N'en resta plus que six (étoiles)

Me concernant, regarder une adaptation de « Dix Petits Nègres » (oui, parce que c'est quand même le titre original, ras-le-bol de ce politiquement correct pour tout et pour rien, surtout lorsque l'on sait pourquoi le livre s'appelle comme ça) est toujours un moment particulier. En effet, il s'agit probablement, avec « Frankenstein », de l'œuvre que je connais le mieux. Lu le roman, vu la pièce, joué la pièce, vu deux films, une série... Bref, il est peu dire que celle-ci me tient à cœur. Du coup, lorsque j'ai vu débarquer cette production made in France porté par Pascal Laugier comptant quelques jolis noms à son casting, je n'avais pas vraiment le choix.

D'ailleurs, il y a des choses qui m'ont beaucoup plu. Pas mal de changements, certes, mais l'esprit originel est bien respecté, et ce du début à la fin (non sans quelques ratés). Le suspense est parfois efficace, offrant quelques vrais moments de tension, cette idée de transposer le récit à l'époque moderne se révélant plutôt pertinent, l'humanité ne s'étant pas vraiment amélioré depuis 80 ans. Le réalisateur se montre également très habile dans sa capacité à brouiller les pistes, modifiant la grande majorité des professions des protagonistes, si bien qu'il est parfois difficile de les identifier à leurs « modèles », d'autant que l'ordre des assassinats est régulièrement modifié.

Tout aussi malin : alors qu'on pouvait penser que les « vedettes » seraient les plus longtemps épargnées, là encore, pas du tout, Laugier s'offrant même le luxe de faire disparaître

avant la dernière ligne droite. Enfin, j'ai apprécié la manière dont sont construits les flashbacks, laissant deviner a priori aisément ce qui a amené au crime certains, avant de partir finalement

Même cette idée, à première vue peu convaincante, d'ouvrir presque chaque épisode avec ce duo de policiers tentant de remonter le fil des événements avec les rares éléments dont il dispose ne se révèle pas si mal exploitée.

Seulement, il y a tout le reste et là, le bilan est nettement moins glorieux. Les problèmes sont tellement nombreux que je ne sais par où commencer. Déjà, on sent que nous sommes sur M6, avec ce qu'il faut de racolage et de grand-guignol pour plaire au bon peuple. Pas franchement subtil ni utile au récit, surtout lorsqu'on se doit se coltiner des dialogues régulièrement indigents, l'interprétation générale se révélant dans son ensemble très décevante même si ces deux défauts finissent par s'estomper quelque peu au fil des épisodes (et puis la beauté de Manon Azem, c'est quand même quelque chose).

Ensuite, certes pas mal de changements opérés, mais j'ai envie d'écrire qu'il aurait soit fallu en faire plus, soit moins. Malgré tout, garder certains aspects essentiels du roman, c'est aussi rendre beaucoup plus prévisible l'intrigue pour les spectateurs en terrain connu, si bien que pour moi, il n'y avait aucun suspense concernant l'identité du tueur (que j'avais d'ailleurs quasiment deviné avant tant, au vu des « profils »,

à correspondre). Problème de cohérences, également : comment le coupable a t-il pu remonter à l'origine des crimes alors qu'à plusieurs reprises, il n'y a presque strictement rien qui les relie au meurtre ? Mystère, comme le fait que certains n'aient même pas été inquiétés au vu des faits.

De plus, mettre au même niveau

je trouve ça maladroit et pas vraiment dans l'esprit (l'idée que les personnages sont plus ou moins censés mourir dans l' « ordre » de la gravité du crime est également peu ou pas exploitée). Enfin, si les dernières minutes sont assez prenantes, le dénouement, que ce soit les explications un peu à l'arrache sur les motivations du tueur ou

est nettement plus limite.

Bref, beaucoup (trop) de choses qui ne vont pas, cette alternance passé-présent lorgnant vers « Lost » se révélant autrement moins maîtrisée, mais au moins y a t-il du rythme et surtout, donc, l'esprit originel est respecté, que ce soit dans la structure du récit ou la tension, la paranoïa émanant de celui-ci. Et si les belles ambitions initiales se fracassent quelque peu à la réalité de la production M6 ou d'un trop grand manque de talent dans certains secteurs clés, il n'est pas interdit d'y prendre un certain plaisir, limité, certes, frustrant, mais réel.

PS : ça n'intéresse probablement que moi mais pour la première fois depuis cinq mois je suis TO-TA-LE-MENT à jour de critiques sur le site donc... youpi !!!