The Catastrophist
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The Catastrophist

Album de Tortoise (2016)

Tortoise a toujours été très attachant grâce à son style. Ce son hybride entre progressif, jazz, électronique et musique planante qui a fait les beaux jours de leurs albums de la seconde moitié des années 1990. Rien qu’à cause de ce détail, on lui a pardonné beaucoup. Sa reconversion ratée en une entité électro rock intello sur le pénible Standards. Ses derniers disques ne se hissant pas aux mêmes hauteurs que les remarquables TNT et Millions Now Living Will Never Die… Aurons-nous donc la force d’accueillir avec bienveillance ce nouvel album qu’on n’attendait plus ?


Nouveau ? Pas tant que ça. The Catastrophist étant, à la base, une série de compositions commandée par leur ville natale (Chicago) dont l’objectif était de s’inspirer de sa scène jazz. Les morceaux ont bien évidemment été complexifiés, modifiés et densifiés pour légitimer la parution de ce disque. Mais cette tentative de recyclage à peine dissimulée ne serait pas l’aveu d’une source d’inspiration en voie de tarissement ?


Les éléments extra musicaux ne sont pas non plus rassurants : un intitulé éloquent (pour ne pas dire inquiétant…) et une pochette tout bonnement affreuse ! Puis vient le moment de lancer le premier titre et là, c’est le drame. Tortoise a toujours été un adepte de sonorités de claviers très 70s dans l’esprit (ce qui est certainement liés à ses racines prog). Cependant, étaient-ils obligé de nous infliger un riff de synthé aussi heu… Carnavalesque ? Aux dernières nouvelles, ils n’ont pourtant pas embauché Tony Banks.
Autre grand moment de perplexité : la reprise du hit de David Essex (« Rock On »). C’est le premier morceau chanté de la Tortue de Chicago, donc un signe fort envoyé aux fans et c’est… Une catastrophe. Une version balourde, mal chantée et sans intérêt car ne portant que trop peu la trace de cette bande à la forte personnalité.


Toutefois, ces mauvaises surprises sont bien les seuls instants où la musique de The Catastrophist vous étonnera. Parce que la formation cachetonne sans complexe dans son registre habituel la plupart du temps. Piochant sans scrupules dans sa discographie passée pour meubler un skeud qui peine énormément à passionner (la tentative groovy à la Beacons of Ancestorship sur « Gopher Island » laisse circonspect). Même résultat concernant la participation de Georgia Hubley des remarquables Yo La Tengo sur « Yonder Blue » : c’est autant insignifiant que du mauvais Stereolab.


En étant magnanime, on peut tout de même s’attarder sur « Gesceap ». Une composition à peu près bien torchée, car s’accoquinant de nouveau avec cette démarche de longue plage hypnotique ayant fait la réussite du chef d’œuvre « Djed » qu’on retrouve sur Millions Now Living Will Never Die. On peut évoquer également « Hot Coffee », dont l’accroche rythmique enthousiasme un peu dans ce marécage sonore sans saveur. Seulement, s’attarder sur deux pièces mineures pour ne pas trop enfoncer cette sortie n’est-il pas révélateur de quelque chose ?


Hélas, oui.


Les influences jazz, easy listening de Tortoise ont toujours été présentes pour renforcer sa singularité et sa musicalité. Aujourd’hui, elles sont devenues les poids lourds de ce son typé ne parvenant plus à se renouveler. Les points forts étant oubliés au profit des points faibles. C’est-à-dire une musique d’ambiance dont le seul intérêt est de servir de papier peint musical. Et une technique instrumentale ne servant plus à transmettre des émotions, mais juste à démontrer un savoir-faire qui n’intéressera que les musiciens.


Franchement, on n’avait pas besoin de ça.


Chronique consultable sur Forces Parallèles.

Seijitsu
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le 5 avr. 2016

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