Further
7.3
Further

Album de Flying Saucer Attack (1995)

Par moment, une bonne pochette vaut mieux qu’un long descriptif. Vous souvenez-vous de celle du premier Flying Saucer Attack ? Son coucher de soleil orangé illustrait bien l’aspect méditatif que pouvait avoir leur musique malgré ses attributs noisy particulièrement prononcés.


Il en va également pour Further. Une forêt plongée dans la plus sombre des nuits, seulement éclairée par la lune dont la lumière perce entre les branches des arbres. Un environnement rural me poussant à établir ce parallèle évident : une musique issue des bois ne peut être que du folk. Bingo ! Ce second disque de cet énigmatique duo joue de sa différence auprès d’un premier opus irréprochable. Les guitares acoustiques sont de sortie et leur space rock abandonne les longues plaintes bruyantes passées. Il devient donc moins difficile et plus varié.


Si « Rainstorm Blues » n’est pas la bande son éthylique d’un jeune paumé dans la forêt de The Blair Witch Project, alors je veux bien être transformé en fan de Muse immédiatement ! Des drones, des échos et encore des drones… Joués à la gratte bien évidemment. Les synthés étant tombés en disgrâce depuis le début des années 1990, on n'utilise que des guitares pour produire ces sons irréels et planants. On reste entre shoegazers après tout, même si on commence déjà à regarder ailleurs pour ne pas s’enfermer dans sa bulle. Une bulle mise à mal sur ce premier morceau et qui est crevée dès l’écoute de « In the Light of Time », pièce maîtresse de Further. Une magnifique bluette acoustique où ses accords trafiqués résonnent aussi bien dans nos oreilles que dans notre cage thoracique. Si Nick Drake était toujours de ce monde et qu’il s’était lancé dans une carrière psychédélique, il aurait probablement composé ce genre de drone folk.


Cependant, jouer du folk peut être à double tranchant. C’est une musique qu’on peut légitimement trouver trop dépouillée au point de paraître pauvre. Mais le miracle se produit. Sa douceur boisée est enrichie par la recherche sonore de ces têtes brûlées adeptes de sonorités extrêmes. Ils en arrivent même à diviser en plusieurs parties la structure de leurs compositions pour les rendre moins linéaires (« For Silence »).


Cela serait-il si facile s’il n’y avait pas un effort mélodique derrière ces chansonnettes acoustiques ? « Still Point » est le titre le plus classique de ce recueil et il repose pourtant sur une jolie mélodie chantée par la douce voix de Rachel Brook. Une surprise qui n'en n'est pas vraiment une en réalité. Derrière leurs premiers assauts soniques se cachaient des mélodies et des sentiments, tout comme les meilleures œuvres du shoegazing. Ce n’est pas cette conclusion mélancolique qu’est « She Is the Daylight » qui pourra me contredire.


Néanmoins, si Further peut paraître plus abordable que leur album sans titre à cause de l’absence de cette densité noisy qui le caractérisait, il reste certainement ardu à apprécier pour les oreilles sensibles. Les accords bizarroïdes et le feedback restent présents, même dans les moments les plus folk (« Come and Close My Eyes »). Et quand on retourne vers leurs tendances les plus dissonantes, on pénètre de nouveau dans un univers abstrait mais d’une beauté fascinante (« Here Am I » et ses spirales d’effets enivrants).


La longue pièce « To the Shore » s’éloigne sur des terrains encore plus expérimentaux dans son interminable déferlement sonore à base de clochettes et de percussions. Cela devient compliqué de ne pas imaginer Dave Pearce et sa petite amie faire tout leur possible pour produire le plus grand barrage sonore jamais entendu en tapant et en agitant tous les objets à leur portée. Comme s’ils voulaient libérer nos sens en atteignant un mysticisme psychédélique similaire à ce qu’on pouvait entendre sur les premiers Popol Vuh (notamment le remarquable In den Gärten Pharaos).


Flying Saucer Attack fait effectivement partie de ces descendants d’un rock défricheur dont l’objectif est de faire sauter des verrous pour ouvrir les portes vers d’autres contrées à explorer. Fort heureusement, il y a bien plus qu’une démarche iconoclaste ici. Car aussi originale soit-elle, cela ne serait que vain sans le moindre talent derrière.


Ce couple ne faisait donc pas que du bruit. Ils ont suffisamment de cordes à leur arc pour se permettre de se réinventer sans se perdre. La recherche est présente mais l’ambiance demeure. C’est pour cette raison que cette catégorie de groupe est si précieuse. Savoir étonner sans agacer n’étant pas un don très répandu.


Chronique consultable sur Forces Parallèles.

Seijitsu
8
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le 15 nov. 2015

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Seijitsu

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