Mythodea est le grand disque classico-lyrique de Vangelis. En 2001, il est prêt pour aborder pleinement ce type de musique auquel son style semble par ailleurs prédestiné. Ses albums précédents ont peu à peu préparé le terrain, en particulier El Greco (1998) ; cette fois, cependant, le compositeur grec ne se contente pas de la puissance déjà phénoménale de ses synthétiseurs, et il y ajoute l'artillerie lourde d'un orchestre symphonique (le London Metropolitan, rien que ça), d'un chœur monumental (120 chanteurs) et de deux cantatrices renommées : Kathleen Battle et Jessye Norman.


La sortie du disque est par ailleurs précédée d'un concert majestueux, donné dans le Temple de Zeus à Athènes - le seul live de Vangelis paru en DVD, soit dit en passant.


Les premières minutes, pourtant, nous amènent en terrain connu. L'introduction est un long grondement de nappes synthétiques émaillées d'effets sonores, qui conduit tout droit à un premier mouvement sans surprise quand on a suivi le travail de Vangelis dans les années 90.
Un thème cuivré qui ressemble à un hymne, porté par une mélodie répétitive et une intraitable montée en puissance du volume sonore, dans un déchaînement solennel aussi dénué de finesse qu'implacablement efficace. On pense au thème de 1492 ou à Voices, le titre introductif de l'album éponyme, et on se dit : "bon, notre ami grec continue à creuser son petit sillon tranquille".
Aucun problème, du reste, car ce sillon, il le creuse comme personne ; et quand on aime, on en redemande toujours plus ou moins. (Il refera le coup ensuite, notamment avec le thème principal d'Alexander trois ans plus tard.)


Le deuxième mouvement, rythmé de lentes percussions, fait lentement basculer le son général vers les chœurs et l'orchestre. C'est discret, encore, mais c'est un passage obligé pour amener l'entrée en scène des deux cantatrices dans le troisième mouvement.
À partir de là, Vangelis développe dans la première partie de l'album un type d'écriture proche de celui d'El Greco, assez austère d'un point de vue mélodique, même si l'orchestration imposante choisie pour Mythodea donne plus de coffre et de profondeur à l'ensemble.
Par la suite, Vangelis laisse davantage à son lyrisme instinctif et, de fait, à l'émotion, par exemple dans le très délicat sixième mouvement (mon préféré du disque) ou dans le neuvième.


L'écriture musicale s'avère extrêmement élaborée, voire virtuose, notamment sur la partition des cantatrices qui ont sérieusement de quoi s'employer pour imposer leur coffre, entre les claviers soyeux, la force naturelle de l'orchestre et le solide appui du chœur. Vangelis prend un malin plaisir à entremêler les voix de Battle et Norman, les faisant se répondre ou danser l'une autour de l'autre, en arabesques d'une grande élégance.
L'album réserve aussi de nombreux moments de déchaînement, où l'ensemble des pupitres donne toute sa puissance et révèle dans toute son ampleur l'énergie de la musique du compositeur.


Mythodea n'est pas un album d'abord très facile, développant une approche très classique et savante qui montre l'étendue du savoir musical de Vangelis, et sa capacité à s'investir dans tous les registres.
Il n'en reste pas moins très représentatif de son travail, investi de son style et de son inspiration, et mérite de nombreuses écoutes patientes pour être apprécié à sa juste valeur.


P.S.: je ne me suis pas étendu sur la référence à la mission de la NASA à laquelle le sous-titre de l'album fait allusion, étant donné qu'il s'agit plus ou moins d'un prétexte. L'espace est un motif d'inspiration récurrent chez les musiciens électroniques, qui puisent dans l'infini du ciel une source d'inspiration appropriée aux sonorités extra-terrestres des synthétiseurs.
Depuis Albedo 0.39 jusqu'au récent (bien que non encore publié) From Jupiter to Juno en passant par Rosetta, Vangelis ne fait pas exception à la règle, mais cela n'a guère d'importance ici à mon avis.

ElliottSyndrome
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le 2 juin 2021

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