Better Call Saul est une série qui ne peut laisser personne indifférent. Il s’agit d’un prequel de Breaking Bad (sûrement la série préférée de celui qui écrit ces lignes), qui a pour ambition d’étendre l’univers, d’apporter sa dose de fan service, tout en permettant un deuxième niveau de lecture de la série mère. Le pari était risqué pour Vince Gilligan et son équipe, passer après un monstre télévisuel n’étant pas chose aisée. Maintenant que la série s’est achevée, quel regard peut-on porter sur ce spin off qui a priori ne porte pas sur le personnage secondaire le plus profond de la franchise ? La série est-elle meilleure que l’original comme certains le prétendent ?
Une histoire de rythme
Tout comme son grand frère, le début est poussif : ceux qui trouvaient le rythme de BB lent, auront l’impression de s’ennuyer ferme devant BCS. La première saison installe calmement les enjeux et les nouveaux personnages, on découvre un nouvel univers, proche de l’Albuquerque qu’on connaît mais en même temps assez éloigné… ce qui crée une forme de frustration. Un caméo par ci, une référence par là… la série peine à trouver sur quel pied danser. Il me faudra personnellement attendre la saison 3 pour avoir l’impression que le train est vraiment lancé. Mais une fois lancé, on ne l’arrête plus !
Kim, Chuck, Howard et les autres
La grande force de la série, et qui permet de ne pas décrocher d’emblée, c’est la qualité de ses personnages. Pour tous ceux qui s’interrogent, aussi bien Mike, Gus voir même Walt sont davantage creusés et approfondis au fil des saisons, sous des angles parfois insoupçonnés. Mais là où BCS se démarque vraiment, c’est de par la perfection de ses « nouveaux » personnages. Le spectateur découvre Kim Wexler, bien plus qu’un simple love interest du personnage principal, femme forte et complexe. On nous présente également Chuck McGill, le frère de Jimmy (Saul), qui est probablement un des protagonistes les mieux écrit de tout l’univers créé par Gilligan, et qui permet d’explorer encore un peu plus le thème familial. À noter, ces deux personnages sont joués par des quasi inconnus dans le monde de la télévision (assez courant dans cet univers), ce qui ne les empêche pas de livrer des performances absolument bouleversantes. La télévision se souviendra longtemps de Lalo Salamanca, antagoniste terrifiant mais jamais grotesque, incarné par un excellent Tony Dalton. Enfin, il convient de rendre hommage à Bob Odenkirk, l’acteur phare de la série, venant du milieu de la comédie, et qui réussit à donner une épaisseur et une justesse à son personnage rarement égalées (supplantant presque Walter White, mais bon ne cherchons pas à comparer).
Une exécution parfaite
Si quelque chose frappe dans cette série, c’est sa réalisation. Breaking Bad était déjà remarquable en la matière, mais BCS dégouline de plans sublimes, d’images poétiques, avec une palette de couleur splendide et une inventivité à toute épreuve. Raconter sans parler, jouer avec le noir et blanc, tout ça BCS sait le faire (avec en prime dans son final un des meilleurs fusils de Tchekhov que j’ai vu).
Bien sûr la musique est au niveau, comme tout le reste… on retrouve in fine cette sensation de perfection qui accompagnait le visionnage de BB. En bref, c’est du miel. Et c’est ce qui ressort immédiatement quand on finit la série : BCS a gagné son autonomie, l’œuvre se suffit à elle-même. Elle raconte une histoire toute autre que celle de Walter White, celle d’un avocat né escroc, irrécupérable, méprisé par ceux qui l’entourent, à l’exception d’une femme, la seule à voir le bien en lui. Seul point commun : un certain talent pour constamment faire le mauvais choix. Là où la série se démarque, surtout sur la fin, c’est la manière dont elle joue de la temporalité. On se retrouve finalement à regarder BCS, un prequel à BB, mais en fait non c’est une suite à BB, puis un prequel à BCS lui-même, ou une suite à BCS on ne sait plus trop. Les erreurs se répètent, jusqu’à être dos au mur.
Sleepin’ Jimmy
Alors, que vaut vraiment Better Call Saul ?Assurément, c’est une série à voir. Il faut s’accrocher les premières saisons, vous en prendrez plein les mirettes. Si vous aimez rentrer dans la tête de vos personnages préférés, et l’écriture fine, vous allez adorer. Et les créateurs n’auront pas menti là dessus : vous ne regarderez plus jamais Breaking Bad de la même manière.
Ou si plus simplement vous souhaitez regarder une série sincère, jamais fainéante et toujours créative, Better Call Saul !!