L’histoire est connue. La petite Isabelle Lalochère, dite Zazie, est confiée à son oncle Gabriel pour quelques jours. Elle se contrefout royalement des monuments parisiens ; une seule chose l’intéresse : le métro. Mais elle ne pourra pas y aller à cause d’une grève.
Mais la petite Zazie est une véritable peste, sadique, incontrôlable. Elle va mener la vie dure à son oncle.
Queneau s’amuse beaucoup dans ce roman, et nous amuse par la même occasion. Il organise la confrontation de deux générations : Gabriel et les siens appartiennent au monde des années 50 alors que Zazie préfigure déjà les femmes modernes et leur libération. D’ailleurs, on peut lire aussi ce livre comme un roman féministe, avec les personnages de Marceline (femme discrète qui se libère franchement à la fin) ou de Gabriella (sur le thème : libérez la femme qui est en vous).
La première chose qui frappe dans le roman (surtout si on n’est pas habitué à l’auteur), c’est l’écriture de Queneau. Avec énormément d’humour, dans une même phrase, il peut mélanger langage soutenu et vulgarité, anglicisme, citations latines, références culturelles et orthographe de son invention.
Car Queneau avait pour objectif de moderniser l’orthographe (il nous le dit dans Bâtons, Chiffres et Lettres). Il était de plus en plus interloqué par le gouffre qui séparait l’écriture hyper codifié du français correct et l’usage courant qui en était fait. D’où un style très oral et une orthographe simplifiée, oralisée elle aussi (le premier mot du roman est « Doukipudonctan »).
Au-delà, on peut voir aussi que ce roman procède à un véritable dynamitage des personnages. Un personnage change constamment d’identité et de fonction, d’autres changent d’identité sexuelle, un perroquet qui répète constamment la même phrase devient personnage à part entière alors que d’autres ne sont que des ombres, etc. Queneau s’amuse, subtilement, avec humour, à remettre en question ce pivot central des romans réalistes, le personnage et sa psychologie. Il nous rappelle que, puisque tout est inventé dans un roman, pourquoi vouloir faire réaliste ?
Le roman le plus célèbre de l’immense écrivain n’est pas forcément le meilleur. Il subit quelques baisses de rythme, quelques longueurs dommageables à la qualité de l’ensemble. Mais il réserve quand même quelques scènes absolument hilarantes (dont une épique bagarre dans un bar), une écriture unique et beaucoup de surprises.

Créée

le 20 juil. 2012

Critique lue 2.5K fois

25 j'aime

5 commentaires

SanFelice

Écrit par

Critique lue 2.5K fois

25
5

D'autres avis sur Zazie dans le métro

Zazie dans le métro
Nomenale
8

"Modère ton langage ou tu vas en apprendre long sur ta grand-mère !"

Débarquant totalement neutre - je n'avais pas lu le résumé, j'ai juste pêché ce livre dans une brocante et je savais que ça faisait parti des livres "à lire" - sur un "Doukipudonktan" qui met...

le 20 août 2015

24 j'aime

2

Zazie dans le métro
Pravda
7

Zazie dans le métro, mon cul ouais !

Alors ce n'est pas parfait Zazidanl'métro, mais c'est fort agréable, cela te donne un peu la nostalgie d'une époque que tu n'as pas connue, sentiment assez niais il faut bien l'avouer (désolée si des...

le 28 nov. 2016

15 j'aime

Zazie dans le métro
SuperCertes
10

Doukijoudonktan

Zazie Dans le Métro m'a frappé, de plein fouet.. Mais quel livre, mais quelle écriture, mais quelle fluidité ! Les stations (langue orale, références littéraires, déclamations théâtrales, jeux de...

le 3 avr. 2011

13 j'aime

1

Du même critique

Starship Troopers
SanFelice
7

La mère de toutes les guerres

Quand on voit ce film de nos jours, après le 11 septembre et après les mensonges justifiant l'intervention en Irak, on se dit que Verhoeven a très bien cerné l'idéologie américaine. L'histoire n'a...

le 8 nov. 2012

256 j'aime

50

Gravity
SanFelice
5

L'ultime front tiède

Au moment de noter Gravity, me voilà bien embêté. Il y a dans ce film de fort bons aspects, mais aussi de forts mauvais. Pour faire simple, autant le début est très beau, autant la fin est ridicule...

le 2 janv. 2014

218 j'aime

20

Chernobyl
SanFelice
9

What is the cost of lies ?

Voilà une série HBO qui est sans doute un des événements de l’année, avec son ambiance apocalyptique, ses flammes, ses milliers de morts, ses enjeux politiques, etc. Mais ici, pas de dragons ni de...

le 4 juin 2019

214 j'aime

32