Kenobide ?

Bon j’avais quelques attentes pour le projet malgré sa relative inutilité, maintenant que c’est sorti je crois que tout le monde sera d’accord pour dire que c’est au minimum bancal, même si j’y trouve des choses à sauver.

Ca fait forcément quelque chose de retrouver McGregor dans le rôle d’Obi-Wan qui lui va toujours comme un gant, c’était déjà l’un des gros points forts de la prélogie et ici je trouve qu’on joue assez bien du fait que l’acteur comme le personnage ont vieilli. D’autant plus que, s’il y a beaucoup de choses à redire sur la réalisation de Deborah Chow, elle a au moins pour elle de savoir filmer le visage de son acteur, de mettre en avant ses rides et son usure et d’utiliser le regard pour transmettre l’émotion autrement que par le dialogue (chose que ne faisait jamais Lucas dans la prélo).

Mais l’enjeu était surtout de trouver quelque chose à faire d’un personnage dont on sait comment il démarre et comment il termine. A ce titre là, la marge de manœuvre de la série était forcément limitée et on savait que ça devrait se finir sur le même statu quo que l’Episode 3. Compte-tenu de ces limites, ils font le plutôt bon choix d’offrir un arc à Obi-Wan finalement assez semblable à celui de Luke dans l’Episode 8 : un ancien guerrier légendaire confronté à son échec et qui n’est plus que l’ombre de lui-même. Ca permet d’un peu déconstruire le personnage et de temporiser ce que tous les fans attendent puisque le Obi trop classe qui dégomme tout avec son sabre arrive finalement très tard dans tout ce bordel. Et je trouve ça plus intéressant qu’une simple approche fan service, même si le côté rédemption du héros est déjà vu mille fois.

En fait tout ce qui touche directement à Obi-Wan est réussi à mes yeux, en particulier sa relation avec Vador. Disney a plutôt bien utilisé son méchant phare jusqu’à présent en lui donnant une aura de puissance très horrifique, mais c’est peut-être la première fois qu’ils font quelque chose d’intéressant du personnage puisqu’on a un Vador à mi-chemin entre la fureur d’Anakin et la froideur de la trilogie originale, un être vide et consumé par son désir de vengeance. C’est le méchant terrifiant, surpuissant et impitoyable qu’on connaît mais étonnamment à fleur de peau dès qu’il approche de son ancien maître. Et si la série garde un peu trop ses cartes en main jusqu’au grand final, celui-ci ne déçoit pas dans le face-à-face tant attendu avec sans doute le meilleur duel de sabre (hors animation) de l’ère Disney qui dit tout ce qu’il y a à dire sur ses deux personnages. Je ne peux cacher les frissons que j’ai eus à la fin de la confrontation et notamment grâce à un certain parti pris sonore, tout sonne juste et on peut dire que le pont entre la prélogie et la trilogie originale est parfaitement fait à ce niveau-là.

Malheureusement, la série se coltine de sacrées imperfections qui l’empêchent d’être vraiment réussie. Déjà, on sent que l’intrigue a été étirée pour coller au format sériel et que tout ce qui ne concerne pas directement les deux persos est clairement là pour faire du remplissage. J’en veux pour preuve le perso de Reva, déjà le jeu de l’actrice est plus qu’approximatif, ensuite c’est assez mal géré puisqu’elle passe les ¾ de la série à rager, tout ça pour qu’on révèle ses motivations vite fait et bien trop tard pour vraiment créer de l’empathie. Il en est de même pour cette énième histoire de rébellion embryonnaire, ça n’apporte juste rien à la mythologie globale, c’est pas très bien traité et les nouveaux persos n’arrivent pas à laisser d’impact (quand ils ne sont pas carrément hors de propos comme celui de Kumail Nanjiani). Je suis plus partagé pour Leia qui n’est pas toujours très bien utilisée mais il y a quelques moments très réussis et assez touchants entre elle et Obi-Wan, ça donne un peu de coeur émotionnel à l’ensemble. Mais voilà la série se tape dans l’ensemble une construction dramatique assez bancale, le summum étant atteint par ce 4e épisode en forme de remake raté d’Un nouvel espoir (définitivement ce qui manquait à Star Wars en 2022 tiens !). Non seulement il ne sert à rien et ne propose rien de neuf - même le décor vient d’un jeu vidéo - mais en plus il est tout de même sacrément débile et tout sauf engageant dramatiquement. Et un épisode raté et limite hors-série dans une série qui en compte 6, c’est déjà beaucoup.

Au niveau formel, là encore c’est très mitigé. Je reconnais à Deborah Chow qu’elle tente des trucs et sort un peu du format de mise en scène sériel sans personnalité. Elle va par exemple beaucoup utiliser de la caméra portée pour donner du corps aux tourments des personnages ou accentuer le climat désespéré de l’ensemble. Comme je le disais, elle sait s’attarder sur le non-dit et le visage de ses personnages, il y a pas mal de plans assez stylés, notamment dans le premier épisode où Tatooine retrouve une certaine prestance grâce à des plans larges un peu épiques. Mais il y a aussi beaucoup de ratés, principalement concernant les scènes d’action. Dans ses pires moments, la série relève de l’amateurisme total comme lors de cette course-poursuite forestière déjà bien commentée. Non seulement Chow ne sait pas trop comment filmer le mouvement mais rien que dans la chorégraphie et l’utilisation des décors on a l’impression que personne ne sait trop ce qu’il fait et ça donne à l’ensemble un côté mou, brouillon et incohérent. Il y a plein de trucs chelous, des obstacles faciles à éviter qui bloquent complètement les personnages et autres joyeusetés qui donnent juste l’impression que le truc n’a pas été pensé et c’est vraiment chelou dans une production de cette ampleur. Heureusement il y a quelques scènes qui échappent à ça, notamment donc ce duel final ou même les imperfections dans le filmage sont transcendées par la chorégraphie et l’intensité dramatique du truc.

La série a le souci de se prendre très au sérieux et de se donner un ambiance très sombre et solennelle (dans la lignée de la prélogie en fait), ce qui fait que chaque truc un peu ridicule jure d’autant plus avec le reste et que les ruptures de ton et les touches d’humour sont souvent très étrangement placées. Les dernières minutes, entre la malheureuse intégration d’un meme bien connu des fans et le cameo pépère d’un perso attendu, sont assez surréalistes à ce titre.

Donc voilà le bilan est assez mitigé. Je place ça au-dessus d’un Boba Fett parce qu’au moins ici la série donne l’impression d’avoir une direction, je sens qu’il y a des gens derrière qui ont des trucs à dire et un minimum de cœur. Mais l’exécution est très maladroite et montre bien que Star Wars a toujours autant de mal à sortir de ses carcans.