Sur ordre de Dieu
7.1
Sur ordre de Dieu

Série Hulu, Disney+ (2022)

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Jon Krakauer, ayant déjà été adapté par Sean Penn avec Into the Wild et Dustin Lance Black, le réalisateur, connaissant le sujet (étant lui même issue d'une famille de confession mormone - qu'il quittera dans sa prime jeunesse –) on tente le visionnage, sans précipitation au vu du titre Under the banner of heaven. Pourtant, mention spéciale par la présence étonnamment mature d'Andrew Garfield des plus crédible qui accroche l'œil dès le début - curieusement d'ailleurs, la scène étant celle d'un homme jouant bêtement avec sa fille dans un lotissement au clair de lune – et on suivra les 7 épisodes dans la foulée, en VF, Vostfr ou même Vo pour les plus acharnés.


Mêlant le fondamentalisme au féminicide, dans l'Utah des années 80 et dans le milieu fermé et rigoriste des mormons, il sera question de foi et de son côté obscur, de celui qui inquiétera toujours par ses considérations plus terre à terre et sa recherche de pouvoir, que du don de soi.

Tiré de faits réels datant de 1985 (Utah vs Lafferty), cette mini-série True crime, est l'occasion de lier le fond à la forme mais on sera tenté de lire le livre, qui semble plus nourri en matière de réflexion. La narration usant de flashbacks sur l'origine et la destinée du fondateur du mouvement mormon sont répétitifs, la période historique bien trop didactique et se dote en plus, d'une curieuse photographie digne du soap TV. S'ajoutent les retours en arrière quant au meurtre, objet de l'enquête en cours, qui offrent peu d'enjeu. Les mêmes scènes et les mêmes discussions prises sous un autre angle, pour faire durer le suspense.


La série tente de croiser l'interprétation des textes, leur méconnaissance et leur détournement, en embrassant plus largement la condition des femmes, le racisme ambiant, le traumatisme de l'éducation par le père pour tout un ensemble de violences qui tenteraient d'expliquer les dérives religieuses d'une fratrie, où l'amour maternelle ne fera que précipiter la chute.

Et on peut alors être surpris de lire ici et là, une mise en garde sur la violence frontale, alors qu'elle reste dans le hors champs. Le but n'étant pas de souligner les actes meurtriers, mais de dresser le constat de la faiblesse des hommes manipulés.


Reste une mise en scène sans fioriture, une certaine esthétique de tons et de teintes, à la fois doucereuses et ternes renforcées par les décors froids d'un commissariat, ou inquiétants de campagne aux pièges multiples, où la musique discrète accompagne les déambulations et le chemin sinueux qu'emprunte les policiers, tant mental que physique, recentrant sa caméra sur notre inspecteur de police tiraillé entre sa croyance et son devoir d'enquêteur.

Jouant parfois de décalage entre scènes, images et sons, pour y insuffler un peu de rythme, si ce n'est un suspense intense, la tension est parfaitement rendue par la sobriété de l'ensemble, lorsqu'il s'agit de l'enquête en cours, au présent, mettant en valeur le jeu des acteurs et les différents environnements.


Mention également dans la déclinaison de dialogues suffisamment subtiles, rappelant constamment à la pugnacité mais aussi à la bienveillance de l'enquêteur en mode négociateur.

Le binôme étant quant à lui l'incontournable, on retrouve avec grand plaisir Gil Birmingham, qui s'oppose aux croyances de son collègue par quelques touches d'humour parfaitement dosées et bien senties, pour marquer l'opposition du tandem et se sortir de la lourdeur ambiante. On pense alors aux réussites que sont Escape à Dannemora, I know this much is true et the true detective pour l'aspect rural soumis à vents contraires.

L'action laisse la place à une enquête menée au fil de l'eau pour une plus grande crédibilité encore au travail des enquêteurs naviguant à vue, se déplaçant au grès de maigres indices qui soulignent les enjeux du temps et de la rapidité nécessaire à l'action, confrontés aux diktats des hautes sphères qu'elles soient de l'ordre des instances religieuses ou de la police en place.


Malgré le ton radical, on apprécie la bonne lisibilité des multiples personnages, mais on regrette que le propos central du questionnement s'étiole rapidement pour une seule lecture de textes redondante. Et pendant que les épouses de peu de foi et revendicatrices soulignent la violence faite aux femmes, la résolution nous laisse finalement sur notre faim concernant la prise de conscience pourtant nécessaire de notre inspecteur. Serait-ce à dire que ce à quoi on a été confronté toute sa vie -ou dans ses gènes- resterait apparemment une gageure à s'en défaire ?


Daisy Edgar-Jones, Denise Gough et Adelaide Clemens, Rory Culkin et Seth Numrich, complètent le casting, en laissant la main à Sam Worthington (et la perplexité nous gagne au fur et à mesure de l'évolution radicale de son personnage) et Wyatt Russell (parfaitement à l'aise) qui s'en sortent avec plus ou moins de crédibilité, mais les personnages réels, semble-t-il, ne sont pas loin de ce portrait dramatique.


limma
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le 3 juin 2022

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