Feeling You Up
7.4
Feeling You Up

Album de Truly (1998)

Voilà un gros problème que rencontre chaque groupe ayant débuté sa carrière par un chef d’œuvre insurpassable. A moins d’un événement indépendant de sa volonté, continuer est une option évidente pour ne pas dire obligatoire. Mais que faire dans ce cas-là ? Changer complètement d’optique est un bon moyen d’éviter une comparaison désavantageuse. Elle est également risquée car peu de musiciens sont capables d’accomplir le grand écart stylistique.


Truly a osé aborder ce changement et s’est planté.


Pour rappel, Fast Stories...From Kid Coma est un des bijoux cachés des années 1990 et un des plus grands disques que le grunge ait accouchés. Malheureusement, sa conception est récente dans l’histoire du genre. Ce qui en a fait le dernier né d’une dynastie déjà fort nombreuse et dont les aînés étaient désormais respectés. L’un d’entre eux s’est même éteint au sommet de sa gloire commerciale, ce qui n’aide pas à se faire remarquer parmi cette fratrie de surdoués.


Dans la cours d’école, Truly est à part. Il possède son propre charisme, ce qui attire vers lui quelques amis et sa proximité avec des grands frères du grunge ne le désolidarise pas totalement du reste de la famille. Mais son jeune âge et sa forte personnalité ne lui permettent pas de fédérer autant d’adeptes qu’il souhaiterait. Surtout qu’il a passé son premier examen au même instant où une nouvelle branche de son clan fait son apparition. Les cousins du post-grunge, tels que copains Live, Bush ou Foo Fighters, font grand bruit et plaisent particulièrement au jury dont ses notes de fin d’années dépendent.
Par conséquent, le petit Truly décide de changer de tactique afin d’éviter le redoublement. Sans vouloir se conformer aux principes de cette frange plus fédératrice parmi les examinateurs (néanmoins vu d’un mauvais œil de la part de plusieurs vieux sages), il décide de rendre sa copie plus classique pour ne pas dérouter un système scolaire de plus en plus séduit par des travaux pratiques souvent superficiels, mais aussi plus évidents.


Les influences revendiquées par cet écolier studieux n’ont pas été reniées. Il aime toujours autant les harmonies vocales douces et ouatées des Beach Boys (le très joli « Air Raid »). Les claviers (Moog et mellotron) d’un grand père, fan de classique et de musiques hippie, surnommé Progressif et aussi les sons d’un cousin germain très cool s’appelant Psychédélisme. Ce cousin l’a d’ailleurs initié aux cigarettes qui sentent bon en dépit des avertissements de Papa et Maman sur les dangers de la drogue.


La première partie de son nouveau devoir intitulé Feeling You Up n’a pas la même puissance tellurique que son précédent effort. Ce qui décontenance au premier contact. Cependant, l’élève a conservé cette capacité à écrire des ritournelles vocales très pop dans l’esprit. C’est-à-dire, fraîches, mémorables et adorables. Ce qui n’est pas évident quand on vient d’une généalogie de durs à cuire dont les origines se trouvent dans le hard rock, le punk, le metal et le noise rock. « Twilight Curtains » se démarquent également de ses camarades grâce à des sonorités électroniques.
Hélas, des faiblesses se décèlent rapidement lorsqu’il est temps de passer à la correction. Si ce talent précoce pour les mélodies permet de faire passer la pilule, la structure de cette copie déçoit par son manque de surprise. Le rythme n’est pas aussi trépidant et inventif qu’avant (seulement occasionnellement cette fois-ci) et certains choix, pouvant passer pour de l’ambition, se révèlent n’être qu’une facilité pour grappiller des points en allongeant inutilement ce travail écrit (le trop long « Repulsion » et ce dernier morceau répétitif dont on se serait bien passé).


Malgré son approche démagogique, Feeling You Up n’a jamais séduit les professeurs en recherche de plaisirs immédiats. Car un nouvel élève (un certain Creed) se fit remarquer plus tôt avec une manière d’écrire simple, grossière mais extrêmement populaire auprès de ces enseignants plus concernés par un rock lisse que sale. Hélas, même les plus exigeants furent frustrés par cet étudiant car percevant ce devoir comme une forme de renoncement à une originalité ayant fait de l’année 1995, une promotion exceptionnelle.


Suite à cet échec, Truly mis en suspend ses études et disparu au même moment qu’une grande partie de sa famille pendant que leurs cousins leur succédèrent en les copiant sans panache.


Chronique consultable sur Forces Parallèles.

Seijitsu
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le 20 nov. 2017

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