Ballers
6.4
Ballers

Série HBO (2015)

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oui je commence cette critique par une citation de Nadiya, & alors ?


Bankable, self-made man, homme d’affaire avisé…. Oui Dwayne Johnson a tout de l’american way of life. Blessé gravement alors qu’il tentait d’entrer en NFL, parti quasiment de rien dans le circus de la WWE, et quasiment de zéro pour se construire dans son "après" vie de catcheur…. N’en jetez pas plus, l’homme est solide, son histoire un condensé de ce qu’aime promouvoir l’Amérique. Ajoutez-y ce soupçon très 80’s du culte du corps….


Alors quel est l’intérêt d’une série qui plus est sur le football américain ? Quand on sait que L’Enfer du Dimanche reste une référence, que Friday Night Lights (pas encore terminé) n’est pas si "vieux" que ça, pourquoi s’investir dans une série TV alors que tu cumules tant de projets cinématographiques ?


Les raisons sont peut-être structurelles. Comme pas mal de sports US notamment, l’image accolée à la NFL semble passéiste, voire d’un autre temps. La NFL (comme ses concurrentes NBA, MLB) a fait de la captation de l’audience Digital Native une de ses priorités. Quand on sait que cette génération n’a pas peur du double écran, qu’elle s’ennuie des temps morts & autres séquences de jeu…. Ça donne un renforcement de la présence sur YouTube, l’avènement des highlights en moins de 5 min mais aussi un côté immersif via les réseaux sociaux. En proposant une vision centrée sur le relationnel, les à-côtés voire le côté business, Ballers propose du football américain… sans le football américain. Guests qui s’enchaînent, $ en veux-tu en voilà, promotion à outrance du trade, du contrat…. Du libéralisme oui mais surtout une sorte d’ode à la prise de risque. Une agence qui part de rien, qui veut faire la nique aux plus grands de son domaine, quoi de mieux en ces temps de Start-Up Nation. De plus, quoi de mieux que ce côté "produit d’appel". Tout est brandé NFL : les franchises, les stades… mais pourtant hormis les séquences d’entraînement/skills (de loin les plus esthétiques au niveau des prises de vue), c’est une certaine vision du football américain qui est proposée…. Sans même entrapercevoir un touchdown (douce ironie). Ajoutons-y la "touche" HBO (plus ou moins pas de filtre, du sexe, un langage cru) & vous obtiendrez donc ce cocktail sirupeux d’être dans les coulisses de cette jungle qu’est le football américain.


Mais les raisons sont peut-être aussi conjoncturelles. Et c’est ce qui fait le sel du sport aux Etats-Unis : comment s’identifier à un sport, ses pratiquants & à une franchise ? Par définition celle-ci n’a qu’un nom (qui peut-être changée), ni lieu attitré. La NFL se cherche & cherche donc une manière de se démarquer. Colin Kaepernick avait raison trop tôt, trop fort. Les vicissitudes autour du racisme ont accentué les préjugés faisant de ce sport, un sport regardé par les blancs. Comment parvenir donc à fidéliser, à attirer des nouveaux spectateurs avec cette profusion de contenus, cette concurrence féroce (d'autres sports mais pas que) ? La série le prouve : le pinacle de la saison NFL, le Superbowl, n’est jamais abordé, preuve donc de la perte de sa suprématie sur le reste de la saison. Idem pour le fameux projet de création de franchise (sorte de prophétie autoréalisatrice quand on sait…. Que The Rock deviendra actionnaire principal de la XFL… concurrent frontal de la NFL) qui rappelle le principe de réalité cher aux américains : la rentabilité comme valeur cardinale & l’attrait d’une fanbase consommatrice comme moteur. Ballers souligne combien ces 4 QT ne sont rien face à ce qui se passe avant le coup d’envoi de ces matchs & après la fin de ces matchs. Et de retrouver ici un des traits du Sport comme divertissement de ces dernières années : la prime au côté immersif (quitte à être contrôlé par des agences de pub, des agents voire des medias dits officiels aux clubs), au freemium pour attirer des viewers (& le faire passer à la caisse pour avoir plus de contenus exclusifs), la mise en avant de l’athlète comme valeur marchande (avec sa cohorte de sponsors) voire un peu plus (avec notamment la prise en compte du joueur comme potentiel pratiquant d’e-sport, une vraie nouveauté)…. La tactique aujourd’hui dans le sport est plus de l’ordre de la tactique financière, avec le meilleur attelage (agent, avocats, entourage) pour soutirer le maximum à une franchise & donc éventuellement à des sponsors.


Et c’est ce qui est marquant dans la série : à réduire le football américain à ses à-côtés (ô combien important au demeurant), la série passe à côté de jalons pourtant posés de manière assez insolente et brillante. Les problèmes d’addiction du personnage principal, les problèmes financiers justement, les problèmes de santé (blessure, assurance liées aux blessures), les problèmes liés à l’ultralibéralisme de ce sport et du sport au général (qui font qu’il demeure difficile aujourd’hui de définir la "valeur" d’un joueur, les "besoins" d’un club/d’une franchise & l’opportunité de signer tel ou tel joueur), la vacuité au fond de ces mécanismes autour du sport… cette énumération trouve un écho certain au gré des 5 saisons de Ballers. Mais pas trop ni trop peu. Comme s’il fallait égratigner mais pas trop. Comme s’il fallait en parler mais point trop non plus histoire de ne pas trop alerter…. & qui sait se mettre à dos celui qui fournit ses exclusivités (exploitation des noms des franchises, des stades, des logos)…. L’insolence a(urait) donc un prix, en somme.

RaZom
6
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le 15 déc. 2020

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RaZom

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