Mooncurse
7.4
Mooncurse

Album de Wormwood (2017)

Je suis tombé sur un article de Cvlt Nation (aka. les hipsters bourrins du metal) qui présentait cet album comme du "Soaring Cosmic Doom" (qu'on pourrait traduire par "Doom cosmique vertigineux/planant"). Cette élégante dénomination, doublée d'une splendide pochette, ne pouvait que m'inciter à écouter l'opus sur le champ.
On doit d'ailleurs l'artwork à Pedro Oliveira, plus connu sous son pseudonyme d'Ars Moriendee. On lui devait déjà la pochette du dernier album de King Woman, « Created in the Image of Suffering », du premier album du très bon groupe de stoner brésilien Son of a Witch et du « Negate the Infinite and Miraculous » de Pale Chalice.


Wormwood propose un mélange de sludge et de doom, rien d'original, mais il faut bien comprendre que dans le doom, l'originalité des mélanges n'a pas vraiment d'importance.
Je suis un fan du genre et pourtant, objectivement, je reconnais que le doom ne repose que sur deux-trois éléments incontournables et systématiques. Je ne cherche plus à être surpris par sa construction, son instrumentation ou sa lourdeur, car l'intérêt du doom n'est pas là. Ce que j'attends, c'est une atmosphère. En laissant de côté toute volonté fondamentale de renouveler le genre ou je ne sais quel autre ambitieux projet, les groupes peuvent alors se concentrer sur le tissage d'une atmosphère dense et immersive. Et Wormwood ne prend pas ce challenge à la légère.


« Mooncurse » ne cesse d'être évocateur tout au long des 40 minutes qui le composent.
À la première écoute, aidé par la pochette, j'ai pensé à la menace d'une nébuleuse qui prendrait forme humaine, à la bande-son d'un corps céleste qui se purge. Doté d'une vision à 360° de l'espace, j'ai eu plusieurs fois l'impression d'être le spectateur impuissant d'explosions astrales.
En se débarrassant des désirs d'innovation, Wormwood ne délaisse pas non plus ce qui fait la chair du doom. Dans « Mooncurse », la construction est maline, ni trop ronflante ni trop décousue. Les breaks sont savamment dosés, les solos ne sont pas une stérile démonstration de virtuosité et les envolées épiques succèdent aux passages plus rentre-dedans. Ce mélange est toujours fait dans l'équilibre et la mesure et c'est là que se trouve la justesse.
Le premier morceau, « Infinite Darkness » m'évoque un océan menaçant à la manière de Solaris, c'est-à-dire une menace prégnante, irréelle, qui se livre à de rares explosions de soufre. Wormwood éructe, menace, étouffe d'un geste de la main.
Mais avant tout, « Mooncurse » a l'explosion parcimonieuse, sachant toujours à quel moment il est approprié de briser la menace pour s'épandre en déflagrations.
La fin de « Forlorn » pousse la rage plus loin en proposant une véritable catharsis de puissance, une éruption furieuse de distorsion, reproduite dans l'ultime effort, « Passage of Fire ». Les deux morceaux se rejoignent en cela qu'ils offrent un doom texturé et tempétueux, martelé sans compassion.


Une autre caractéristique fondamentale pour apprécier la qualité d'un album de doom est l'intensité que l'artiste parvient à maintenir au gré des titres. Même si un morceau introductif peut paraître efficace, il n'est pas rare que l'assiduité et l'intensité baisse à mesure que la fin de l'album approche.
À ce niveau, Wormwood met les petits plats dans les grands. « Mooncurse » arrive à être consistant sans être étouffant ou foutraque. C'est épais de la première note à la dernière, mais la progression des morceaux et la justesse de la production permet au tout d'être digeste.
Je l'ai écouté deux fois consécutivement, ce que je fais extrêmement rarement pour des albums de doom, qui impliquent généralement un engagement émotionnel assez fort.


Il faut se rendre à l'évidence, tout a déjà été inventé et les compositions actuelles et futures ne sont que des réarrangements, des réorganisations de ce qui existe déjà. La création pure, celle qui fait émerger l'art de la poussière, est un mythe depuis longtemps détruit. En surmontant l'obstacle de la création ex nihilo (idéal prétentieux qui sévit encore dans le metal hipster), Wormwood se déleste d'un fardeau et est à même de produire une musique sincère, sans fard, mais terriblement efficace.
Et c'est là tout le talent d'un groupe de doom : dans un sous-genre assez limité, parvenir à faire encore vibrer les amateurs après plus de 30 ans de metal plombé.


Créée

le 17 févr. 2018

Critique lue 138 fois

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Raton

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