Paradoxes à gogos.

un cadavre apparaît à quatre époques différentes, on se doute qu'il s'agit d'un voyage temporel un peu spécial, et peut-être même pas qu'un seul. Effectivement, on a droit à un scénario basé sur un classique des paradoxes temporels, celui du grand-père (ou peut-être pas, celui de l'écrivain, paraît-il, mais ça ne permet pas d'enchainer sur la suite de ma critique), mais inversé : que se passe-t-il si un individu remonte dans le temps et séduit son arrière-grand-mère, devenant ainsi son propre arrière-grand-père ? Il crée une boucle temporelle. Le concept avait déjà été exploré, et même poussé jusqu'à l'extrême limite du genre, par Robert Heinlein dans la nouvelle All you Zombies (très mollement mis en image dans le film Prédestination alors que le ton du texte original d'Heinlein était clairement hystéro-punk).

Ici, cependant, ça se complique un peu parce que les ficelles du genre sont employées et donc, comme dans Terminator, seule la matière organique semble pouvoir traverser à rebrousse temps. Pourtant, le voyageur a l'intention de modifier la trame de la réalité en faisant exploser une bombe thermonucléaire au cœur même de Londres. Il lui faudra donc des moyens considérables et introduire non pas une mais deux technologies très en avance. De plus, elles devront résister à l'usure du temps puisqu'elles resteront en suspend pendant presque 82 ans. Chapeau pour la durée de la batterie du portable qui est sensé servir de détonateur : installé dans un coffre avant 1941 - on peut se demander si le coffre et le bâtiment n'ont pas été construits autour de la bombe préexistante, il peut encore recevoir un appel en 2023 ! Chapeau aussi au voyageur qui garde en mémoire tous les plans de chacun des engins et a su les faire fabriquer sans qu'existe aucune structure industrielle permettant d'obtenir les pièces détachées, et plus encore : sans qu'il y ait aucune fuite des milliers de savoirs-faire intermédiaires nécessaires alors que leur potentiel économique est titanesque. Dernier coup de chapeau pour la quantité de matière fissile alors que le plutonium ne sera découvert qu'en 1940, qu'il en a fallu plus de six kilos pour la première bombe et la puissance économique et industrielle de tout un continent pour les produire, le regroupement des cerveaux les plus brillants de leur époque, l'établissement d'une ville entière pour aller jusqu'au bout du projet - alors que le voyageur obtiendra les mêmes résultats avec seulement un groupe de vieux allumés spirites dans une cave. Mais le plus étonnant, c'est qu'il faudrait admettre qu'il y aurait eu une telle quantité de matière radioactive au milieu d'une ville comme Londres pendant toute la guerre froide sans qu'aucun compteur Geiger n'ait jamais pu la détecter.

... ce n'est pas un mais quatre voyageurs temporels qui vont se déplacer dans cette histoire. Le premier n'a visiblement aucun problème particulier. Alors que le second se multiplie en quatre échos. Question non résolue : pourquoi le premier n'a-t-il pas subi le même sort ? et la même question se pose pour la troisième et la quatrième. Si on revient sur l'idée qui semble être sous-entendue que la possibilité de voyager dans le temps serait uniquement réservée à matière vivante parce qu'elle seule aurait conscience du temps, comment se fait-il alors que de la viande morte du premier cadavre ait pu voyager ? L'idée semble avoir circuler dans le cerveau des scénaristes parce que dans les derniers épisodes, on a des précisions à ce sujet : le type ne serait pas tout à fait mort (une balle tirée quasiment à bout portant dans l’œil gauche quand même ! ) et il aurait même survécu quelques instants, suffisamment longtemps pour être sauvé dans son premier écho futur. Le contre-pied de cet argument, serait que, justement, seule la matière consciente peut viser une époque et s'y rendre. Comme le second voyageur meurt pendant le transfert, il perd de vue la destination et se multiple en plusieurs échos. Alors pourquoi serait-il encore vivant pendant quelques instants dans sa projection future ? Non, le scénario n'est pas bien cohérent et c'est pourtant le minimum pour adhérer à ce genre d'histoire.