"Tonight's the night". Cette saison est LA saison pour reprendre la formule de ce cher Dexter. Celle qui doit marquer le retour en force du tueur en série le plus célèbre du petit écran pour un ultime baroud d'honneur et, surtout, pour effacer des esprits sa dernière apparition calamiteuse en bûcheron isolé dans un coin de l'Oregon en guise de conclusion à son odyssée meurtrière.
De tous les revivals TV qui fleurissent actuellement pour surfer sur une vague facile de nostalgie, "Dexter: New Blood" est peut-être celui qui se doit d'aller le plus au-delà de ce rôle facile en réparant les dégâts que son final raté a laissé et laisse encore en mémoire aujourd'hui. Plus que tous ses autres confrères ressuscités de la même manière, Dexter fait son retour pour retrouver avant tout les lettres de noblesse qui en ont fait un personnage si incontournable dans une série n'ayant pas su être très vite à sa hauteur au fil de saisons de plus en plus décevantes.
Passé une excellente première saison qui faisait le choix de coller à 95% au premier roman de Jeff Lindsay, "Dexter" aura en effet curieusement abandonné ce parti pris d'adaptation fidèle dès sa deuxième saison pour privilégier des intrigues inédites. Certes, celles-ci auront tout de même réservé de bons moments ou fait confronter l'assassin à d'intéressants et ambivalents protagonistes (comment ne pas citer le fameux Tueur de la Trinité ?), mais, au fil du temps et de leurs maladresses scénaristiques de plus en plus grossières, elles auront trop souvent gâché le potentiel du personnage, le dénaturant même parfois face à sa version littéraire qui aura su se montrer bien plus constante qualitativement sur la durée.
Dexter revient donc en 2021 avec beaucoup à se faire pardonner et autant dire que "New Blood" représente la dernière chance de lui offrir une porte de sortie digne de son nom.


Huit ans après les événements de la saison 8, Dexter Morgan se cache désormais au fond de bois enneigés dans une charmante cabane près de la petite ville imaginaire d'Iron Lake située dans l'État de New York. Sous l'identité de Jim Lindsay (clin d'oeil à son créateur), il mène une existence tranquille et entretient d'excellents rapports avec les habitants du coin grâce à sa façade enjôleuse d'être gentiment innocent qu'il manie toujours avec autant de dextérité mais, une fois rentré chez lui, il est sans cesse assailli par ce qu'il lui reste de conscience sous la forme de visions de Debra, sa sœur décédée ayant pris la place de la figure d'Harry pour lui rappeler son passé sanguinaire et la culpabilité qui devrait l'assaillir. Pourtant, Jim Lindsay se tient à carreau depuis que son alter ego Dexter Morgan a fui Miami, la voix du Passager Noir semble être contenue et aucun cadavre n'est à signaler aux alentours de ce sympathique vendeur d'articles de chasse et pêche... Du moins, jusqu'à ce que sa route croise celle de Matt Caldwell, un jeune citadin fêtard au comportement imprévisible, et, surtout, qu'un visage du passé vienne frapper un soir par surprise à sa porte...


On le sent, au-delà de l'opportunisme inhérent à ce genre de revival, "Dexter: New Blood" a tout de même été pensé avec de bonnes intentions, le retour de Clyde Phillips à la barre, responsable de la première -et donc, comme on le disait, de la meilleure- saison de la série en est la preuve indubitable. D'ailleurs, le plaisir de retrouver Dexter est instantané et ne s'affaiblira pour ainsi dire jamais au cours de la saison. L'aura intacte du personnage, cette idée plutôt bien pensée en ouverture d'utiliser ses mimiques pour souligner la réappropriation de sa personnalité trop longtemps endormie ou la prestation toujours impeccable de Michael C. Hall dans son rôle culte, nos retrouvailles avec Dexter font l'effet de retrouver un compagnon de longue date (un brin déviant certes) dont on est réellement heureux de reprendre des nouvelles après une trop longue absence.


Mais, hélas, dès le premier épisode, l'apport bénéfique que voudrait signifier la plume de Clyde Philips en tant que showrunner se révèle déjà maigre, preuve supplémentaire si besoin en était que la part la plus attrayante de "Dexter" est celle instituée avant tout par son créateur Jeff Lindsay dans les romans. Comme si huit ans ne s'étaient jamais écoulés depuis la saison 8, l'écriture de "New Blood" semble être issue d'une époque dépassée, noyant en permanence ses quelques bonnes idées dans un lot de facilités irrationnelles et de psychologie de comptoir via des effets de manche scénaristiques horriblement datés pour traduire les tourments intérieurs de son tueur obligé de sortir de sa retraite. On doit s'y faire rapidement, cette saison ne sera qu'une autre saison de "Dexter", dans la droite lignée des dernières où l'on espèrera sans cesse un sursaut qualitatif qui nous récompense d'en suivre parfois les trop nombreux errements.


Encore une fois, Dexter devra évidemment faire face à un autre tueur qui répondra par le plus grand des hasards à ses problématiques du moment. Encore une fois, Dexter devra tout faire pour que sa véritable nature n'éclate pas au grand jour. Encore une fois, Dexter devra échapper à la vigilance d'une très proche et jolie brune qui le perce de plus en plus à jour (sa ressemblance physique avec Debra n'est bien sûr pas forfuite). Encore une fois, les ficelles pour nous raconter tout ça seront d'une subtilité équivalente à celle d'un sanglier enragé lâché dans un magasin de faïence...
Même le point névralgique de cette saison, le retour d'Harrison dans la vie de son père défaillant, avec ce que ça implique comme notions de paternité et d'héritage placées au sommet de la pyramide des différentes intrigues, sera le fruit d'une construction le plus souvent cousue de fil blanc où le comportement trop souvent versatile du fils (c'est un adolescent qui se cherche et potentiellement atteint des maux paternels, autant dire que c'est la foire aux réactions contradictoires bien pratiques) se disputera à celui parfois chaotique du père désormais bien loin du tueur rigoureux qu'il était (certes, le temps l'a peut-être un peu rouillé et des situations dues à ses nouvelles responsabilités l'obligent ici à une part plus grande d'improvisation mais ça n'excuse pas certains actes totalement irréfléchis, surtout pour un tel personnage).


Est-ce cependant là à dire qu'au-delà de la joie de retrouver Dexter ce revival ne nous aura procurer aucun plaisir ?
Non, bien sûr que non, car s'il aura fallu avaler des fûts de couleuvres scénaristiques (voire des chalutiers entiers comme avec ce retour quasiment lunaire d'une tête bien connue à la mi-saison) pour nous prendre au jeu de son récit, force est de constater que cela aura tout de même réussi à fonctionner tant la saison se sera servie de tous les moyens possibles et imaginables pour resserrer l'étau autour de Dexter et, de facto, augmenter de façon exponentielle les curseurs les plus addictifs des dangers qui pèsent sur lui.
De plus, accompagné par une galerie de nouveaux personnages plutôt bien campés et même attachants (la shérif par exemple) dans la progression des événements, ce qui se présente comme le dernier périple de Dexter aura été bien entendu conçu autour du point culminant de sa fin chargée de faire oublier la précédente et, à ce jeu, même si elle se fera encore au prix de quelques passages défiant la vraisemblance, cette conclusion tant attendue se révèlera effectivement plus satisfaisante -enfin, "mieux que celle d'il y a huit ans" aurait-on envie de dire, encore partagé sur le fait de déterminer si elle est réellement bonne ou non en tant que telle.
Elle fera néanmoins effet d'un point final conséquent au parcours de Dexter, plus particulièrement à cette variation du personnage dans une série ayant fait le choix de lui laisser une part importante d'émotions humaines et qui, ici, se sera exprimée lors d'une ultime phase peut-être pas aussi forte que voulue mais cohérente au vu des thématiques abordées pour le faire grandir vers la bonne décision à prendre lors des derniers instants cruciaux de cette saison.


"Dexter" se finira donc avec "New Blood", un revival qui aura réussi à raviver sans mal notre amour pour son fameux tueur en série mais aussi les défauts qui collaient à la peau de la plupart des saisons le mettant en scène. Cette saison n'est peut-être LA saison salvatrice de la série comme espérée mais elle nous aura au moins proposé un dernier voyage inattendu en compagnie de ce cher Dexter et de le quitter en meilleurs termes qu'il y a huit ans. On s'en contentera.


N.B.: un 5.5/10 mais je mets 6 car j'adore ce personnage, plus dans les livres de Jeff Lindsay comme vous l'aurez sans doute compris.

RedArrow
6
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le 10 janv. 2022

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RedArrow

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