The Night Of
8
The Night Of

Série HBO (2016)

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La minisérie d'HBO, forte d'un récit réaliste, emprunté au "true crime" aura préféré l'ombre jusqu'au bout se placant avant tout comme un outil critique du système judiciaire américain, mais aussi de sa société, et elle le fait avec élégance. Dans l'ombre des blockbusters de Netflix, Stranger Things et The Get Down, ce thriller intimiste a proposé huit épisodes durant une sorte de contre-programmation estivale, moins discutée, moins tweetée, moins marketée. Dans son ultime épisode, elle s'engouffre dans les antipodes de ce qu'est devenu le polar télé, une course au scénarios improbables, avec héros "décalé" ou une célébration de la police scientifique, où les preuves ADN suffisent à classer une affaire sans laisser de doute.
The Night Of, cherche ici tout l'inverse : coller au réel, prendre le temps, et surtout ne rien trancher, montrer que la justice est une affaire de gris, qu'elle hésite, qu'elle bafouille, qu'elle est indispensable et faillible. L’affaire « Nasir » (excellent Riz Ahmed) n’est qu’un cas parmi d’autres à traiter. Et le plus vite serait le mieux pour la justice qui espère des aveux pour éviter la mise en place d’un procès et les coûts astronomiques associés. Dans le cas contraire, tout sera bon à prendre pour que le jury le déclare coupable. D’origine pakistanaise, il sera assez aisé de le pointer de manière réductrice comme « un jeune musulman » et dans cette Amérique post 11 septembre, cela suffit parfois pour convaincre un jury. Ainsi, il n’y aura donc pas de véritable enquête pour élucider le meurtre de cette jeune femme. Les premiers éléments suffisant à la justice pour incriminer Nasir : ses empreintes, son ADN et la prétendue arme du crime qu’il avait sur lui au moment de son arrestation. Mais alors que la série aurait pu tomber dans le piège, en pointant du doigt uniquement l’attitude d’une partie de la justice, elle n’oublie pas pour autant les avocats chargés de défendre Nasir. Ces derniers restant dans la même logique, il ne s’agit pas pour eux de savoir s’il est coupable ou non, mais uniquement d’obtenir ce qu’il y a de mieux pour « le client », et pour leur propre image. Car ce n’est évidemment pas par bonté d’âme qu’Helen (Glenne Headly), une avocate réputée, ira offrir ses services à Nasir et lui conseillera de plaider coupable pour lui obtenir dix, éventuellement cinq ans de prison pour son crime, avant de laisser le dossier à une jeune avocate sans expérience de son cabinet.
Au-delà de sa réalisation propre et réfléchie, et de son atmosphère sombre et envoûtante, THE NIGHT OF devient fascinante dans sa manière de composer avec ses personnages, sa capacité à changer l’image de ces derniers, sans pour autant perdre en crédibilité. Nasir perdant au fil des épisodes sa figure d’étudiant modèle pour apparaître à la limite du monstrueux, bodybuildé, sur de lui et n'hésitant plus à défier du regard ses antagonistes et les faire plier des yeux comme dans cette scene de l'ultime episode où son avocat lui dira avec humour qu'il aura au moins appris quelque chose en prison . Tout l’inverse de Jack Stone, l’avocat bas de gamme (interprété par un, comme toujours, très grand John Turturro), qui parvient à participer à la défense de Nasir en s’étant trouvé « au bon endroit au bon moment », et qui révélera ses failles et ses blessures (physiques comme psychologiques) jusqu’à développer une certaine sympathie. Il est indéniable que c’est par ces deux protagonistes que la série est portée. Suffisant pour dévoiler avec brio les principales failles d’une justice américaine protocolaire et donc inapte à l’humain.
Alors oui, personnellement j'adoube ce chef d'oeuvre que je n’hésiterais pas à qualifier de « Série de l’année » !!

BriceNguingnang
10
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Créée

le 18 déc. 2016

Critique lue 387 fois

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