Bienvenue à Kassos' Land

Dors min ptit quinquin,
Min ptit pouchin,
Min gros rogin !
Te m'fras du chagrin
Si te n'dors poin chqu'à dmain.

Je* manque certainement de recul car je fais partie de ces enfants qui chantaient cette chanson à leur fête d'école, qui, une fois adulte devant P'tit Quinquin n'ont pas eu besoin de sous-titres, l'ont suivi comme si c'était du noble français et qui éto capap' eud' causer bin mieux qu'ché gins deul série eul' patois bin d'ché nous.

J'éprouve beaucoup de difficulté à voir la bienveillance de Bruno Dumont à l'égard des Ch'tis. J'estime d'ailleurs que sa série fera encore beaucoup de mal à toute une région sans cesse caricaturée et brimée, d'autant plus depuis le fameux "Bienvenue chez les ch'tis" de Dany Boon (dont j'ai souffert ayant emménagé dans une autre région l'année même de sa sortie avec mon joli "59" sur ma voiture). Depuis, c'est carrément devenu une franchise avec "les Ch'tis à Mykonos" ou que que sais-je encore.
On pourrait pardonner son réalisateur s'il avait ancré son histoire 50 ans plus tôt vis à vis du patois du coin. A ce jour, ce langage ne vit plus qu'à travers les personnes d'un âge (très) avancé et, en dehors, est révélateur d'un niveau social (très) limité. Par ailleurs, ses usagers l''utilisent de manière beaucoup moins forcée. Au cours des différents épisodes, je n'ai, à aucun moment, réussi à mettre de côté cette sensation désagréable que le scénariste a tenu une check-list des expressions à absolument sortir. Je concède toutefois que cette sensation de forçage doit également être liée à l'amateurisme flagrant des acteurs, un choix (auquel je n'adhère pas) faisant partie de la ligne directrice de la série.

Au delà des éléments de langage, il faut tenir compte de la réalisation et des plans absolument magnifiques des décors, qu'il s'agisse des blockhaus, du village, de la plage ou des prairies. Malheureusement, c'est pour mieux mettre en scène une bande de ploucs dont l'un ne rattrape pas l'autre. Il m'est même arrivé d'avoir l'impression d'être face à un documentaire animalier, sur une espèce entre l'animal et l'homme. Mes cousins citadins nous appelaient les bouseux à l'époque. Ô combien ce film me l'a rappelé.

Je comprends toutefois l'envie de créer une œuvre sur sa région tout en y mêlant le grotesque parce qu'on aime ça. Mais les choix effectués contribuent au bashing de notre secteur géographique : des gens qui parlent mal, stupides et racistes. Même l'amourette entre les 2 gamins, personnages principaux ne m'a fait éprouver que de la gène à ce stade, craignant jusqu'à la fin qu'il ait poussé le bouchon jusqu'à la consanguinité. Il faut dire que l'humour de mauvais goût était convoqué au RDV, Mohammed scandant Allah Akbar s'étant suicidé, la grande sœur pleure au milieu des cochons...

Bref, je ne peux que croire dans les bonnes intentions de Bruno Dumont, mais si l'enfer est pavé de bonnes intentions, j'ai bien eu la perception lors de mon visionnage, d'avoir rencontré derrière la caméra l'diable in perchonne.

*Il y a beaucoup d'utilisation de la première personne dans la critique, le principe étant avant tout de faire part qu'il s'agit de mon ressenti personnel non de me mettre en avant au détriment de la série.