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Lapidez-moi, jetez-moi des tomates, tabassez-moi à coups de cric, plus rien ne m'atteint : ce n'est pas comme si je ne m'enorgueillissais pas ici même, et depuis des années, de mon mauvais goût sans fond en matière de comédie française. Tant que le bousin n'est pas signé par l'un des "deux Philippe" (De Chauveron ou Lacheau, qui sont en gros ma seule limite), je signe sans hésiter en bas de n'importe quelle daube, que ce soit Brice de Nice 1 (ou le 3, parce qu'il a cassé le 2), La Tour 2 Contrôle infernale, La Beuze, les 11 Commandements, la moitié de la filmo de Noémie Saglio et même Foon, toutes des œuvres que j'ai noté en toute objectivité entre 7 et 8, en me retenant très fort pour certaines de ne pas y coller un 9. La dignité est un concept surfait, après tout.


C'est donc le cœur léger, et sans même l'avoir vue dans son intégralité (3 épisodes restent à sortir à l'heure où j'écris), que je peux affirmer que j'aime, que dis-je, que je kiffe sa mère, wesh, gros, Pamela Rose, la série. Dans le doute face à un coup de foudre aussi évident que suspect, j'ai revu les 2 films originaux. La première surprise fut de constater que Kad, il y a vingt ans, avait des cheveux. La deuxième, que ces films ont très bien vieilli : sans toujours taper dans le mille, les gags y sont suffisamment imprévisibles, étranges et intemporels (sans doute d'ailleurs parce qu'ils sont presque dépourvus de marqueurs culturels forts, à l'exception de l'aspect "parodie de Twin Peaks") pour qu'on se marre sans discontinuer. Parce que l'absurde vieillit bien, tout simplement.


La série marque les retrouvailles de Kad, Olivier et Julien Rappeneau, qui fut scénariste des films ; et ce sont, vraiment, des retrouvailles sincères. A aucun moment je n'ai ressenti qu'elle était pilotée par l'appât du gain pour les boomers à la nostalgie facile (probablement parce que je ne suis pas loin de faire partie de cette tranche de la population). C'est une série qui soigne énormément son rapport à l'œuvre-mère, en reproduisant, au chromosome près, l'esprit d'absurde et de parodie qui anima les films. On y trouve le même équilibre entre enquête policière et situations burlesques, avec cette étrange envie diffuse, au-delà des pitreries, de connaître le dénouement de l'histoire, presque prenante. Les mêmes personnages intelligemment cons, même si rares sont ceux à faire leur retour depuis les films en-dehors du duo titre. Les mêmes gags idiots mais rarement vulgaires, dont la principale caractéristique est d'être, de nouveau, imprévisibles ; de pouvoir tomber aux moments les plus bizarres, avec un humour parfois (agréablement) indéchiffrable.


Par rapport aux films, la série ose une petite audace appréciable : un recours plus assumé au running gag. Ils agissent comme marqueurs, comme repères, comme petites plages d'humour reconnaissable dans un amoncellement de sketches aléatoires qui, sans leur soutien, auraient pu être un peu fatigants sur la durée. Le plus réussi d'entre eux est le gâtisme de Bullit, qui exagère à mort la fracture du numérique en incarnant un boomer complètement largué par rapport aux nouvelles technologies, que ce soit les smartphones, Youtube, les mots de passe d'ouverture de session Windows ou les adresses e-mail. C'est facile, c'est vu et revu, bien sûr. Mais, bon sang, qu'est-ce que ça marche bien, en grande partie grâce à la crudité des blagues et au jeu totalement kamikaze de son interprète. L'air perpétuellement hagard et éberlué de Kad, ses tics de vieux surjoués à l'extrême conjuguent grossièreté et finesse. Son personnage force d'ailleurs le trait de la connerie à tous les étages de manière générale, d'une façon telle qu'elle n'avait jusqu'ici été osée que dans sa première, et meilleure, partie de carrière ; et cette absence de pudeur rend son numéro de clown extrêmement attachant. En termes de performance comique dans une série française, on flirte avec l'Eric Judor de Platane.


Face à Kad, Olivier, quoique gogole, incarne de nouveau une sorte de personnage plus raisonnable, tempéré. Le "bon flic" du duo, si tant est que l'expression ait un sens quelconque dans leur univers hors sol. De la même façon, son jeu est étonnamment maîtrisé, sobre dans la connerie, et s'il a pris de l'âge (c'est même bien plus frappant que pour Kad, l'homme ayant abandonné depuis longtemps ce côté de la caméra), il est évident qu'il s'amuse. Et d'ailleurs, tout le monde s'amuse. Les seconds rôles s'amusent : Lionel Abelanski (passé d'idiot du village dans Pamela 1 à sous-chef du FBI dans cette série), Stephan Wojtowicz (en beau-père narcotrafiquant, absolument parfait), David Salles (en dealer hispano-luxembourgeois)... Quelques-uns détonent négativement, comme Panayotis Pascot qui n'est pas à l'aise, mais ça relève de l'exception. Une nouvelle fois, dans tout ce bordel, les femmes sont la voix de la raison, elles incarnent les seuls personnages à avoir plus de deux neurones en activité, et leurs personnages sont pour le coup assez chouettes : Ophelia Kolb excelle en orpheline éplorée, idem pour Shirine Boutella en flic compétente ("quewouah ?") ou pour la toujours formidable Florence Muller (malgré une horrible moumoute blonde) dans la peau de la chef du service informatique devant faire face aux injures sexistes et mongoloïdes de Bullit et Riper. Même Mélanie Doutey, en épouse franco-hispanique au charabia facile, est émouvante quand son Kad de mari lui clame : "Tu es ce qui m'est arrivé de plus beau depuis que j'ai appris que Star Wars n'était pas un documentaire" ("ah bon, c'est pas un documentaire ? répond-elle en fondant dans ses bras).


Un regret, peut-être : que, pour une série qui fait d'Internet l'un de ses sujets centraux, le rôle de Mister V ne soit pas plus approfondi, pas plus débile. On voit souvent ce youtubeur au cinéma, mais les metteurs en scène hésitent à lui donner carte blanche. On le sent ici, une nouvelle fois, sur la réserve ; et si c'était excusable dans des comédies plus formatées, son style totalement en phase avec l'humour de Kad et O rend sa performance plus frustrante qu'à l'accoutumée. Ce n'est pas un gros défaut, cela dit. Que cette série existe, soit drôle et respecte à ce point l'esprit des films originaux sans forcer le trait est déjà une petite bénédiction en soi. Grazie muchos, Kad et O, pour ce cadeau ; que la retraite vous soit belle...

boulingrin87
8
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le 5 déc. 2023

Critique lue 619 fois

7 j'aime

Seb C.

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7

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