Un Mother! like en mode film indépendant

Difficile de faire abstraction du contexte pour critiquer ce film pour lequel on se prend inexorablement d'affection.
J'ai croisé moins de 10 usagers au Kinépolis Lomme (le plus grand multiplexe de France), un mercredi, pour ma séance de 20h30 et je crains pour l'avenir du cinéma et tout particulièrement pour la postérité de ce film indépendant (et des autres!) qui mérite tellement mieux : nous étions à peine 8 dans la salle. Senscritique comptabilise moins de 400 notes sur cette œuvre à ce jour, jour de sa sortie nationale.


Le pitch, je l'avais eu en lisant le synopsis sur SC et en regardant la bande annonce.
Un couple heureux souhaite accéder à la propriété, visite une maison dans un de ces grands lotissements américains où les habitations sont des copies les unes des autres par dizaine. Au moment de repartir, ils reviennent toujours à leur point de départ, la maison 9. Le lendemain, des vivres et consommables du quotidien leur sont déposés devant la maison. Le surlendemain, un bébé à élever pour leur permettre de retrouver leur liberté. Pas de gâchis, ça ne spoile pas et j'en ferais de même.


Il s'agit avant tout d'un film conceptuel et les genres science-fiction, thriller et épouvante-horreur qui nous sont vendus doivent être mis de côté sans quoi la déception pourrait aisément prendre le dessus sur l'expérience hors du commun qui nous est servie.


Mon conseil: si vous n'avez pas aimé Mother!, passez votre chemin. Il s'agit là d'un film qui va vous triturer les méninges en jonglant sur de multiples niveaux de métaphores à la manière du dernier chef d’œuvre de Darren Aronofsky mais qui laissera à coup sûr ceux qui sont venus voir un film d'horreur sur le carreau. Pour les autres, foncez! Vous pourriez bien y prendre du plaisir et faire de l'audience à ce pauvre petit film indépendant qui le mérite tant!! Attention toutefois... il s'agit d'un plaisir purement masochiste car je résiste depuis une heure déjà à abandonner la critique pour simplement me mettre en PLS et ne plus me mouvoir avant d'avoir digérer ce que je viens de voir.


Concernant l'analyse du film, de multiples thèmes sont abordés et je suis curieux de pouvoir en discuter avec les autres spectateurs, cependant, le cache s'avère nécessaire pour ne pas spoiler et donc démotiver les potentiels lecteurs à aller le visionner en salle.


Je propose un petit listing de ce que j'ai perçu, ce sera très peu développé cela dit:
- Le coucou au début évidemment, qui annonce toute la suite finalement! "La nature est belle même si elle est parfois cruelle".
- La métaphore très pessimiste de la vie tout court, de l'american dream: boulot, maison, enfant, monotonie, privation de liberté, abandon par les enfants une fois notre rôle joué et finalement la liberté trouvée dans la mort une fois résigné...
- L'aspect désespérément cyclique de ce "jeu" pour reprendre les termes de l'enfant monstre
- Le mari qui creuse sa propre tombe de manière obstinée jusqu'à se tuer à la tâche et qui ne profite que de ses derniers instants avec sa femme
- En termes d'éducation, l'enfant qui ne se fait que le propre miroir de ses parents, mime maladroit et complètement creapy d'ailleurs! Je suis d'ailleurs curieux: que se serait-il passé s'ils l'avaient élevé avec amour?
- Mais aussi, l'apprentissage et la critique de l'enfant roi. Il ne stoppe son comportement de cri qu'une fois qu'il comprend que cela n'a plus les effets escomptés.
- La privation de découvertes et des sens (la vue, tout se ressemble, l'ouïe, pas un bruit, l'odorat, pas d'odeur, le goût, rien n'a de goût et le toucher) me renvoie vers l'épicurisme au sens stricte du terme. Profitons avec modération de ses plaisirs! Sans quoi la vie perd tout son sens
- On peut d'ailleurs rebondir sur l'importance de l'art dans la vie de tous les jours à travers la musique, qui, l'espace de quelques instants permets au couple de retrouver le bonheur


Que dire de plus? Tout est bon dans ce film, des acteurs, (mention spéciale à Sennan Jennings, jeune acteur qui incarne à la perfection le gamin bizarre et à Jesse Eisenberg pour son choix de tourner et ainsi de faire bénéficier de son aura à ce petit OVNI), la réalisation (même si ça manque un peu de moyens) mais aussi et surtout le scénario extrêmement brillant!


Alors, sortez de chez vous et foncez voir ce film! Bravez votre phobie du Covid 19 pour sauver le cinéma qu'on aime sans quoi le coronavirus aura vite fait d'achever l’œuvre de Disney en le faisant définitivement disparaitre au profit des formats aseptisés bien plus bankables!!


[Mea Culpa: depuis, nous avons appris que le virus n'est pas une simple grippe. Je vous invite évidemment à respecter le confinement! (de toutes façons les cinémas sont fermés!)]

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le 11 mars 2020

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Alienure

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