La vitrine de Disney+ se doit d'être la plus décorative et la plus attrayante possible pour séduire les futurs abonnés et tout est bon à alimenter la plateforme : Films, séries, émissions culinaires, télé-réalité, il est important d'en faire un espace accueillant et chaleureux pour faire vivre la marque et se familiariser avec le service. Mais s'il y ait une chose que ce dernier ait d'avantageux, c'est de pouvoir offrir une roue de secours à de nombreux projets qui n'ont pas eu la chance d'avoir un moyen de diffusion soit à cause de leur production obscure (La Légende des Trois Caballeros), soit à cause du doute sur leur rentabilité (Magic Camp). Parmi ceux à avoir pu trouver une nouvelle maison, la série documentaire Il Était une Fois les Imagineers, Les Visionnaires de Disney.


En tournage depuis des années, une éternité pourrait-on dire, The Imagineering Story s'est longtemps fait désirer et s'est finalement orienté vers un format de 6 épisodes d'une heure chacun pour ne pas devoir sacrifier trop d'informations qui étaient jugées essentielles au sujet. Leslie Iwerks, réalisatrice spécialisée dans les documentaires (entre autres, The Pixar Story) et descendante d'une lignée prestigieuse (les illustres Don Iwerks et Ub Iwerks), n'a pas lésiné sur les moyens puisque son travail est d'une quasi-perfection qui peut être vu et analysé selon plusieurs angles de lecture.


Tout d'abord, Il Était une Fois les Imagineers, Les Visionnaires de Disney est un éloge à la créativité de ce groupe si spécial, composé d'artistes et d'ingénieurs qui mettent leurs idées au service d'un but commun. D'époque en époque, ces faiseurs de magie allient divertissements à immersion et avancées fulgurantes dans les domaines technologiques en s'adaptant à toutes les nouvelles mesures, les nouvelles tendances et les nouvelles cultures. On se passionne non seulement pour leurs inventions mais aussi pour l'histoire qui les précède, ces petites anecdotes si simples qui dévoilent un autre visage de ces attractions emblématiques. Leur métier relève d'un défi de conception et de recherche qui ne doit s'imposer aucune limite. Un plan est achevé, un autre doit commencer.


D'un autre point de vue, les parcs Disney sont un parfait miroir de l'évolution de la compagnie à travers plusieurs cycles. L'ouverture de Disneyland en 1955 confirme le regain de puissance acquis par Walt Disney sur sa dernière décennie de vie dans le milieu de l'entertainment, la construction et l'ajout de lieux de loisirs comme Space Mountain et Star Tours arrive alors que les studios sont en crise et doivent élargir leur part de visiteurs s'ils veulent rester dans la course, la direction partagée sous Michael Eisner et Frank Wells apporte le renouveau et la variété espérée avec des zones neuves comme Disney-MGM Studios pour faire renaître la filiale, la seconde partie du règne de Eisner, en solo, témoigne de l'ère sombre de la société découlant sur des échecs successifs à Paris, Hong-Kong et Anaheim à cause de pâles imitations et d'absence de vision, jusqu'à ce qu'enfin, Bob Iger relève le niveau en investissant sur des licences fortes avec Pixar, Avatar, Star Wars ou Marvel.


Les parcs à thèmes sont fascinants dans le sens où ils reflètent l'état de la division cinéma et de son contact avec les spectateurs. De l'envie de proposer des attractions à sensations fortes et des hommages au septième art, du taux de popularité supérieur des personnages Pixar à ceux de Disney jusqu'à la capitalisation sur des propriétés à valeur nostalgique, les transformations configurées par les entrepreneurs en disent long sur comment satisfaire l'attente et s'acclimater en toutes circonstances. Cela touche des secteurs économiques plus divers et même politiques, comme l'ont prouvé les élaborations de Disney's Animal Kingdom et de Disney Cruise Line, devant étendre le nom Disney vers des causes et des sphères plus influentes, à la fois pour un souci d'image et pour des raisons commerciales évidentes. Ceci nous menant vers un débat général, la question qu'il est nécessaire de se poser après 360 minutes de compte-rendu.


Que représente finalement un Magic Kingdom? À chaque château implanté dans le monde, va-t-on un peu plus vers un impérialisme culturel comme celui déjà redouté lors du temps de Walt Disney ou n'est-ce là qu'un outil de préservation patrimoniale comme un autre? La réponse n'est pas si simple car il s'agit d'un problème de longue date qui, de nos jours, donne toujours plus raison aux critiques. Les Royaumes Enchantés ont ce don de stimuler l'imagination et d'englober un univers distinctif comme peu d'endroits sur la planète sont capables de le faire, mais ils sont aussi des instruments de pouvoir bien déguisés répondant à un désir de suprématie qui n'est plus ignoré de personne. Le paradoxe est filmé par Iwerks et ses collaborateurs, nous replongeant dans les contestations françaises lors de l'annonce de Euro Disneyland, de peur d'une domination américaine, mais se remémorant dans les épisodes suivants le symbole rassurant qu'il peut être pour l'Asie en cas de phénomènes traumatisants.


Immense mine d'or dans son genre, Il Était une Fois les Imagineers, Les Visionnaires de Disney nous fait traverser les âges, les pays et les parcs en 6 chroniques absolument captivantes. Leslie Iwerks nous délivre une importante leçon sur l'art et l'industrie et sur comment les fusionner. Le parcours de Walt Disney Imagineering est source d'admiration et il n'appartient qu'à l'avenir de dire si l'enchantement continuera d'opérer.

Walter-Mouse
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le 20 mars 2020

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