Du réchauffé, pas désagréable, mais réchauffé.

1952. Une météorite s’écrase au large de Washington, dévastant une grande partie de la côte Est des États-Unis et tuant la plupart des habitants dans un rayon de plusieurs centaines de kilomètres. Par chance, Elma York et son mari, Nathaniel, échappent au cataclysme et parviennent à rejoindre une base militaire.

Elma, génie mathématique et pilote pendant la Seconde Guerre mondiale, et Nathaniel, ingénieur spatial, tentent de convaincre les militaires que la météorite n’a pu être dirigée par les Russes. Mais, ce faisant, ils découvrent que la catastrophe va dérégler le climat de manière irréversible et entraîner, à terme, l’extinction de l’humanité.

Seule issue : l’espace. Une coalition internationale lance un programme spatial de grande envergure… inaccessible aux femmes. Elma compte pourtant bien y prendre part et devenir la première Lady Astronaute.


« Vers les étoiles » débute comme un roman catastrophe mais change très vite de direction. La chute de la météorite n’est finalement qu’un prétexte pour évoquer une accélération du programme spatial donnant naissance à une version internationale des programmes Gemini et Apollo avec quelques années d’avance. On suit les aléas du développement du vol orbital par les équipes scientifiques et militaires, à travers les yeux d’Elma. Celle-ci sera confronté au sexisme ordinaire de l’enfer des années 50, reléguant les femmes dans les tâches subalternes, et elle découvrira au passage la ségrégation raciale qui fait des Afro-Américains des citoyens de seconde zone (et donc la double peine des femmes noires).


Et voilà. C’est tout.


On se retrouve donc avec une évocation historique de la place des femmes dans les programmes d’exploration spatiale. Sujet certes intéressant mais vu et revu, lu et relu, maintes fois traité, et l’uchronie qui aurait pu apporter un angle d’approche original ne sert à rien, à part être le prétexte à quelques clins d’œil qui n’apportent rien au récit. Tous les aspects intéressants du contexte sont passés sous silence ou à peine mentionnés : comment évoluent les rapports de force géopolitiques avec la moitié des Etats-Unis ravagés, comment lutter contre l’incrédulité de la population face aux changements apocalyptiques qui s’annoncent, comment choisir entre la fuite vers l’espace et les tentatives de sauver la possibilité de vie humaine sur la planète, etc…


L’autre dimension qui forme le cœur du roman est la manière dont Elma a intégré le joug de la toute-puissance masculine sur la société américaine des années 50. Surdouée des mathématiques, pilote de chasse, elle est systématiquement écartée de toute possibilité de prendre part au programme spatial en tant qu’astronaute. Elle souffre aussi de crises d’angoisse provoquant nausées et vomissements dès qu’elle se retrouve au centre de l’attention en public. Elle va devoir lutter pour prendre sa place, et son histoire n’est pas sans intérêt, même si elle aurait pu être racontée dans le cadre d’un roman historique, nul besoin de faire s’écraser une météorite au large de Washington… Mais même vu sous cet angle, il manque la puissance d’évocation de la vie quotidienne qu’on retrouve chez Connie Willis, par exemple.


Le livre manque cruellement de rebondissements et de surprises, de quelque chose qui va enfin éveiller l’intérêt du lecteur. Au plus on avance dans les chapitres, au plus on sent bien qu’il ne va pas y avoir de bouleversements, même mineurs, et que le récit va se terminer en roue libre, exactement comme on se l’imagine. Même les dernières pages sont totalement prévisibles.


« Vers les étoiles » n’est certes pas un mauvais roman, mais il manque cruellement d’intérêt. Qu’il ait remporté à peu près tous les prix en 2019 (Hugo, Nebula, Locus, …) alors que La Fileuse d’Argent de Naomi Novik était en compétition est incompréhensible.


Mary Robinette Kowal : Vers les étoiles – 2018


Originalité : 2/5. Très peu d’éléments rendent ce récit un peu différent de tout ce qu’on a déjà vu ou lu sur le sujet.


Lisibilité : 4/5. L’écriture est très fluide, le style limpide.


Diversité : 2/5. On ne s’ennuie pas vraiment mais on n’est jamais vraiment surpris ni emballé non plus.


Modernité : 3/5. Un regard moderne sur une période qui avait bien besoin des luttes collectives et des bouleversements sociaux qui ont suivi…


Cohérence : 4/5. Un peu trop, peut-être. On cherche en vain le facteur X de cette histoire.


Moyenne : 6/10.


A conseiller si vous ne savez absolument rien de la place des femmes dans l’exploration spatiale, si vous n’avez jamais entendu parler des WASP ou des Rocket Girls, si vous n’avez jamais vu L’étoffe des héros, ou si vous n’avez jamais lu Les Figures de l’ombre (ou vu le film qui s’en est inspiré).


https://olidupsite.wordpress.com/2023/12/29/vers-les-etoiles-mary-robinson-kowal/

OliDup
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le 29 déc. 2023

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