A Trick of the Tail
7.6
A Trick of the Tail

Album de Genesis (1976)

Mettez vous à la place des afficionados du groupe à Peter en 1975. Voir le leader quitter le navire, voilà une autre façon de dire que Genesis était foutu d'avance (s'ils savaient ce qui allait se passer même pas 5 ans plus tard !) Si l'on avait vu le groupe se faire discret, on ne pouvait que craindre le massacre. Et quand A trick of the Tail était sorti, c'était tout, sauf un massacre. Et la raison était plutôt simple : Peter Gabriel n'était pas le leader de Genesis.


En fait, cet album est vraiment dans la continuité de ses prédécesseurs. À commencer -comme la pochette le laisse présager- par ses textes. La plupart illustre des histoires absurdes et décalées, mêlant folklore et humour. C'est la cas de Squonk, qui raconte l'histoire d'une bête immonde, et consciente de sa mocheté, la pauvre passe son temps à se cacher et sangloter ; mais si le monstre est prisé par ses chasseurs, c'est qu'il est dur à capturer : la bête a la particularité de se dissoudre en larmes pour échapper à ses ravisseurs, et le personnage principal en fera les frais. Citons également Robbery, Assault & Battery ou A Trick of the Tail dans le même genre.


Mais quelques différences subtiles se sont faites dans la musique depuis le départ de Peter Gabriel. Déjà, le chant est maintenant assuré par Phil Collins. Et en réalité le bougre chante plutôt bien, et sa voix ressemble pas mal à l'ancien. La seule différence serait dans une théâtralité moins affichée (quoique, regardez à peu près n'importe quel live, et vous le verrez se tortiller dans tous les sens) : dans les aigus, Phil Collins a tendance à moins brailler et se faire plus lyrique. Un point fort pour des chansons comme Mad Man Moon ou Ripples...


Il est vrai que musicalement, les chansons se sont simplifiées. Disons que chaque titre se concentre sur un registre. On est loin des changements d'ambiance soudains comme Supper's Ready ou The Musical Box. Cependant, les chansons sont toutes de durée moyenne, puisqu'elles tournent pour la plupart dans les 5 ou 6 minutes ; elles ont donc le temps de bien étaler l'ambiance musicale, tout en se permettant de petits changements de temps à autre. C'est du coup un des gros points forts de l'album : chaque chanson ayant une ambiance précise, on s'attache facilement à chacun d'entre elles. De plus l'album est bien construit puisqu'il alterne entre morceaux dynamiques et rythmés (Dance on a Volcano, Squonk, Robbery, Assault & Battery) et morceaux plus lents et émouvants (Entangled, Mad Man Moon, Riples...).


Et puis, les sonorités ont évolué ! Au delà du chanteur qui a changé, il est impossible de ne pas remarquer l'OMNIPRÉSENCE des innombrables claviers et synthés de Tony Banks (chose qui se fera de plus en plus). C'est bien simple : Phil Collins et Tony Banks en mettent plein la vue, Steve Hackett fait presque de la figuration (bon, c'est sans doute à cause du mixage de Tony Banks qui tend à faire moins entendre la guitare). Quant à Mike Rutherford, il n'a malheureusement jamais eu de lignes de basse vraiment mémorables.


Mais si le groupe n'a rien perdu suite au départ de Peter Gabriel, ça voudrait donc dire qu'il ne servait à rien ? C'est faux, évidemment. Disons que les codes que Gabriel et ses comparses durant 6 albums ont bien été assimilé par les autres membres de Genesis. La seule chose qui se perd vraiment se trouve au niveau des textes. Ils sont cependant loin d'être désagréables (la phrase Ripples never come back, je m'en remettrai jamais). Mais les nouveaux paroliers sont loin d'avoir la puissance et l'exactitude sentimentale qui faisait la force de the Lamb.


En allant vers une forme relative de simplicité, le quatuor a su faire la synthèse de ce qui marchait dans les précédents albums et d'en bourrer celui-ci à doubles doses. A Trick of the Tail fait clairement partie de mes albums préférés du groupe, et je le rangerai facilement dans les albums "parfaits" : c'est-à-dire ceux dont toutes les chansons sont travaillées pour être appréciables indépendamment. Peut-être y verrez-vous une sorte de miracle, un alignement d'astres soudain. Mais je reste persuadé que Genesis aurait tout de même eu de sa grandeur même si Peter Gabriel n'avait jamais été dans le groupe. Enfin, quasi persuadé. Car A Trick of the Tail est le dernier album aussi bien calibré dans son ensemble (même si je serai tenté de rajouter Duke et Invisible Touch à cette catégorie), et le fait se vérifiera 10 mois plus tard....

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le 15 nov. 2020

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poulemouillée

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