Vénus érotica
6.8
Vénus érotica

livre de Anaïs Nin (1977)

Première fois que je me confronte à de la littérature érotique. L'ouvrage présent étant l'un des plus populaires du vingtième siècle, mon esprit devait naturellement s'atteler à la découverte de ses pages, présentés sous le modèle d'un recueil de nouvelles.

Les trente-deux feuillets du début sont troublants, choquants même car il est question d'inceste, de pédophilie, de torture... Mais ces univers morbides n'ont tout de même pas manqué d'attiser les torches de ma curiosité. Celle-ci espérant, toutefois, que les autres histoires soient plus délectables, plus subtiles, largement moins glauques que le furent les quatre premières. C'était le cas mais ça n'a pas suffi à conquérir mon intérêt tout entier. La nouvelliste a beau avoir une écriture intéressante, quand ça ne prend pas, cela devient vraiment compliqué de perpétuer la lecture de ses mots alignés. L'historiette "Elena" en illustre le probant exemple. Ce récit, qui est le plus long, représente un calvaire d'autant que celui-ci est ennuyeux à mourir... La protagoniste, qui porte le même nom que le titre indiqué juste au-dessus, passe son temps à coucher avec tout le monde. Son monde intérieur est vide de profondeur, sauf au moment où elle écarte ses jambes. Une fois refermé, retour au néant. Je devins mitigé à la fin de la lecture de ses quinze narrations écrites. Moi qui pensais au moins être charmé par le style érotique de ses œuvrettes, désillusion totale... Car quand on regarde l'ensemble, l'on remarque que ce sont toujours les mêmes trajectoires qui s'observent chez les personnages; c'est-à-dire des gens qui ne vivent que pour la fornication. Après c'est vraiment le côté intime qui est montré chez eux, ce que je peux comprendre. Mais enfin ça ne mange pas de pain de parler un peu de leur situation professionnelle, trajectoire de vie, passions etc... "L'aventurier hongrois" se démarque légèrement à ce niveau.

Pour relativiser, je me rappelais dans quel contexte furent rédigées les lignes de Madame Nin, de Monsieur Miller et quelques autres. Toute soumise aux conditions du demandeur : un mécène visiblement excité par l'âpreté, la rudesse des rapports sexuels décrits dans ses pages noircies. Les auteurs s'accordaient sur le fait que dans leur rédaction il faille plus de profondeur, que les aventures lubriques soient teintées de sensibilité et possèdent une plus grande identité existentielle. Mais le commandeurde textes ne voulut rien savoir, il souhaitait du brut avant tout. C'est pour cela que l'on voit beaucoup de pénétrations forcées dans les relations décrites, et comme tous les avatars de ses aventures sont hypersexuels ils se laissent faire à n'importe quelle pratique, dans n'importe quel endroit, à n'importe quel moment. Si seulement les écrivains avaient eu la liberté de produire ce dont ils souhaitaient réellement parler...

Dans ce contexte d'écriture tout est pardonnable mais si l'on doit s'en tenir à la contenance globale de ces épisodes de vie, il n'y a pas de quoi se réjouir. Quand on plonge dans un bouquin, on désire voyager à travers les espaces infinis que nous ne connaîtront jamais, au dedans des individus qui nous ressemblent plus ou moins. Et je suis sûr que le thème de la luxure, malgré son côté interdit et sa censure sempiternelle quasi instinctive, a droit à sa grandeur. Il faudrait même un roman pour observer les plus futiles contours de cette thématique.

Bref dans ses narrations, rien de bien folichon. Les chutes, qui représentent, dans le genre, la cerise sur le gâteau, sont fades comme un(e) amant(e) soulagé(e) en moins de deux minutes. Pour conclure, je trouve que Vénus érotica est bien trop surcotée par rapport à la véritable valeur de sa contenance. Pour découvrir le vrai fond d'Anaïs Nin j'irais tâtonner un roman qui n'a pas été victime de contraintes éditoriales et ou de caprice de personnes riches et influentes. Mais avant cela il faut que je demeure dans le domaine érotique avec l'entame des "Petits Oiseaux" dans l'espoir que ce regroupement d'intrigues soit différent, dans le bon sens du terme.

Tarek437
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le 7 août 2022

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