Baki
5.7
Baki

Anime (mangas) Netflix (2018)

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« Baki » est sans aucun doute l'anime le plus médiocre et le plus stupide qu'il m'eut été donné de voir jusqu'alors. Indéniablement. Cette série n'a absolument rien pour elle. Au départ, il est censé s'agir de l'adaptation en série d'animation d'un manga shonen de Keisuke Itagaki, mais en réalité cela ressemble davantage à une mauvaise adaptation en images animées de la franchise « Tekken » sur fond japonisant avec une pseudo-thématique sur les arts martiaux. À l'heure de l'hégémonie mondiale d'une culture populaire américano-japonaise, Netflix a su revisité le tout à sa sauce, amère et bien caractéristique, pour en faire un pur produit de consommation abrutissant et vidé de son essence originelle - sans non plus dire que le manga est une œuvre incroyable, en réalité je ne l'ai pas lu, donc je n'en sais rien. La plateforme de vidéos à la demande américaine semble clairement se contreficher des précédentes adaptations numériques diffusées au Japon (une vidéo d'animation originale en 1994 et puis deux saisons de 24 épisodes en 2001) puisqu'elle les balayent du revers de la main pour venir nous proposer malhabilement une sorte de troisième saison sans queue ni tête et sans lien concret avec ce qui a pu être l'origine de cet univers narratif.


Au commencement de l'anime, l'intrigue est déjà fragilisée par son imprécision et son impertinence scénaristique. La série se nomme « Baki », qui est en principe le personnage principal, mais personne ne sait qui est Baki et on ne le voit quasiment jamais. C'est un personnage assez inactif et très mal écrit. Il y a certes des allusions au fait qu'il soit considéré comme l'homme le plus fort du Japon, ou du monde, je ne sais plus vraiment - qu'elle importance finalement ? - parce-qu'il aurait gagné la dernière édition du certain Tournoi Maximum se déroulant sans aucune règle dans une arène souterraine. Très rapidement, tout se mélange. De grands méchants criminels bien trop musclés et bien trop intelligents s'échappent simultanément de leur cellule de haute sécurité... Le propriétaire de l'arène souterraine, un vieil homme un peu cinglé, débarque dans le lycée de Baki avec un bâton de dynamite pour lui raconter une histoire fumeuse sur la synchronicité mondiale de la nitroglycérine qui ce serait changée simultanément en dynamite... Une logorrhée de conneries sans intérêt et omettant les principes de base de la chimie et de la mécanique des fluides, tout cela pour expliquer métaphoriquement pourquoi les cinq condamnés à mort se serait échapper en même temps et dans le même but. Bref, on marche sur la tête, la série part dans tous les sens dès l'épisode pilote.


Le personnage de Baki disparaît ensuite et l'adaptation de Netflix se perd dans une pléthore de personnages dont on ignore leur importance et la raison de leur apparition, papillonnant de l'un à l'autre sans jamais offrir un peu de substance ou ne serait-ce qu'un contexte pour le spectateur qui ne sait pas ce qu'il regarde. L'anime tente alors de faire monter la tension en surjouant les attentes que l'on peut avoir autour des cinq condamnés à mort, désormais libres, présentés comme étant les hommes les plus dangereux et meurtriers sur Terre, sauf qu'en réalité l'intrigue s'embourbe complètement sur les 13 premiers épisodes - sur 26, soit toute la première partie - dans une narration sans aucun fil conducteur entre les nœuds et avec un Baki en arrière-plan, presque invisible. Là ou l'adaptation de Netflix est extrêmement décevante, c'est dans son incapacité à donner un sens à ce qui se déroule sous nos yeux de spectateurs. Une flopée de personnages débarquent subrepticement sans qu'on ne sache pourquoi, certains pour le Tournoi Maximum, d'autres pour Baki, d'autres pour des raisons obscures... On est vite dépassé par tous les personnages dans cette série chorale sans pouvoir dire qui est qui et quel est le rôle de chacun. Et puis tous ces protagonistes et antagonistes semblent tellement vains, caractérisés par la même autosatisfaction prétentieuse et le même but paradoxal : devenir le plus fort de la planète mais désirant de trouver quelqu'un capable de leur faire goûter à la défaite. Nous voilà donc avec des dizaines de personnages construits identiquement, bien loin de l'idée que l'on peut se faire de l'héroïsme et du sens du sacrifice.


Il y a tellement de choses à redire dans cette œuvre que s'en est déstabilisant. Les thèmes musicaux sont très répétitifs, on retrouve toujours cette même musique de tension dans les séquences de combat interminables qui se poursuivent parfois sur deux épisodes. L'animation n'est pas très belle, l'esthétique est quelque chose de subjectif, mais en comparaison avec des maîtres du genre comme Hayao Miyazaki, l'imagerie de « Baki » ne dégage aucune poésie, aucune beauté, aucune finesse. La série revendique cette fascination pour le corps humain, le dépassement des limites, les corps en mouvement mais ce n'est pas crédible pour un sou. Le problème étant le postulat et le genre narratif choisi. Certaines œuvres comme « One Punch Man » parviennent à faire accepter leur univers car dès le départ cela est annoncé comme un univers fantastique totalement délirant, on est alors plus enclin à consentir lorsque l'on voit un homme-crabe géant en slip bien que ce soit totalement débile mais assumé. Dans « Baki », il n'y a aucun effort fait pour donner de la consistance et du sens à ce qui est montré. La série semble persévérer à dépeindre un monde réel, jamais il n'est fait référence à l'existence du surnaturel ou de la magie. Aussi monstrueux que soient les personnages qui combattent, ils seraient apparemment devenus ainsi à force d'entraînement et de volonté... Mouais, permettez-moi d'en douter. Par conséquent, tout y est si excessif, si ridicule, si grotesque... c'est le degré zéro de la crédibilité.


Cette résolution à surjouer de l'opulence et du burlesque aurait pu fonctionner dans un mécanisme de comique d'absurde, mais je n'ai pas ressenti la démarche de faire une série comique, au contraire, l'anime se prend plutôt au sérieux. Les personnages sont alors divisés en deux catégories : les forts et puis les faibles. Les premiers sont donc nos trop nombreux combattants marqués par des corps disproportionnés (les gars mesurent tous entre 2m50 et 4m10, pourtant à un moment il y a en a un qui fait référence à ses 80 kilogrammes... bon...), une musculature extrêmement hypertrophiée qui ferait passer Schwarzenegger à son heure de gloire de culturiste pour un pauvre anorexique et les mêmes capacités physique que Hulk. Il fallait au moins ça hein. Et puis au passage, dans un souci d'économie, tous les personnages sont dessinés identiquement avec la même musculature dont les muscles sont tous aussi développés les uns que les autres, seuls la couleur de peau et le volume varie avec le visage de chacun. Les autres sont incarnés par des figurants indifférents (passants dans la rue, policiers, gardes...) qui ne servent à rien et semblent totalement manquer d'empathie et de réaction normale face à ces buffles qui se battent un peu partout, cassant tout sur leur passage facilement pistable de par les traînées de sang qui se répandent sur des kilomètres. Apparemment, cela est tout à fait normal d'assister à des combats à mort dans la rue.


« Baki » est un anime ultra bourrin sans aucune intelligence. Le travail d'écriture lacunaire, la maladresse du traitement des thématiques et les chorégraphies improbables des combats en témoignent du début à la fin. Il n'y a pas le moindre respect d'une quelconque logique biologique, physique ou physiologique. Les personnages sont plus forts que la gravité, l'inertie ou bien la résistance des matériaux. Ils sautent d'un immeuble, fracassent des murs de béton ou escaladent des parois lisses sans aucun problème et en dépit du fait qu'ils doivent peser une demi-tonne chacun. Ils ne meurent jamais, ils se battent debout dans des montagnes russes, perdent la moitié de leur sang à chaque coup asséné, guérissent de blessures mortelles en quelques heures... entre celui qui survit à une immolation sans une cloque ; celui qui se fait couper la main puis frappe avec son moignon avant de se faire regreffer sa main pour de nouveau tabasser avec et celui qui arrête des projectiles de fusil à pompe calibre 12 tirés à bout portant avec ses pectoraux et ses biceps... c'est vraiment prendre le spectateur pour un abruti fini. Il est certain que je ne fais pas partie des spectateurs ciblés; mais dans ce cas; à qui cette série s'adresse-t-il ? Des mâles prépubères en quête de testostérone ? Des hommes ayant besoin de combler psychologiquement leurs problèmes érectiles ? Honnêtement, je l'ignore.


Et finalement, qu'en est-il des combats ? Car il s'agit-là du seul intérêt narratif et visuel de « Baki » et personne ne dira le contraire. Les séquences, les scènes... les épisodes... de combat sont aussi un échec. Premièrement, parce-que comme dit précédemment ils ne distillent pas la moindre petite once de réalisme et d'impact. Comment donner de la conséquence à quelque chose d'improbable, de bourrin et de débile ? C'est difficile, voire impossible. Et secondement, parce-que les combats sont interminables et s'étirent sur l'entièreté d'un épisode, parfois deux. Les rixes paraissent vaines et infiniment longue car le rythme est sans cesse casser par des pauses foireuse où les combattant dialoguent inutilement sur ce qu'il est en train de se passer. Pas une seule séquence ne parvient à durer plus de deux minutes sans que l'un ou l'autre, chacun leur tour, raconte leur putain de vie. Le dynamisme est fatalement entrecoupé d'explications débiles faisant le point sur tout ce qu'ils font :


les guerriers commencent par expliciter leur C.V. d'artiste martial ; puis leurs points forts et pourquoi ils sont les meilleurs ; puis leurs tactiques tirées par les cheveux ; le combat commence et s'immobilise au bout d'une demi minute ; les spectateurs du combat commentent comme s'ils étaient devant un match de football ; l'un attaque ; l'autre riposte ; ça vante sa force, sa dextérité et son ingéniosité à coup de fortes autofellations un peu gênantes ; le combat continue ; l'un est blessé ; les personnages s'arrêtent pour débriefer ; retournement de situation ; celui qui était blessé ne l'ai plus et porte un coup à son adversaire qui passe d'une position de domination à une position de faiblesse... Et ça n'en finit jamais. Quand le combat est terminé, on passe au suivant, et ce sur toute la durée de la série dans un insupportable système de combat au tour par tour... on est pas dans Dofus là ! C'est franchement peu passionnant. Sans parler du manque de fluidité entre chaque confrontation, et au sein de chacune d'entre elles puisqu'elles s'éternisent du fait des coupures intempestives et de l'invincibilité des protagonistes. Une succession de bastons profondément irréalistes et qui ne font même pas avancer le récit malgré son indigence. Cela ne mène nulle part, cela est inconséquent, sans impact, sans fond et sans intelligence.


Pour finir en beauté, que penser de l'approche effectuée sur la thématique des arts martiaux ? Beaucoup de choses négatives encore une fois. Le manga d'origine semble avoir plus ou moins le même traitement bien que Netflix a poussé le délire à l'extrême, mais on peut se demander en quoi ce que l'on voit dans « Baki » peut avoir un quelconque rapport avec les arts martiaux ? Cet anime ne respecte rien de la philosophie de l'art martial. Finalement, cela est montré avec une vision très occidentale moderne de la chose, voire « Amérique du Nord post-Vietnam » : tous ces corps informes de culturistes sous stéroïdes anabolisants, tous ces muscles disproportionnés, cette fausse virilité, cette abominable vision de l'honneur et de l'héroïsme... rien ne va ! Dans un premier temps la pratique des arts martiaux nécessite rapidité, agilité et souplesse, soit à l'antithèse des personnages de la série. Regardez Bruce Lee, Donnie Yen, Tony Jaa ou encore Jacky Chan - pour ne citer que les artistes martiaux les plus connus -, généralement, il s'agit d'individus de taille moyenne mais terriblement nerveuses avec des corps très secs, ce qui leur permet d'être vif et efficaces, toute en souplesse.


Les arts martiaux, c'est aussi une question de respect de soi et de son adversaire. Ayant pratiqué le judo durant 8 ans, je ne retrouve à aucun moment la philosophie de l'art martial : on respecte son maître, on respecte les autres disciples, on enlève ses chaussures, on vêtit le kimono ou l'habit adéquat, on a interdiction de se battre en dehors des règles d'honneur et encore plus de se battre en dehors du dojo... « Baki » nous offre malheureusement tout le contraire avec ces grotesques combats de rue entre buffles dopés. Encore de nombreux détails qui sont extrêmement dommageables à la crédibilité du propos. Ici, on est plus proche du MMA avec Dolph Lundgren que de n'importe quel art martial d'Asie du Sud-Est. Bref... j'en ai déjà beaucoup trop dit pour une œuvre qui ne mérite pas forcément que l'on s'y intéresse autant. « Baki » est un anime sans le moindre intérêt pour le cinéphile. Si vous souhaitez voir du cinéma traitant de la fascination pour le corps humain, sa beauté et sa capacité à repousser ses propres limites, allez voir le travail sur le corps en mouvement effectué par Leni Riefenstahl dans « Les Dieux du stade » même si, effectivement, cela sera moins politiquement correct et demandera plus d’exigence au visionnage.

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le 18 janv. 2020

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