NO NOW
7.2
NO NOW

Album de Clarence Clarity (2015)

L'homme qui charcuta le R'n'B pour en révéler la beauté insoupçonnée

Au coeur d’une scène musicale déroulant le tapis rouge pour ses divas (St Vincent, Beyoncé, Björk, Frank Ocean, FKA Twigs, dans des registres certes très différents), au sein d’un genre comme le R’n’B se prenant de plus en plus au sérieux à mesure que les chevilles de ses poulains enflent comme des baudruches vides, il est grisant de tomber sur un disque comme No Now, venant d’un outsider qui s’applique à démonter les clichés du genre pour les rendre paradoxalement d’autant plus jouissifs. Une subversion du R’n’B qui s’avère salutaire à bien des niveaux.


Dire que Clarence Clarity fait du R’n’B est à la fois exact et insuffisant – voire réducteur. Ce qu’on reconnaît du genre dans cette musique, ce sont des touches éparses, des gimmicks tout au plus : effets de carillons kitschs, auto-tune, une façon de chanter maniérée caractéristique, etc. Mais si ces archétypes sont employés, c’est pour mieux être tronçonnés, pervertis, passés à la moulinette sonique de Clarence qui en offre un rendu en forme de perpétuelle déflagration. Sur No Now, Clarity s’affaire non seulement à jouer avec les codes – l’auto-tune burlesque, éclaté et omniprésent ; l’emphase larmoyante poussée à l’extrême ; les chœurs et beats distordus – mais également à métisser le tout avec d’autres genres. C’est que l’homme, dont on sent bien ici le passif de producteur, se révèle sacrément à l’aise avec l’électronique : dans les beats et l’utilisation des synthés, Clarence se fait l’agent d’un maximalisme électro qui va jusqu’à flirter avec la noise. Pas une vibe putassière n’est épargnée, saccagée par un arrière plan détonnant et luxuriant. De fait, tout en No Now est conçu pour exploser à la figure de l’auditeur ; la construction même des morceaux s’avère mouvante, si bien que chaque morceau – parmi les 20, tout de même – se ménage plusieurs moments de climax, le tout en gardant une rigueur dans la composition qui évite au disque de perdre toute cohérence en pleine lancée.


En grossissant les traits du R’n’B jusqu’à l’éclatement, en ravageant le genre avec ses effets électroniques à plein volume, Clarence Clarity en révèle au final toutes les forces, en attise le potentiel et en gomme les défauts par sa formule décomplexée. No Now exsude d’ailleurs un véritable amour du genre et de ses codes, et Clarity lui fait en quelque sorte le meilleur cadeau qu’on puisse imaginer : le pousser à se remettre en question en le bousculant. Qui aime bien châtie bien !


Disponible sur BUB : http://bubzine.fr/?p=13884

Créée

le 20 avr. 2015

Critique lue 414 fois

10 j'aime

T. Wazoo

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