99th Dream
6.7
99th Dream

Album de Swervedriver (1998)

Une dernière envolée avant de disparaitre

La poisse est là. Elle vous suit. Elle vous colle tellement à la peau que même lorsque vous décidez de tout changer dans votre vie, elle finit par revenir. Parce que le coup du sort est cruel et surtout aveugle. Vous étiez sur son chemin à plusieurs reprises et tout cela ne reste qu’une malchance de plus… Cependant, cette poisse possède peut-être des origines plus profondes et antérieures que vous le pensez.


Swervedriver a eu un gros problème, ils ont été affiliés, aux yeux d’esprits obtus, à une scène qui sera devenue un dépotoir de jeunes accompagnés de guitares torturées. Des esprits hélas influents. Quand on est en plus un groupe au caractère affirmé et finalement différent des bandes composant une scène musicalement éparpillée, on ne peut qu’être condamné à souffrir.


La troupe d’Adam Franklin s’est débattue et a finalement rompu son contrat avec Creation pour voler de ses propres ailes. Une action annonçant surtout le début de nouveaux ennuis. Les Britons se trouvant dans la délicate position de jongler avec plusieurs labels pour finalement atterrir dans une minuscule structure située à New York.


Difficile de ne pas admirer leur persévérance à continuer malgré cette avalanche de problèmes. Ils ont foi dans leur musique au point de continuer à creuser l’optique débutée sur Ejector Seat Reservation. C’est-à-dire un shoegaze plus léger car davantage pop, mais toujours armé de denses guitares psychédéliques. La venue d’Alan Moulder à la production ne change pas vraiment la donne, 99th Dream reprenant là où ça c’était arrêté. Le morceau titre s’appuyant sur des riffs saignants puis s’envolant vers des contrées mélodiques au point de donner une couleur britpop à la chanson.


Les titres principalement nerveux tels « Up From the Sea » laissent place à des moments sublimes comme la ballade « She Weaves a Tender Trap », prouvant par la même occasion que les Swervies n’étaient pas que des jeunes fous accros à la vitesse et aux voitures Ricaines, le space rock de « Electric 77 » et cet instrumental onirique qu’est « Stellar Caprice ». L’étonnante douceur de ce disque ne parvient toutefois pas à occulter leur amour pour les expérimentations à la guitare. Quand la formation décide d’empiler jusqu’à plus soif les couches de grattes, ça donne toujours des moments où la confusion de nos sens nous remplit de joie, surtout quand la mélodie n’est pas négligée (le fabuleux « Wrong Treats » et « Expressway »).


99th Dream n’est pas particulier au sein de la discographie de Swervedriver parce qu’il s’agit de leur dernière sortie studio avant longtemps. Il est singulier puisqu’il prouve définitivement leur personnalité bien à eux. Leur son tiraillé entre deux continents : l’Angleterre et l’Amérique. Ce qui confirme leur place de vilain petit canard du rock outre-Manche, car trop raffiné pour séduire les bourrins en tout genre ou trop lourd et trop rock pour attirer les personnes délicates. Le quatuor incarnait ce lien entre deux continents qui auront pourtant échangé beaucoup dans leurs affinités musicales (souvenez-vous des Rolling Stones). Entre l’indie noisy débraillé, le grunge, la dream pop et le shoegaze.


L’époque n’était probablement pas réceptive à cela quand on relit les critiques à sa sortie. On en vient à exprimer un rire nerveux en prenant connaissance de la "célèbre" chronique des Inrockuptibles (visible sur leur site) dont la condescendance apparaît involontairement drôle aujourd’hui.


Si 99th Dream n’arrive pas à la cheville des premières œuvres du quatuor (car un peu trop évasif au point qu’aucun morceau ne peut rivaliser avec les sommets passés), il s’agit du meilleur skeud de cette période pop. Celui où ce son doucement Byrdien et ce psychédélisme déchiqueté trouvent son meilleur aboutissement.
La conclusion « Behind the Scenes of the Sounds and the Times » achève l’album (et le groupe par la même occasion) dans une envolée où quiétude et riff puissant, ciel et terre se mélangent sans le moindre complexe. Avec une envie de faire rêver sur une musique volontairement rock mais où le regard n’est pas méchant, plutôt dans le vague et en direction du cosmos.


Chronique consultable sur Forces Parallèles.

Seijitsu
7
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Créée

le 1 nov. 2015

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Seijitsu

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