Le Petit Rapporteur
8.1
Le Petit Rapporteur

Émission TV TF1 (1975)

Pour ma génération, Jacques Martin était le présentateur un peu trop mielleux de L’Ecole des fans, entre-aperçu principalement dans les segments de bétisiers. C’est plus tard que je découvris son humour vif, dont l’émission Le Petit rapporteur en fut une de ses plus belles vitrines.


Jacques Martin en était le présentateur et le rédacteur en chef, entouré d’une belle équipe de farceurs tels que Stéphane Collaro, Pierre Bonte, Piem, Pierre Desproges et Daniel Prévost, au gré des départs et des arrivées. Elle dura 1 an et demi, de 1975 à 1976, sur la jeune chaîne de TF1, qui grinçait tout de même des dents face à l’audace et l’humour de cette émission hebdomadaire.


N’ayant pas connu l’émission à sa sortie, ma critique portera sur le coffret DVD édité par LMLR au milieu des années 2000. Celui-ci comprend deux galettes, avec de nombreux reportages et sketchs ainsi que des bonus. La première fausse note à signaler, c’est que ces extraits sont entrecoupés de sketchs par deux des fils de Jacques Martin, tellement légers et fades qu’ils salissent la mémoire de leur patronyme. La deuxième, c’est qu’on passe tellement un bon moment devant qu’on aimerait en voir plus.


Il faut bien le préciser, Le Petit rapporteur était une émission de télé satirique entrecoupée de reportages et de moments sur le plateau. Ce qui frappe, c’est d’abord la camaraderie au sein de l’équipe, qui se moque et s’amuse non seulement des grands de ce monde mais aussi d’elle-même. Sous la direction de Jacques Martin, qui déclenche les hostilités ou sonne la fin de la récréation, cette joyeuse troupe plaisante, commente et même chante. À la pêche aux moules et Mam'zelle Angèle sont ainsi deux chansons qui reviennent fréquemment, et dont la répétitivité musicale laisse des marques dans l’esprit de l’innocent spectateur.


Bien sûr, l’émission ayant plus de 40 ans, c’est aussi une autre France qui s’offre à nous. Les hommes politiques cités ne sont pas forcément restés dans les mémoires, comme Michel Poniatowski. D’autres exemples sont passés de mode, mais la dérision fonctionne encore, à l’image de celle contre les croix Vitafor, bijoux supposément miraculeux de ces années, bien vendus grâce à une belle campagne de publicité que Le Petit rapporteur démonte avec son incrédulité habituelle.


L’émission se moque des plus grands, politiques comme célébrités. Elle est célèbre pour ses interviews, loin des conventions. L’interview de Pierre Desproges avec François Sagan est devenue culte, l’humoriste se faisant passer pour un journaliste inexpérimenté, « comment ça va la petite santé ? ». Jean-Pierre Coffe, qui doit faire ici une de ses premières télé, n’a besoin de personne hormis sa truculence. Ou bien celle avec Maurice Druon, enthousiasmé par les coups de brosse à reluire de son interlocuteur. C’est aussi l’autorité qui est chatouillée, qu’elle soit directe, comme ce reportage dans les bureaux de la chaîne où il n’y a jamais personne, ou étatique. Ce reportage-sketch où l’équipe se déguise en brigadiers pour boire à l’oeil dans les clubs de la capitale est assez croustillant. Du chiqué nous disent-ils à la fin, mais le doute est permis.


Le Petit rapporteur tire un peu partout, et aussi sur la France d’en bas, cette France un peu pittoresque. Il y a ce reportage à Beaucharmoy (en Haute-Marne, ce charmant département), avec une patronne de bar et son piano et sa varinette, instrument fort oublié, dommage, ou cette autre femme et son clairon. Ce sont des gens un peu rustres et naïfs qui nous sont présentés, mais avec une simplicité désarmante. L’exemple du reportage de Montcuq est célèbre, et dépasse même Le Petit rapporteur, mais il y avait une complicité dedans qui ne se retrouve pas dans d’autres où, même sans commentaires, on sent bien une volonté de se moquer qui pourrait apparaître un peu gênante car condescendante.


La joyeuse insolence du Petit Rapporteur n’échappe donc à personne, qu’ils soient de grands hommes ou de petites gens. C’est un humour culotté, très ironique, qui arrive encore à faire mouche de nos jours. La jaquette du DVD s’adresse aux plus vieux, aux nostalgiques. Ce serait une erreur de croire que l’émission n'est réservé qu’à eux. Malgré certaines rides, elle est encore bien vaillante pour son âge.

SimplySmackkk
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le 21 juil. 2020

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