Imaginez une série où « le héros » serait un pleutre, un joueur, un menteur, un voleur, un père irresponsable, un trentenaire vivant à la charge de sa pauvre mère et qui plus est "un gentil" (comme on dit en Provence) qui n’aurait pour toute valeur que celle d’être un homme. Mais attention, pas n'importe quel homme, un homme comme l’entendait Jaurès, c’est-à-dire être un être imparfait, faible, mortel et misérable "capable de résister à tout fatalisme et de refuser tout déterminisme qu’il soit économique, social ou biologique".
Ce serait une erreur de ne voir en « Squid Game » qu’une énième dénonciation de la tyrannie imposée par "les nantis" aux plus démunis ou qu’une énième critique d’un monde nécro-capitaliste où l’argent a plus de valeur que la vie car au-delà d’une critique mordante de notre société du spectacle ou celle sans équivoque de la marchandisation de la vie et des corps poussée à son paroxysme, « Squid Game » est surtout une fabuleuse satire sociale sur fond de jeu de survie qui interroge notre rapport à l’autre et à notre propre humanité.
Les moments que j’ai préférés sont ceux qui donnent à voir l’expérience individuelle de l’éthique (ou de la conscience morale), c’est à dire ces moments d’hésitation où les personnages se demandent ce qu’ils vont faire ou pas, ces moments où le temps semble suspendu et où les personnages ne font pas du tout ce qui est prévu ou ce qu’on attendrait d’eux.
« Soyez résolus à ne plus servir et vous voilà libres », disait La Boétie.
A bon entendeur, salut.