Avatar : Le dernier maître de l'air
7.6
Avatar : Le dernier maître de l'air

Dessin animé (cartoons) Nicktoons (2005)

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Je me rappelle encore quand je suis tombé sur cette série en regardant Nickelodeon, le choc de découvrir que la chaîne qui accueillait Bob l’Eponge pouvait produire une série sérieuse de grande qualité, tant dans l’écriture que dans l’animation. Je me rappelle avoir dévoré les deux premières saisons, avoir attendu fébrilement la troisième, en pestant à chaque retard de diffusion d’épisode, avoir ressenti un immense vide une fois le final passé. Des années plus tard, j’ai décidé de me refaire l’intégrale de la série pour voir si Avatar restait tout aussi génial que dans mes souvenirs. Encore une fois, j’ai été bluffé. Avec un œil plus mature, gavé de séries plus violentes et complexes, j’ai redécouvert ce show avec le même émerveillement que le jeune adolescent que j’étais à l’époque. Et j’ai compris définitivement pourquoi The Last Airbender est, en effet, une série géniale.

A:TLA nous présente un monde original, dans lequel quatre nations coexistent, chacune représentant l’un des quatre éléments. Nous avons donc les Tribus de l’Eau, le Royaume de la Terre, la Nation du Feu et les Nomades de l’Air. Pour veiller à l’harmonie de cet univers, les différents peuples font appel à l’Avatar, seul être au monde capable de manipuler les 4 éléments, et également pont entre le monde des hommes et celui des esprits. Mais un jour, l’Avatar disparaît sans laisser de trace. Une occasion que saisit la nation du feu pour déclarer la guerre et envahir les autres nations. Commence alors une longue période de souffrance. L’histoire se déroule 100 ans après le début de la guerre, et nous narre les aventures de Aang, le nouvel Avatar, un maître de l’air qui a passé tout un siècle enfermé dans un iceberg et va désormais devoir assumer ses responsabilités en mettant fin à la guerre.

Le premier gros point de fort de la série est son univers, dont la particularité est d’être entièrement construit autour des 4 éléments. Ces derniers sont bien entendu la source des pouvoirs de certains individus capables de les maîtriser, les maîtres ou benders, mais servent aussi à définir la philosophie même de chacun de ces peuples. Tous ont leur propre culture, leur manière d’agir, leurs traditions, leurs croyances, … On remarquera d’ailleurs que les créateurs de la série n’ont pas hésité à s’inspirer de civilisations existantes pour créer les 4 nations. Ainsi, le Royaume de la Terre est inspiré de la Chine médiévale, les Tribus de l’eau héritent du peuple Inuit, les Nomades de l’Air des moines tibétains, quant à la Nation du Feu, elle évoque un mélange entre le Japon médiéval et l’Empire nippon au moment de la Seconde Guerre Mondiale. Enfin, l’univers de la série accorde également une grande importance au monde spirituel, et aux parallèles entre les esprits et les hommes. C’est donc tout un monde qui est développé et présenté au fur et à mesure des péripéties d’Aang et son groupe.

En effet, un autre atout de la série est son histoire, ce qui est raconté mais également sa construction. La trame de base est simple : accompagné de ses amis, Aang doit apprendre à maîtriser les quatre éléments pour pouvoir vaincre le Seigneur du Feu. Mais on remarque tout de suite le soin avec lequel la trame a été construite. La série comporte trois saison, chacune centrée sur un élément que doit maîtriser le jeune garçon et comportant également son lot d’intrigues spécifiques. Les trois « livres » de la série sont structurés comme une trilogie classique, à la manière de la trilogie originale de Star Wars par exemple : un premier volet plus léger, servant surtout à introduire le monde et les personnage, ensuite un second, plus sombre, plus dense dans son intrigue et qui met en place les conflits qui seront résolus dans un troisième volet, qui sera le théâtre d’un affrontement final spectaculaire. Les épisodes en eux-mêmes, sont conçus sur le principe du stand alone (chacun possède sa propre trame et résolution), en tout cas au début, mais on remarquera vite que rares sont les épisodes inutiles : certains présentent de nouveaux éléments ou approfondissent l’univers, d’autres apportent du développement à un personnage particulier, … Au final, tout se rejoint et rien n’est laissé au hasard. L’histoire quant à elle, si elle est plutôt classique sur le fond, demeure admirablement écrite et captivante de bout en bout. On n’est certes loin d’une série complètement imprévisible dans laquelle chaque personnage peut mourir sans qu’on s’y attende, mais l’intrigue comporte son lot de surprises, de révélations et de retournements et parvient à être captivante à chaque moment, sans non plus être étouffante : la balance entre les « plot-centered episodes » et d’autres plus anecdotiques est très bien gérée. On remarque également une habile gestion du ton. Avatar est une série familiale, relativement bon enfant, et accorde beaucoup de place à l’humour, mais cela ne se fait jamais au détriment de moments plus sombres, voire tristes, ou d’une bataille épique et spectaculaire, au contraire même, là encore l’équilibre permet de respirer lors des moments de calme, tout en étant au sommet de son attention lors des phases les plus intentes.

Enfin, il faut tout de même souligner qu’Avatar est une série vraiment intelligente. D’abord dans la manière dont elle évite habilement l’overdose de manichéisme. Certes, la Nation du Feu est l’ennemi, mais elle n’est pas l’incarnation du mal absolu, simplement une nation aux codes très stricts, elle n’a rien de bien différent d’autres Empires bien réels qui ont un jour cherché à imposer leur domination sur le monde. Et certains habitants de la Nation du Feu sont des gens tout à fait convenables, là où le Royaume de la Terre compte son lot de crapules. De plus, la série a beau se destiner à un public très large, et de ce fait devoir rester regardable même par de jeunes enfants, cela ne l’empêche pas de traiter de thématiques plutôt dures, comme le génocide, le deuil, l’honneur, mais aussi la famille, l’amitié, l’amour… Le show est également empreint de philosophie asiatique, de questionnements sur le choix et la responsabilité, ou sur l’action et l’inaction. Bref, loin d’être une série d’aventure vide de sens, Avatar développe une vraie réflexion et ne commet jamais l’erreur d’insulter l’intelligence de son public.

Mais le gros atout d’A:TLA, ce sont sans doute ses personnages. La série nous offre ainsi une galerie de protagonistes attachants, développés et crédibles. A commencer par Aang, un enfant de 12 ans qui semble devoir porter le destin du monde sur ses épaules. La série accorde une place importante à ses conflits, la manière dont il devra gérer ses responsabilités et sa culpabilité pour ne pas avoir été là quand le monde avait besoin de lui. Tantôt insouciant et farceur, tantôt sérieux et prêt à affronter son destin, Aang est la première réussite d’un casting éclectique. L’autre vrai personnage principal de la série est sans conteste Zuko. Prince de la Nation du Feu, au départ présenté comme un antagoniste, il se révèlera vite être tout aussi essentiel que Aang dans l’histoire et son développement, le parallèle entre les deux personnages est d’ailleurs fait constamment. C’est en tout cas l’un des personnages les mieux écrits de la série, un vrai méchant torturé très rafraîchissant dans un monde de vilains trop souvent unidimensionnels, et témoin à lui-seul du refus de manichéisme de la série. On notera également les compagnons de route d’Aang : Katara, une maître de l’eau, sensible mais aussi forte et battante, et son frère Sokka, qui représente bien plus que le comic relief de base. Dès la saison 2, s’ajoute à ce petit groupe le personnage de Toph, une fillette aveugle maître de la terre, et l’un des persos les plus intéressants de la série. Du côté de la nation du feu, il convient aussi de mentionner Iroh, l’oncle de Zuko et semblant à lui-seul représenter tout les idéaux défendus par les créateurs de la série. Enfin, si le Seigneur du Feu en lui-même n’est pas un personnage passionnant, en plus d’apparaître plutôt tard, il faut ne faut en revanche pas oublier Azula, sa fille et donc sœur de Zuko, de loin le meilleur antagoniste de la série, puissante, cruelle, gracieuse, calculatrice, la voir en action est simplement jouissif et elle aura même droit à un peu de développement dans la troisième saison. La clé de la réussite de la série, plus encore que dans l’univers ou l’intrigue, réside donc dans ses personnages très riches, auxquels on ne peut que s’attacher.

Il ne faut pas oublier de mentionner l’aspect purement visuel d’Avatar. D’abord, en rappelant le style visuel plutôt unique, qui mélange de l’animation purement cartoon avec des touches d’anime, notamment dans le chara-design ou encore certains mouvements et expressions. Un mélange qui colle plutôt bien à l’univers développé. Mais l’aspect visuel, d’une manière générale, est très maîtrisé. On peut d’abord parler de la patte artistique, du design des endroits visités, notamment les villes, tout est toujours très soigné et inventif, il suffit de voir l’impressionnante cité de Ba Sing Se. Mais c’est surtout l’animation qui bluffe, et notamment lors des combats. Je l’ai dit, Avatar est une série centrée sur la notion des 4 éléments, et cela se ressent également dans les affrontements, qui y font constamment appel, et de manière souvent très créative. En terme de mise en scène, de chorégraphie, et d’animation pure, les combats sont généralement un vrai plaisir pour les yeux, et parviennent généralement à se renouveler pour qu’on n’ait pas l’impression de voir le même duel pendant toute la durée du show. Dur de ne pas être bluffé par l’affrontement final, apocalyptique et spectaculaire. En terme de réalisation plus générale, il convient encore de préciser le talent des créateurs, partisans de la théorie du « show, don’t tell » et qui donc, préféreront généralement laisser parler l’image, même la durée d’un simple plan, plutôt que de recourir à un long dialogue. Je tiens également à inclure un petit mot pour la musique de Jeremy Zuckerman, dont les compositions mélangent à merveille les inspirations asiatiques avec un vrai souffle épique et parviennent à donner encore plus d’ampleur aux moments forts.

Voilà, Avatar, c’est tout ça. Une espèce de balance parfaite entre un univers fort, une intrigue solide et intelligente, des personnages fouillés et un aspect artistique extrêmement soigné. Difficile de trouver de vrais défauts, peut-être peut-on regretter que certaines intrigues soient sous-développées, cela étant surtout dû au format 20 minutes. Mais en dehors de cela, Avatar : The Last Airbender est une série passionnante, quasi-parfaite, attachante et captivante, qui mérite amplement sa place, selon moi, dans le panthéon de l’animation.
Yayap
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le 15 août 2013

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