Findings
8.1
Findings

Émission Web YouTube (2017)

Nous sommes en février 2024, et voilà quelques jours que Félix Dupuis, alias Feldup, a sorti son centième épisode de "Findings".

Dire ça ce n'est jamais anodin. Une telle dévotion pour un même format est généralement le témoignage d'un vidéaste qui a trouvé la recette qui lui sied et qui l'impose comme un créateur de contenu avec sa marque ; son identité. Et quiconque consultant régulièrement Youtube depuis quelques temps sera difficilement passé à côté du phénomène "Findings".

Or c'est peu dire qu'aux premiers abords le style de ce cher Feldup dénote par rapport à la tendance de la plateforme. Exit les agitations à tout va et les montages épileptiques pour donner une illusion de dynamisme en espérant que le sujet visé ne clique pas à côté, ennuyé. "Findings", c'est avant tout une question d'atmosphère qui prend le temps de se poser. C'est une prise de recul sur les curiosités présentées tout en étant une plongée en apnée dans ces dernières. C'est une incitation à trouver du sens et des leçons dans cette face plus obscure d'Internet.

L'air de rien, une proposition aussi radicale, à l'ère du scrolling intensif, c'est osé, que l'on ait pour vocation de percer ou non. Et si Félix a fini par percer au-delà de toutes espérances, s'asseyant désormais sur près d'un million et demi d'abonnés, il a pris l'honorable décision d'imposer sa singularité plutôt que de standardiser sa proposition, poussant même toujours plus loin le curseur de l'étrange en s'attaquant à des sujets de moins en moins évidents et avec ce sens du récit qui n'a fait que suivre l'évolution du bonhomme, de l'exposition rapide et concise d'une bizarrerie de la toile à la longue analyse d'un mystère tentaculaire, les gros projets se multiplient et semblent de moins en moins l'intimider.

Car s'il y a une chose que n'importe qui serait en mesure de constater concernant l'univers de Félix, c'est le naturel avec lequel il traite ses histoires.

En soi c'est quelque chose qui a toujours plus ou moins été présent chez lui, mais qui est toujours plus évident à chaque nouvelle vidéo. Il a juste compris qu'en se risquant à ses premiers sujets d'ampleur il avait les épaules pour traiter de très gros morceaux, chose qui finira ensuite par devenir quasiment récurrent.

Et je pense que si ça marche aussi bien, ce n'est pas tant grâce à ce qu'il raconte qu'à d'où il le raconte.

Avec le temps, on a eu maintes fois l'occasion de voir ce personnage s'épaissir. Félix n'est pas seulement un excellent conteur, il est avant tout quelqu'un qui a toujours baigné dans cette culture de l'horreur et ce goût du bizarre, et quand bien même il reconnait l'enrobage parfois dérisoire que certaines étrangetés ont acquises avec les années qu'il n'en tire pas de la profonde tendresse envers ces capsules temporelles nées d'une époque où Internet commençait à devenir un moyen d'expression universel.

Au fond, ce qu'incarne Feldup est le témoignage d'un autre époque ; d'un autre Internet où tout était encore à explorer. Il est ce gosse du début des années 2000 qui se retrouve à un jeune âge avec une tablette entre les mains et un nouveau monde qui s'ouvre à lui, une infinité de choses insoupçonnées à découvrir, des premiers memes viraux aux côtés plus sombres qui n'étaient pas censés être aussi facile d'accès, les premières légendes urbaines du net - ces fameuses creepypastas - aujourd'hui reléguées au rang de plaisir coupable dont on se demande comment quiconque ait pu prendre cela au sérieux.

Et je ne vais pas chercher à cacher le fait que si tout cet imaginaire que Félix apporte avec lui sur sa chaîne me parle autant, c'est car d'une manière j'ai eu une expérience similaire avec le web, étant un produit du début des années 2000 et ayant aussi eu ma période un peu honteuse où je relayais des histoires absolument stupides mais qui avaient fait effet sur moi du haut de mes 11 ans. Et plus les années passaient, plus j'ai vu cet Internet avec lequel j'ai grandi évoluer vers quelque chose que je ne reconnais plus beaucoup.

Mais quelque part, cette génération commence à faire entendre raison puisqu'elle a fini par atteindre l'âge adulte, et c'est aux vidéastes de talents de réhabiliter cette époque proche mais pourtant déjà totalement révolue...

Donc oui, je suis plus qu'admiratif de ce que Félix Dupuis incarne avec son émission "Findings". Il ne se pose pas qu'en tant que simple informateur mais en tant que relique de cet autre Internet. Il invite à l'ouverture des sens, au lâcher prise, à retrouver cette flamme qui, étant gosses, nous faisait croire à tout un tas de conneries mais avec un regard plus nuancé sur notre curiosité morbide et notre rapport aux rumeurs, questionnant souvent les bienfaits de cette ouverture d'esprit et surtout les excès liés à cette culture qui de par sa facilité d'accès a amené certains trublions à aller dans la surenchère. C'est ce regard que Feldup nous pousse à avoir sur ces choses. Et moi, ce regard, je le trouve plus que pertinent.

Car en soi c'est déjà rare d'avoir une émission sur Youtube porter un propos aussi constant et cohérent, mais surtout je trouve le contexte dans lequel il s'inscrit assez salvateur puisque celui-ci apporte un vent de sagesse dans une ère nouvelle à la recherche du clic facile et donc du "toujours plus"...

Or si je trouve le propos de "Findings" plus qu'honorable, je dois admettre que j'y vois la seule limite - mais de taille - de cette émission : ce propos a quand même mis longtemps à se consolider proprement.

Me concernant j'ai en tête une trilogie de vidéo toute désignée pour pointer ce problème qui était notamment récurrent dans les anciens épisodes, soit avant que la machine se mette en route définitivement, et c'est sur sa "Face cachée de Youtube".

Je prends ces vidéos en exemple alors que Félix lui-même reconnait les défauts de sa démarche, mais je ne peux pas m'empêcher d'y voir cette incohérence qui parfois peut me faire sortir d'une vidéo : alors qu'il passe le plus clair de son temps à narrer les tristes méfaits des personnes présentées sous un angle parfois sensationnaliste, il se permet un revirement total dans sa troisième vidéo où il adresse une critique virulente sur la curiosité morbide. Si en tant que tel cette critique s'avère pertinente, elle ne concorde pas du tout avec ce côté un peu aguicheur des précédents volets. Malheureusement, ça lui arrive parfois de tomber dans son propre piège et d'avoir une lecture attrayante des choses qu'il condamne.

Mais d'un autre côté il faut aussi se rendre à l'évidence qu'il se rend compte des faiblesses de certaines de ses vidéos et qu'il essaye toujours d'améliorer la formule de sortes à ce qu'elle se peaufine au mieux afin d'éviter ce genre de dissonances entre la forme et le fond. Et à constater son dernier épisode - le fameux centième épisode sur "This house has people in it" - il est clairement en train de décoller.

Alors que son dernier pavé dépasse les 3 heures de contenu et qu'il s'inscrit comme étant la synthèse parfaite de ce qu'il sait faire de mieux, à savoir poser une atmosphère, happer par une narration enivrante et en délivrant une conclusion sous forme d'hommage à l'imaginaire qui l'a forgé, de prise de recul sur les projets de cette ampleur et d'appréhension de l'avenir, il y a fort à parier que du haut de ses 21 ans ce garçon n'en soit qu'au début d'une œuvre qui crie depuis toujours quelque chose de grand.

Et vu comment il m'a propulsé au septième ciel avec ce centième épisode, il est probable qu'il soit plus proche de la grâce que ce qu'il ne pense.

En attendant je vais continuer de le suivre, ce cher Feldup. Vu la lancée sur laquelle il s'est immiscé ces derniers temps il a tout en main pour transcender davantage sa formule et devenir à l'avenir l'un des plus grands.

L'air de rien, ce drôle d'OVNI est bien parti pour être un incontournable, si ce n'est déjà pas le cas.

Et si son Internet, qui est aussi le mien, semble déjà loin derrière, il y aura toujours des vétérans pour nous conter quand Internet était cet immense bac à sable avant de devenir cette course à l'opportunisme.

Peut-être qu'à 20 ans on est déjà vieux sur Internet.

Mais quand on semble venir d'un autre âge, on a toujours avec nous cette flamme qui s'embrase à l'évocation d'un passé à portée de main, et des histoires à raconter aux jeunes générations.

Et lorsqu'on constatera les pertes engendrées par la guerre au clic, les fondations seront encore debout, et on reconstruira à partir d'elles... ;-)

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le 12 févr. 2024

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