondrement de notre civilisation face à la montée toujours plus constante des fortunes des ultra-riches comme de l'individualisme. Des propos plus engagés que d'ordinaire, qu'il maintient par rapport à l'écologie dans Baise le Monde, avec une certaine touche de cynisme cependant.

Mais il n'y aura pas que de la mélancolie et de la désespérance dans cet album, car les Casseurs Flowters feront leur Infinity War personnelle avec un morceau chargé en punchlines et en références bien senties, un juste retour aux sources qui fait plaisir.

La lettre d'adieu est donc lancée à la mer avec cet album, riche en émotions comme en messages.