Saison 8 :

Les saisons 6 et 7 avaient déjà montré de nets signes de faiblesse dans l'écriture. Seule la relative logique dans l'évolution du personnage de Dexter (Michael C. Hall) avait su garder une ligne tout à fait cohérente. Elle avait représenté pour moi une des quelques planches de salut qui faisaient mon plaisir de retrouver la série chaque année. Mais de nombreux faux pas et quelques répétitions inopportuns démontraient l'urgence d'en finir avec la série. Cette saison 8 n'a fait que confirmer que la série et les gens qui la produisaient étaient fatigués et finalement s'étaient fourvoyés.

Cette dernière saison est de loin la pire : extrêmement mal écrite, dramatisée à outrance, elle finit en eau de boudin, en totale contradiction avec ce vers quoi toute l'histoire nous menait. Cette fin absurde aurait peut-être pu être rendue présentable si l'on nous avait décrit des situations, des événements qui pouvaient l'expliquer, la rendre crédible.

Or, tout au long de la saison, chaque résolution de problèmes trouve un rebondissement qui prolonge de fait le problème pour l'étirer de façon inepte et irréelle ad nauseam. Cette saison est lassante à force de coups de théâtre grossiers. Je ne parle même pas du dernier épisode totalement imbécile, mais de cette accumulation d'emmerdes qui encrassent les épisodes. Parfois on se laisse aller à penser à du soap-opéra, a du sous melo. À d'autres moments, on est surpris par l'hystérie qui semble étouffer le récit. Ses boursouflures finissent par user. Elles placent l'histoire sur le mode de la paresse, jusque-là évitée avec justesse. Oui, voilà, c'est écrit sans réflexion ni finesse. Le trait est gras et le renversement final n'y change rien.

Bien au contraire, il apparaît comme un pied de nez, non seulement à cette saison, mais à tout ce qui a fait le suc, l'essence si subtile de la série, à savoir que l'humain est complexe, qu'il n'obéit à aucune règle. Le regard porté sur la monstruosité de Dexter, sur la folie en général, sur la justice, sur les liens sociaux et affectifs, sur la construction de l'individu, de l'identité, du groupe, tout était astucieusement décrit avec humour et profondeur jusqu'à cette saison. Tout démontrait l'incroyable difficulté intellectuelle et morale à juger du bien et du mal, que tout le monde était plus ou moins fou, plus ou moins inadapté.

Et alors qu'on s'acheminait vers une suite logique qui voyait Dexter Morgan apprendre et accepter sa part d'humanité, devenir un être humain à part entière, on se retrouve avec un reniement final qui vient sans raison, à la suite d'une avalanche de circonstances hasardeuses, grossièrement balancées pour foutre en l'air le bel objet façonné jusque-là.

Les scénaristes n'ont manifestement pas pu laisser filer leurs personnages vers un avenir serein. « Bien mal acquis ne profite jamais » : morale à deux balles qui aurait pu faire sens au bout de trois ou quatre saisons, mais qui n'en a plus à la huitième. La carotte un goût amer.

On pourrait faire la liste des inepties de cette saison, du retour de Hannah McCay en bobonne docile jusqu'à la paternité de Mazuka, on n'en finirait pas de s'interroger sur la vacuité des épisodes.

Par conséquent, peu étonnant qu'on soit peu touché par les scènes censément émouvantes entre les personnages. Michael C Hall et Jennifer Carpenter ne réussissent pas à rendre leurs scènes touchantes.

Seule émotion palpable : la peur. Oui, le suspense est la : on veut savoir comment ils vont s'en tirer. Ils s'en tirent toujours à la fin de chaque saison. Comment cela va-t-il finir cette fois? Sur certaines saisons, c'est parfois tiré par les cheveux, certes, mais beaucoup font preuve d'une bonne dose d'invention, de malice ou d'un réel sens du spectacle. Ici c'est juste un gros gâchis, mal écrit, pompeux et comme je le disais, qui confine plus à l'autodestruction infantile qu'à un véritable travail d'écriture. Difficile dans ces conditions pour les acteurs de traduire quelque chose de naturel et de puissant. Je me suis rarement autant ennuyé que devant les scènes intimistes de cette saison. Ces flash-backs mélancoliques sur le dernier épisode sont d'un grotesque achevé.

Seul petit îlot survivant à cette catastrophe, Charlotte Rampling a été longtemps un personnage bien campé, inquiétant, ambigu. Et sur les derniers épisodes, elle part elle aussi en sucette, totalement en contradiction avec le reste de sa partition : la solide profileuse sûre d'elle et de son expérience devient toute molle et incompétente. Encore une incongruité ! Je ne les compte plus dans cette saison 8.

Dexter était une belle série, pleine de promesses et malheureusement elle s'est oubliée. Elle a fait sous elle sur les deux dernières saisons. Finalement la conclusion de la saison 8 ne fait que confirmer la déchéance d'une histoire alléchante, mais peut-être trop compliquée à maîtriser.
Alligator
8
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le 11 oct. 2013

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