ENFIN ! Quelqu'un s'est décidé enfin à se moquer du ramassis de clichés répétés à l'infini dans la pile de photocopies de mauvais thrillers produits industriellement pour faire frissonner un public de desperate housewives durant son temps libre. Et si, bien sûr, on pense en premier lieu à tous ces téléfilms Lifetime & co qui pullulent sur les écrans depuis des années (citerne US de la programmation des après-midis, voire plus, des chaînes françaises), où une femme au foyer se retrouve à chaque fois en plein mystère meurtrier insipide, il faut bien avouer que "La Femme à la Fenêtre", le film de Joe Wright adapté d'un roman à succès, en était peut-être devenu une des variations qui frisait le plus la parodie involontaire, tant, sous couvert d'un socle hitchcockien, d'hommages esthétiques et d'un casting de stars, se cachait en réalité un condensé ahurissant de tous les ressorts les plus grotesques de ce type de proposition ! Il n'est donc pas étonnant que le trio Rachel Ramras, Hugh Davidson et Larry Dorf ("Nobodies") ait choisi cette "référence" récente en la matière et son postulat de "Fenêtre sur Cour"-bis pour nous livrer cette fois un vrai détournement comique de ce qui est hélas devenu un genre à part entière, le tout mené par la toujours pétillante et irrésistible Kristen Bell.


Et, bon sang, si comme nous vous n'en pouviez plus de toutes ces intrigues similaires de téléfilms/DTV se déclinant depuis des décennies, les débuts de "La Femme qui habitait en face de la fille à la fenêtre" (qu'on appellera désormais ici juste "La Femme" pour des raisons évidentes d'économies d'encre numérique) va vous régaler en pointant du doigt tous les poncifs qui les gouvernent par l'absurde !
Complète caricature sur pattes de celui d'Amy Adams dans "La Femme à la Fenêtre", le personnage de Kristen Bell, Anna, est évidemment une femme au foyer isolée dans une grande maison de banlieue tranquille, sa vie et sa vocation artistique sont en stand-by à cause d'un terrible traumatisme et ses journées se résument à ingurgiter l'équivalent d'un petit lac en nombre de verres de vin (avec des calmants en guise de gâteaux apéritifs) tout en espionnant le voisinage. Un jour, alors qu'elle avait sympathisé avec son beau nouveau voisin veuf et sa fillette, elle assiste assise derrière sa fenêtre à un possible meurtre chez eux...
C'est bien simple, rien ne paraît échapper au regard incisif des scénaristes sur la mise en situation d'un tel récit et de ses fondations vermoulues, les répliques niaiseuses en voix-off (où un gratin de poulet peut parfaitement devenir une métaphore existentielle sur fond de musique ronflante) se disputent au nombre gargantuesque de bouteilles de vins débouchées dans une introduction qui fait très souvent mouche pour en ridiculiser tous les passages obligés ainsi que les seconds rôles forcément amenés à être suspectés à un moment ou à un autre, la palme du non-sens total revient d'ailleurs sûrement aux circonstances hilarantes de la tragédie ayant frappé Anna (plus gros éclat de rires de la série personnellement). Dans l'exercice, et même si on s'en doutait par avance, Kristen Bell se révèle être une perle plus qu'indispensable pour naviguer entre les degrés qu'incombe une telle approche, l'actrice réussit en effet à chaque fois à traduire les comportements les plus irrationnels de son personnage en véhiculant bon nombre de sourires sans jamais pour autant la décrédibiliser en tant que véritable héroïne en plein trouble et déterminée à enquêter sur le meurtre auquel elle pense avoir assisté.


Seulement, après ses prémices (disons les 2-3 premiers épisodes), "La Femme" va curieusement appuyer sur la pédale de frein de ses élans les plus parodiques pour finalement se transformer en satire plus gentillette, obligée elle-même de construire sa propre intrigue vaguement originale à partir du lit de clichés sur laquelle elle repose. Malgré encore la présence de jolis pics loufoques (l'inévitable séquence de sexe érotique-soft avec musique gênante ou un interrogatoire interrompu par un assistant trop méticuleux), la série va clairement perdre de son mordant humoristique en s'étiolant dans un jeu de fausses pistes certes lui-même inhérent au genre mais qui, ici, transforme "La Femme" en un objet bien plus laborieux, qui ne cherche plus nécessairement à rire de ses sources comme s'il en avait déjà tiré le meilleur, préférant déjà baser son humour dans l'univers qu'il est en train établir sans grandes étincelles. De fait, on en vient vite à se demander si la durée plus resserrée d'un long-métrage n'aurait pas mieux convenu à une telle proposition (la série fait 8×25 minutes environ), d'autant plus que le dernier épisode de "La Femme" retrouve le niveau des débuts, avec, bien entendu, une conclusion en forme d'éternel affrontement final qui a la bonne idée de s'affranchir du politiquement correct ambiant pour offrir un twist très amusant et jouissif, même l'épilogue annonçant une potentielle suite (avec une belle surprise) donne déjà envie d'y revenir. Mais, pour cela, il faudra que "La Femme" revoit ou exploite à tout prix son format de façon plus convaincante car, en l'état, et même si elle aura offert de réels moments jubilatoires à tous les spectateurs fatigués de ces thrillers domestiques indigestes, elle n'en est qu'une émanation moqueuse hélas assez oubliable.

RedArrow
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le 28 janv. 2022

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