Hannibal
7.3
Hannibal

Série NBC (2013)

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Un repas distingué, délicieux, horrible mais inégal

La note est une moyenne de celles attribuées à chacune des saisons de la série :
- saison 1 --> 7/10
- saison 2 --> 9/10
- saison 3 --> 5/10


Bien qu’il soit né de la plume de l’auteur Thomas Harris via une saga littéraire de très bonne facture, c’est par le cinéma que le psychopathe Hannibal Lecter a connu ses lettres de noblesse. Notamment avec Le Silence des Agneaux et l’interprétation hors normes d’Anthony Hopkins (qui se souvient de Brian Cox et de Gaspard Ulliel, franchement ?). Désormais, après avoir envahi le grand écran par le biais de cinq films, Lecter s’attaque cette fois-ci à la télévision. Alors que les regards sont bien plus braqués sur la petite lucarne que sur la toile de cinéma depuis ces dernières années, est-ce que le célèbre tueur de Thomas Harris pouvait être un excellent centre d’intérêt pour une série entière ?


Adapter Hannibal Lecter pour la télévision, ce n’est pas aussi simple qu’il n’y parait. En effet, il fallait avant tout pour les producteurs attribuer cette lourde tâche à quelqu’un qui puisse maîtriser l’univers créé par Thomas Harris. À savoir une ambiance sachant jongler entre prestance (que l’ensemble ait un côté classe, noble) et malsanité (violence, cruauté, atmosphère glacial…). Sinon, Hannibal aurait ressemblé à n’importe quelle autre série policière, usant du nom du personnage éponyme pour garantir son succès et rien d’autre. Fort heureusement, en confiant les commandes à Bryan Fuller (principalement scénariste) et de quelques réalisateurs talentueux (dont Vincenzo Natali et David Slade), la série Hannibal s’est trouvée les meilleurs artisans qu’elle pouvait s’offrir. Et pour cause, la direction artistique qui nous est livrée se révèle être tout simplement exceptionnelle. Gros plans, ralentis, images parallèles, séquences se rembobinant, jeux de lumière, montage travaillé, musique de Brian Reitzell… tout est mis en œuvre pour délivrer une atmosphère poétique et luxueuse, mais également lourde et dérangeante au possible, à la limite déprimante (ce qui reste dans l’esprit des livres et des films). Pour donner des exemples, vous aurez des scènes de meurtre comparables à des tableaux de maître ou bien des plats qui vous feront saliver malgré les ingrédients utilisés (une cuisse, un rein…). Visuelle et sensorielle sont les qualificatifs clés de cette série vraiment gouteuse.


Ensuite vient la question du casting, surtout en ce qui concerne le rôle titre. Contrairement à ce que faisait Gaspard Ulliel dans Hannibal Lecter : les Origines du Mal, Mads Mikkelsen ne prend nullement la peine de copier Anthony Hopkins. Au lieu de singer ce dernier, il se livre à une toute autre version du personnage, plus chaleureuse, amicale mais non moins imprévisible et démoniaque. Résultat : l’acteur se présente avec aisance comme l’un des meilleurs interprètes du cannibale. Charismatique et imposant, au point de faire oublier ses nombreux camarades, pourtant excellents (Laurence Fishburne, Caroline Dhavernas, Gillian Anderson…). Bon, il y a bien quelques petits accrocs dans le jeu de certains (principalement Hugh Dancy, un peu trop léthargique à mon goût), mais la distribution dans son ensemble s’en sort à merveille, Mikkelsen en tête. C’est plutôt dans son scénario que la série va rencontrer des problèmes non négligeables, livrant des saisons au combien inégales. Pour cela, arrêtons-nous sur chacune d’entre elles pour les biens de cette critique.


Avant, il faut savoir que la série Hannibal se présente comme une préquelle au premier livre de la franchise, Dragon Rouge. S’intéressant plus particulièrement à la collaboration entre le psychiatre Hannibal Lecter et l’agent du FBI Will Graham avant que celui-ci ne mette à jour le véritable visage du premier et ne l’arrête. Reprenant ainsi les protagonistes marquants du livre (le docteur Chilton, le directeur Crawford) et allant même jusqu’à prendre des libertés avec certains (le journaliste Freddy Lounds devient Freddie Lounds, une femme tenant un blog), Hannibal déploie paisiblement son arc narratif principal (le face-à-face Lecter/Graham sous la forme de séances psychologiques) par le biais d’épisodes mettant en scène un meurtre différent à chaque fois. Néanmoins, cela pose un problème quant à la présence légitime du personnage éponyme qui se montre alors comme une sorte de guest répondant présent pour justifier le titre du projet. Il faudra attendre pas loin de six épisodes sur treize pour que ce dernier devienne le centre de tous les intérêts. Pour que la série démarre enfin, faisant suite à une bien trop longue et bavarde mise en place de l’intrigue. Après avoir passé cela, la série gagne indéniablement en suspense et en qualité, se montrant enfin à la hauteur de ses promesses : complexe, distinguée, prenante, tortueuse et cruelle.


Ceux qui auront vu le dernier épisode de la saison 1 verront alors que la série Hannibal n’est pas une bête préquelle de Dragon Rouge mais plutôt une libre adaptation de la franchise dans son intégralité. Une idée tout à fait ingénieuse synonyme de fraîcheur pour tous les fans des romans (et films) qui, du coup, peuvent se laisser surprendre par une histoire qu’ils pensaient connaître. Et c’est sur cette voie que la saison 2 se plonge allégrement, jouant des livres comme bon lui semble (des personnages étrangers à Dragon Rouge, comme Mason Verger, font leur apparition) pour dérouler une intrigue encore plus maîtrisée et subtile que la saison précédente, ne faiblissant pas entre les épisodes, jusqu’à un final en véritable apothéose. Une franche réussite ne tombant jamais dans la redite et ni le tape-à-l’œil, la saison 2 fait honneur à l’œuvre de Thomas Harris et à son cher psychopathe, pouvant flirter avec l’excellence du Silence des Agneaux, c’est pour dire !


Malheureusement, la série aurait dû s’arrêter là, sur un final semblable au film Hannibal (Lecter fuit les autorités, disparait et refait sa vie comme si de rien n’était). Au lieu de cela, Bryan Fuller et son équipe ont décidé de poursuivre l’aventure. Mais cette fois en voulant faire un mix entre les différents livres de la franchise au point d’en reprendre sans aucune imagination les moments clés de chacun. Oubliant l’originalité de la précédente, cette troisième saison chute dans le déjà-vu et le prévisible, faisant perdre à la série ses nombreux atouts. Sans compter que celle-ci se déploie en deux temps, et ce de manière fortement inégale. Les sept premiers épisodes sont d’ailleurs les plus représentatifs de cette perte de qualité : une adaptation maladroite (BO inadéquate, intrigue incompréhensible, épisodes incroyablement bavards, des séquences invraisemblables) sous forme de trip hallucinogène (la direction artistique perd ici tout son sens) du troisième roman (Hannibal) avec des références inexpliquées au quatrième (Hannibal Lecter : les Origines du Mal). Il faudra attendre le huitième épisode pour que l’ensemble reprenne un peu du poil de la bête sans pour autant retrouver la prestance des saisons précédentes. La faute principalement à son statut de banale adaptation du livre Dragon Rouge, reprenant les scènes et répliques de ce dernier à la ligne prêt (malgré quelques libertés dispensables), et ce malgré l’arrivée d’un nouvel arrivant au casting (Richard Armitage en Francis Dolarhyde, très bon). Manque d’inspiration ou travail fait à la va-vite ? Il n’empêche que cette saison 3, ennuyeuse et bancale, sonnera comme la déchéance de la série, mettant fin à celle-ci (la faute à de mauvaises critiques et des audiences discutables) qui devait pourtant se poursuivre avec une saison 4, inspirée du Silence des Agneaux.


Alors que le créateur Bryan Fuller se démène encore auprès des distributeurs pour donner une conclusion à sa série sous la forme d’un film, il peut se vanter d’avoir livré aux téléspectateurs une série qui tienne grandement la route malgré une ultime saison bâclée. Néanmoins, le syndrome de « la saison de trop » n’entache pas vraiment l’impression qui s’est dégagée de la série Hannibal au cours de son visionnage : un divertissement artistique et stylistique de haute volée. Et surtout une adaptation des plus réussies de la franchise imaginée par Thomas Harris avant tout, ne l’oublions pas !

sebastiendecocq
7
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le 23 sept. 2015

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