Le garçon et la bête

Behind n'a jamais été très manga. Sortis de ceux qui ont bercé son enfance, il n'y connait pas grand chose et s'aventure, préalablement à la rédaction de ce billet, en terre étrangère.

Il ne sera donc pas capable de dire ce que vaut la série en comparaison de sa source papier. Non.

Il espère simplement être capable de transmettre le plaisir de sa découverte. Et elle a été à la mesure de sa curiosité.

Surtout que tout commence dans le sang, pour dépeindre les tensions larvées animant une société faussement idéale mettant carnivores et herbivores sur le même plan. Car oui, Beastars met en scène des animaux humanisés, pour causer de leur cohabitation impossible, voyant les prédateurs essayer de dominer leur nature et leur appétence dépeinte comme une addiction dans toute sa violence. L'identification simpliste de la série à son analogie avec un Zootopie hardcore serait dès lors outrageusement réductrice et superficielle.

Car Beastars, rapidement, se tourne avec le classicisme de la chronique lycéenne nippone irriguée de toutes ses figures imposées et archétypes, où les clubs, les clans, le harcèlement et les histoires de coeur répondent aux figures de l'étudiant timide et maladroit, de la gentille fille facile, du leader charismatique ou de l'ami plus ou moins bien attentionné.

Et si le classicisme, voire un léger ronronnement peuvent poindre de temps à autres, les turpitudes de l'adolescence et de la quête de soi sont soulignées par l'injection de cette animalité que le héros combat sans cesse, tandis qu'il se laisse submerger par les élans de son coeur tournés vers une représentante du camp d'en face. Dans un amour contre nature, voire qui pourrait être considéré comme déviant.

Un visage ambivalent déjà contenu tout entier dans un générique d'ouverture fulgurant où se côtoient un détournement tout japonais du Fantastic Mr Fox de Wes Anderson, les ténèbres du conte et les merveilleux éclats sucrés des pas de danse amoureux d'un couple transgenre.

Un visage ambivalent contenu tout entier dans sa scène fondatrice, dans une étreinte amoureuse violente au goût de sang, d'une douceur étrange et pénétrante, dont la charge sensuelle trouble, dont la tension suscite un sentiment de frisson qui ne quitte plus le spectateur.

C'est sur cette ligne ténue, cet équilibre délicat qu'évolue le loup timide, la lapine craquante et Beastars qui, sous l'alibi du dessin animé, sous-tend dans un même élan premières amours et situations beaucoup plus sombres et adultes, voire dérangeantes dans l'imagerie et l'imaginaire convoqués.

Eros et Thanatos dansent donc sur le même rythme alors que les hormones bouillonnent et que l'instinct du tueur trouve à percer de temps à autres, fulgurant, incontrôlable. Tandis que les masques adoptés, les rôles joués par tous demeurent perpétuels pour cultiver les apparences, pour garder les secrets dans l'ombre, tout comme les blessures et les faiblesses. Il est donc loin d'être innocent qu'une bonne partie de l'intrigue se développe sur la scène d'un club de théâtre.

Jusqu'à ce que Beastars s'emballe soudain dans une urgence tendue, plus tragique, plus graphique, plus frontale et crue dans la violence déployée. Pour ensuite mieux atteindre la douceur, ce sentiment de plénitude, puis la tension dévorante des premières fois et son appréhension.

Magique, sentimental, innovant dans sa forme, Beastars, avec sa richesse thématique séduisante, choisit dans sa première saison d'ausculter la pureté de l'idéal amoureux pour le confronter à la réalité des corps, des attirances, de la culture et de ses codes. En embrassant son spectateur, en lui plantant ses griffes dans la peau.

Il y a de pires preuves de la passion.

Behind_the_Mask, que la rumeur dit avoir la queue touffue...