1899
6.2
1899

Série Netflix (2022)

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« La nouvelle série des créateurs de Dark ». Cette phrase permet à la fois de servir de publicité pour 1899, et en même temps de faire naître des attentes, voire d’inciter certains spectateurs à adopter dès les premières minutes une vision attentive aux moindres détails, tous significatifs.
Alors, dans 1899, que peut-on retrouver qui fasse songer à Dark ?
D’abord on y retrouve avec plaisir l’un des acteurs principaux, Andreas Pietschmann, qui, dans Dark, tenait le rôle de Jonas quarantenaire et barbu, et que l’on découvre ici dans le rôle du capitaine du Kerberos, glorieux paquebot transatlantique sillonnant l’océan en direction de New-York.
Sur le plan narratif, la réalisation utilise des procédés déjà vus dans la série précédente, comme ce montage avec des transitions parfois brutales, qui coupent sèchement les scènes pour laisser les spectateurs (et les personnages) dans l’expectative. A vrai dire, les procédés narratifs (montage, bruitages, musique) sont tellement identiques à ceux de Dark que cela en devient parfois un peu gênant, tant on peut avoir l’impression d’une simple répétition.
Les deux séries se présentent comme la description d’une communauté qui se retrouve confrontée à des événements extraordinaires. Là où Dark limitait cette communauté aux frontières d’une petite ville allemande coupée du monde, 1899 se joue, quant à elle, entièrement en huis-clos dans un bateau. La série nous présente toute une foule de personnages venant d’horizons et de cultures très différents (Allemands, Français, Anglais, Danois, Polonais, etc.)…
...et chacun de ces personnages va arborer un masque qui participe à l’ambiance mystérieuse de la série. Car le point commun principal entre Dark et 1899, c’est l’énigme qui entoure l’histoire. Et l’identité des personnages en fait pleinement partie.


La série se déroule donc en octobre 1899 sur le paquebot Kerberos, en route pour New-York. Le premier épisode est consacré à la découverte des différents personnages principaux : une jeune britannique que l’on pense avoir été internée de force, un couple français marié sans amour, une geisha et sa servante, un prêtre espagnol qui voyage avec son frère, une communauté religieuse danoise, un machiniste polonais et le capitaine allemand.
Ce qui frappe d’abord est l’hétérogénéité des personnages, qui représentent plusieurs origines sociales et géographiques différentes. De fait, surtout lorsque l’on regarde la série en VO, le Kerberos se transforme en une véritable tour de Babel où se croisent de multiples langues étrangères et où les personnages vont devoir trouver un moyen de se comprendre.
Puis, petit à petit, la série va dévoiler les failles de chacun des personnages. En réalité, personne n’est ce qu’il prétend être, et chaque épisode va nous permettre de découvrir la réalité d’un personnage en particulier. Et ainsi, de comprendre qu’aucun personnage n’a le choix : tous doivent impérativement partir aux États-Unis ; un retour en Europe serait catastrophique pour chacun d’entre eux (ce qui aura de l’importance dans le déroulement de l’action).
L’un des points intelligents de la série est d’éviter de polariser les personnages en bons et en méchants. Si certains nous apparaissent comme antipathiques (Mme Wilson, le machiniste Franz ou la mère danoise Iben), cette tendance disparaît au fur et à mesure de la série pour faire de chacun des personnages une victime de contraintes sociales.
De plus, ce procédé qui fait de chaque personnage un dissimulateur participe pleinement de l’action du film, qui consiste à mettre en doute tout ce que l’on prenait pour la réalité (nous y reviendrons plus tard).


Très vite, on comprend que la mission du Kerberos est double. D’un côté il s’agit de rejoindre New-York. De l’autre, il faut retrouver un bateau de la même compagnie, le Prometheus, qui a disparu quatre mois plus tôt sur la même ligne.
Très vite, on comprend que la jeune Britannique, Maura Franklin, est là sur le Kerberos justement dans l’objectif de savoir ce qui est arrivé à son frère, qui, lui, a disparu en même temps que le Prometheus.
Le mystère va vite s’épaissir autour de ce bateau fantôme retrouvé à la fin du premier épisode : où sont passées les personnes à bord ? Qui a envoyé le signal d’alerte ? Que fait un enfant, seul à bord, enfermé dans un placard ?
Le spectateur va alors assister à différents événements mystérieux. Les frontières entre passé et présent, mais aussi les frontières physiques, géographiques, semblent avoir disparu. Avec ses couloirs, ses cabines toutes identiques et ses passages secrets, le Kerberos apparaît de plus en plus comme un labyrinthe où il faut peut-être se perdre afin de faire avancer l’action.
Perdu dans ce monde énigmatique, on est tentés de se raccrocher aux moindres détails pouvant faire sens, comme ce triangle qui apparaît partout, sur les portes des cabines, sur la robe de Mme Wilson ou le kimono de Ling Yi, sur des boucles d’oreilles ou en filigrane sur des enveloppes, etc.
Petit à petit, tout ce que l’on tenait pour acquis s’effondre. C’est la notion même de réalité qui est questionnée ici, tant le monde prend progressivement l’apparence et la logique du rêve. C’est là que les mensonges et dissimulations des personnages entrent en jeu, pour briser encore plus la confiance en la « réalité » ; ainsi, quand un personnage jusque là inconnu dévoile enfin son identité, le doute s’installe. Et c’est ce doute qui accompagne le spectateur, et qui constitue certainement la plus grande réussite de cette série : douter de tout, de ce que l’on voit ou entend, de tout ce qui semblait être une certitude, etc.


Si 1899 est moins réussie que Dark, la série possède de belles qualités. Les personnages sont intéressants, le rythme est très bon. Cependant, certains éléments sont faciles à deviner, l’énigme semble parfois plus artificielle et la conclusion de la saison paraît un peu bâclée. Néanmoins, la série constitue un divertissement agréable.


[article à retrouver sur LeMagDuCiné]

SanFelice
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le 11 déc. 2022

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