Préparez-vous à entrer dans un monde d’horreur…

Pourquoi parler de Resident Evil ? Parce qu’avant d’être une série de nanars à gros budget avec Milla Jovovich, il s’agit du jeu vidéo qui a popularité un genre : le survival horror. Autant dire un mélange entre le jeu d’aventure, d’action et de gestion mais dont l’univers se déroule dans un contexte horrifique. Cette saga, initiée par Shinji Mikami et mieux connue sous le nom de Biohazard au Japon, s’inspire d’ailleurs beaucoup du cinéma d’horreur et dont l’influence la plus évidente est, bien entendu, celle de l’œuvre de George A. Romero. Le réalisateur qui a infiltré le fameux zombie dans la pop culture avec des films tels que La nuit des morts-vivants ou encore Zombie.


Il y a énormément à dire sur cette série et sur le rapport qu’elle entretient avec le cinéma (les angles de caméra fixes, très cinématographiques, son rythme lent voire contemplatif pour mieux surprendre le joueur quand il s’y attend le moins, etc). Cependant, il y a un détail finalement peu abordé dans les discussions de ce classique de la culture vidéoludique : sa musique.


Pourtant, elle est indissociable de l’expérience du jeu et, il faut bien l’admettre, ce premier épisode ne serait pas du tout effrayant sans elle. Graphiquement, il tient toujours bien la route (les décors en 2D précalculée ayant bien mieux vieilli que la 3D lambda de cette période) et permet de faire comprendre à quel point la Playstation était une console révolutionnaire au milieu des années 1990. Néanmoins, les dialogues et les doublages sont d’un amateurisme renvoyant aux séries Z (un défaut qui fut corrigé dans le remarquable remake sur GameCube). D’ailleurs, l’introduction (tournée avec de véritables acteurs ! Ce qui reste inédit dans toute la saga) est aussi culte que nanardesque. Ce qui est peut-être assumé lorsqu’on écoute le générique de fin (« Still Dawn »), une sorte d’instrumental hard FM d’un kitsch jouissif !
Allez, il faut tout de même reconnaître que c’est aussi ce détail qui rend le jeu très attachant. Cela lui donne un parfum de série B qui s’étiolera dès le second épisode pour cause de gros moyens et d’une direction artistique nettement plus poussée. Et puis, à sa sortie, tout le monde s’accordait à dire que Resident Evil foutait les chocottes malgré ses personnages à la psychologie binaire et son scénario ultra cliché (impossible de ne pas deviner qui est le "traître" dès le lancement du jeu.).


Cette peur, c’est bien la musique qui la transmettait avec ses thèmes étonnamment mélodiques et même orchestraux en dépit des limitations sonores de la console (les développeurs n’en étaient qu’au début de l’exploitation de ses capacités puisqu’il ne s’agit que de cordes jouées au synthétiseur). Les musiques de l’immense manoir étant aussi belles qu’inquiétantes (« At Deep Mountains and Dark Valleys » et « Wandering About »). Heureusement, aurais-je envie d’ajouter. Parce qu’on les entend souvent lors de nos longues pérégrinations dans cette baraque faussement tranquille. Même si elles seront transfigurées par la suite avec l’arrivée des terrifiants (et coriaces) Hunters (« Queer Structure »).


Comme toute OST (Original Soundtrack) de jeu vidéo qui se respecte, chaque évènement ou salle particulière est ponctué d’un thème spécifique. Une musique rassurante pour sauvegarder sa partie (le bien nommé « Peace of Mind »). Une, mystérieuse, nous poussant à vérifier notre environnement pour découvrir les secrets de cette "résidence du mal" (« Vacant Flat ») ou une autre à glacer le sang lorsqu’on s’aperçoit que les nouveaux couloirs que l’on explore ne sont pas déserts (« Narrow and Close »).
Forcément, certaines pistes sont moins écoutables que d’autres sans le support des images. Notamment celles accompagnant une brève cinématique (« Disclosed Secret ») mais, heureusement, elles sont courtes et plutôt rares. Il est vrai également que certains passages jouant la carte de l’épouvante en deviennent assez stéréotypés (l’introduction de l’affrontement contre l’araignée géante sur « Black Tiger » pompe sans vergogne le gimmick de Bernard Herrmann lors de la célèbre scène du meurtre sous la douche dans Psychose). Alors que d’autres, étrangement, s’accommodent bien de ce classicisme grâce à un dynamisme rafraîchissant (le génial accompagnement lors du combat contre la « Plant 42 »).


Seulement, si vous êtes observateur, vous aurez remarqué que ce disque est une version remix des musiques du premier Resident Evil. L’OST originale est facilement disponible sur YouTube mais n’existe pas dans le commerce. Cela dit, on peut expliquer ce choix de la part des compositeurs par le fait que les compositions soient minimalistes. Rassurez-vous, les mélodies restent identifiables. Mais il est vrai que les nouveaux arrangements de certains morceaux pourront désarçonner voire décevoir les amateurs.
Dans les déceptions, le thème du rez-de-chaussé du manoir n’est pas loin d’être massacré car il est fondu avec le bruitage de la pendule de la salle à manger. Cette idée de scénariser les compositions n’est pas mauvaise (elle est justement répétée sur l’environnement sonore des jardins, ce qui est excellent puisqu’il ne s’agit que de bruitages). Toutefois, elle devient discutable quand elle fait perdre en efficacité. Même chose avec le majestueux thème du poste de gardes (« Ivies' Domain ») qui joue sur le volume sonore et enfouit trop sa sublime mélodie sous les basses.
Fort heureusement, ces réarrangements s’avèrent parfois de bonnes surprises. L’ajout d’un rythme quasi drum & bass sur la musique du casting des personnages (« Terror ») fait plaisir à entendre et le remix de la rencontre avec le requin (« Flooded Corridor ») fait prendre plus d’ampleur à l’original. A vrai dire, les morceaux qui gagnent avec ce nouveau traitement sont les plus rachitiques. La basse jazz-funk de « The One Who Survives » (le thème de Rebecca) et « Fatal Bite » (l’apparition de Richard) ou encore la guitare acoustique sur « Concretebound » (celui du laboratoire) enrichissent des compositions flirtant avec le pas grand-chose. Sans oublier l’incrustation des répliques de plusieurs personnages. Un détail peu important à première vue mais qui replonge immédiatement dans l’atmosphère du jeu.


En fait, ce qui me pousse à ne pas trancher entre cette version remix et les versions originales, c’est l’absence de plusieurs musiques issues du jeu sur cette OST et dont certaines sont essentielles ! Je pense aux thèmes de la disparition de Wesker et de la découverte du cadavre de Forest (dévoré par des corbeaux). Là encore, il s’agit de morceaux jouant sur peu d’éléments (des chœurs synthétiques rappelant la BO du film Aguirre de Popol Vuh sur le premier et un vrombissement menaçant sur le second). Seulement, c’est bien cette capacité à rendre envoûtants des thèmes aussi simples qui fait de cette BO une des plus marquantes dans le domaine du jeu vidéo. Hélas, ce genre d'oubli est une erreur que Masami Ueda et ses compères commirent de nouveau.


Chronique consultable sur Forces Parallèles.

Seijitsu
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le 12 janv. 2018

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