Beastars
7.3
Beastars

Anime (mangas) Fuji TV (2019)

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Petits meurtres entre amis


Le récit se concentre sur Legoshi, un jeune loup gris s’efforçant de ne jamais causer de vague. Conscient que sa nature de prédateur peut inquiéter les herbivores, il veille à se faire discret, une sorte d’adolescent monté en graine qui ne sait pas quoi faire de cette carcasse qui grandit trop vite. Membre de la troupe du théâtre, Legoshi s’occupe de l’éclairage. Le loup n’est pas pour autant un solitaire : depuis sa plus tendre enfance, il est ami avec Jack, un labrador, et s’entend bien avec la plupart des élèves dont ses colocataires de chambrée.


En face, tel un reflet inversé, se tient Louis, un cerf majestueux qui est considéré comme un prince par ses pairs. Il est l’archétype du personnage nobiliaire (et le cerf étant un symbole souvent présent sur les blasons des familles nobles, c’est un choix judicieux) encensé aussi bien par ses collègues masculins qu’admiré par les étudiantes. Loin d’être aussi placide que Legoshi et la plupart des herbivores, Louis possède un fort caractère et domine la troupe de théâtre.


S’ajoute à ce duo que tout oppose Haru, une lapine à la réputation sulfureuse. On lui connaît plus d’une aventure ce qui lui vaut une image de fille facile aussi bien du côté des mâles (certains terrifiés à l’idée de l’approcher, d’autres intrigués voire tentés de “mieux la connaître”) que des femelles dont plus d’une la rejette et la méprise.


Beastars regorge de personnages finement construits dont on apprend peu à peu avec l’avancée de l’intrigue et les lister ici serait aussi éreintant que peu instructif. Mieux vaut découvrir au rythme de l’oeuvre sans se gâcher de belles surprises, n’est-ce pas ?


Au vu du trio présenté, on pourrait croire que Beastars va se résumer à un énième récit de triangle amoureux dans un univers scolaire. Il n’en est rien.


Revenons-en à l’intrigue, du moins ses prémices. La troupe de théâtre organise son prochain spectacle avec, en vedette, Louis. Alors que Legoshi est sommé par le concerné de surveiller les alentours pendant que Louis forme un des membres, et ce en pleine nuit, le loup perçoit une présence. Sa nature de carnivore va alors prendre le dessus : le loup est à deux doigts de dévorer une herbivore innocente. Si l’incident se conclut sans heurt (la victime est tout juste blessée et s’enfuit) elle laisse des marques en Legoshi. D’autant plus que l’événement a lieu au sein d’un climat tendu. L’école Cherryton a connu tout récemment la mort brutale (un meurtre même) d’un herbivore : Tem, membre de la troupe de théâtre. Si herbivores et carnivores ont pour habitude de cohabiter, des suspicions naissent et le moindre incident voit son impact décuplé.


L’herbivore blessée par Legoshi n’est autre que Haru dont, fatalement, le loup s’attache jusqu’à en tomber amoureux. Notre héros se retrouve ainsi tiraillé entre son instinct de prédateur et sa volonté d’aider les herbivores, ainsi que son attachement pour la lapine. D’autres intrigues secondaires vont s’ajouter aux débats psychologiques de Legoshi tel qu’un marché noir où vont les carnivores pour se nourrir d’herbivores ou encore un gang mafieux constitué de lions.


Une identité visuelle marquée


Suivant le manga, je ne découvrais donc guère les multiples intrigues du récit en visualisant l’anime. Néanmoins je trouve toujours intéressant de voir le récit mis en mouvement et les partis pris du studio : le passage du papier à l’animation est l’occasion de redécouvrir l’histoire sous un autre angle.


Le studio Orange a pris un risque que je considère comme payant en appliquant à l’anime un visuel tout en 3D. Si les débuts de l’imagerie 3D ont été sources de créations proches de l’Uncanny Valley (on a tous connu un dessin animé du genre sur les chaînes de la télévision, voire des animes prenant ce risque) ici l’outil est maîtrisé et montre combien sa manipulation a évolué, et ce dans le bon sens. Si au premier épisode on tique un peu par manque d’habitude, on s’y fait très rapidement. Je considère même que c’est un choix qui colle parfaitement à l’ambiance très particulière de Beastars. L’anime se distingue clairement des autres productions et encore plus du catalogue Netflix. Beastars gagne ainsi sa propre identité visuelle dans un marché saturé de productions.


Les choix artistiques se retrouvent aussi dans l’expression des instincts des personnages, en particulier Legoshi. Étant un loup, notre héros possède un fort odorat. Il va, entre autre, en user pour retrouver Haru. Ces moments s’expriment à travers de scènes où l’on voit Legoshi humer l’air. La fragrance entre en lui et prend la forme d’une tête de lapin.


Mais c’est surtout par l’usage de ses plans que Beastars apporte une vision que je trouve peu utilisée dans les animes. On se rapproche même du film avec des idées de cadrage très intéressants. De par leur nature animale, les personnages ont des tailles très différentes. Pour mieux retranscrire le point de vue de chacun, on a droit à des plongées et contre-plongées pour mieux souligner la haute taille de Legoshi comparé à Haru. L’écran va aussi se scinder en deux pour exprimer la vision des deux protagonistes que ce soit entre Haru et Legoshi, mais aussi Louis et Legoshi. Le changement de force au sein d’un échange va aussi s’exprimer par ce biais en plus de l’animation plus “classique”.


Une imagerie plus proche de la 2D traditionnelle est aussi présente mais est utilisée majoritairement pour les flashbacks. Un choix qui, là encore, démarque Beastars des autres productions. Je ne peux pas donner plus de détails concernant ces souvenirs puisqu’ils révèlent toute une part du passé d’un des personnages. Le visuel 2D utilisé est volontairement brouillon, rappelant presque des gribouillis ce qui permet, judicieusement, d’accentuer la pesanteur de la scène tout en jouant habilement de la censure.


Je pense qu’un cinéphile présenterait les éléments mieux que moi, mais j’espère que vous avez saisi l’idée de ce que je voulais exprimer. Beastars ne se cantonne pas aux ornières bien dressées par les animes. Il se permet des incartades et offre du dynamisme à son histoire par cette volonté constante de briser le simple écran.


Netflix oblige, on a droit à de la censure sur certaines scènes. Si on évite les horribles halos noirs comme vus dans Terra Formars ou encore Jojo Stardust Crusaders, on perd en impact sur certains passages dont celui de l’attaque contre le gang des lions. C’est vraiment le gros défaut de l’anime.


Beastars présente un monde où, si les adultes semblent vivre en harmonie, le revers du décor est bien plus lugubre. La plongée dans le marché noir confronte les lycéens, dont Legoshi, à la cruauté de ce monde. On se trouve là aux antipodes de Cherryton, cette école presque idyllique où chacun peut vivre en harmonie avec l’autre même si son collègue de classe fait le double de sa taille. J’espère que la saison 2 évitera de trop abuser de la censure ou l’utilisera à bon escient par des effets de cadrage, par exemple.


Un univers furry-eusement attractif


Beastars est un anime sur lequel il y aurait beaucoup à narrer, mais ce serait vous spoiler une bonne partie de l’intrigue. Si tout l’univers furry ne vous a jamais attiré, Beastars peut vous plaire malgré tout. Après tout, on a tous grandi avec des personnages fictifs qui n’étaient autre que des animaux anthropomorphes (coucou Disney). Au sein de Beastars, l’aspect animal est bien plus mis en avant à travers l’instinct qui conditionne les animaux. Haru aura ainsi des réflexes de fuite alors qu’elle discute avec Legoshi : sa nature de lapine prend le dessus et réagit face à un potentiel prédateur.


Cet instinct va aussi s’exprimer par des scènes plus humoristiques. D’où viennent les œufs servis au réfectoire ? D’étudiantes poules qui vendent leurs productions à l’instar d’un petit job étudiant. Je vous laisse découvrir l’épisode qui s’attarde sur une étudiante poule qui met un point d’honneur à parfaire sa production.


Bien entendu, même si les protagonistes sont des animaux, c’est la société humaine que critique Paru Itagaki. Les dissensions entre herbivores et carnivores peuvent s’appliquer à nombre d’êtres humains que ce soit sur la base de la richesse, d’une appartenance raciale, d’une religion. Sous couvert d’une harmonie, dans les coulisses, la vérité est toute autre et chacun le sait. Les affres de Legoshi envers Haru sont celles d’un adolescent découvrant ses premiers émois, l’abnégation de Louis celle d’un héritier voulant être à la hauteur de ses ambitions. Quant à Haru, les rumeurs sur son compte font écho à ce que connaît chaque adolescente, et même adulte, dès qu’elle ose sortir de l’image de la femme parfaite qui se doit d’être pure mais désirable à la fois.


La saison 2 est prévue pour janvier 2021. Au vu de l’avancée du manga, je peux vous dire qu’on risque d’avoir des scènes d’animation assez dantesques. Il faut espérer que le studio Orange va continuer sur sa lancée et continuer à nous proposer un visuel aussi attrayant qu’atypique pour la suite.

So-chan
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le 11 oct. 2020

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