Loin de m'attendre à quelque-chose d'extraordinaire, je fus rassuré d'avoir vu que ce film est tiré d'un personnage livresque créé par Georges Simenon. C'est souvent une bonne base que de s'appuyer sur une histoire écrite, et pour être tout à fait sincère sur le sujet. Ce récit visuel m'a donné envie de lire le livre duquel il s'inspire "Maigret et la jeune morte" paru dans les librairies soixante-huit ans plus tôt.


Jules Maigret (Gérard Depardieu) est un homme blasé que plus rien n'intéresse comme il ne se cache pas de le dire. Si bien que ses soucis de santé liés à une consommation excessive de tabac ne semble pas le bouleverser plus que ça.
Un soir banal lorsque le vieux Monsieur sort de son bureau, il se laisse tenter par un coup de fil inopiné, dès lors une nouvelle enquête commence.


Le film, de A à Z, tient le spectateur alerte par rapport à ce qu'il va se passer, sa courte durée, une heure vingt-huit tout au plus, fait pleinement le travail, ce qui confère au long-métrage une efficacité non négligeable.


Le gros point fort dans ce que l'on peut voir c'est l'atmosphère, aussi sombre qu'un soir d'hiver à Lakeville dans le Connecticut, lieu où a été écrit le bouquin original. En effet dans un Paris bien représenté par ses interminables nuances de gris qui s'inscrit parfaitement dans la noirceur de l'enquête et dans le caractère du personnage principal, il est difficile, malgré quelques notes d'humour bien trouvé, que la solution de cette énigme ne se conclue dans la joie et la bonne humeur. L'ambiance terne nous le suggère dans un premier temps et celle-ci prend une place suffisamment importante pour transformer l'œuvre en une métaphore géante suggérant que la vie n'est qu'une boucle infinie dans laquelle l'on finit fatalement par s'ennuyer à mourir. Preuve en est dans les quelques scènes où l'on observe le commissaire faire autre chose que son travail... Il s'emmerde et ne trouve rien d'exaltant, un des syndrômes de la vieillesse sans aucun doute. Plus rien à faire donc si ce n'est que de constater sa propre lassitude, ce qui n'arrange rien du tout naturellement. Heureusement que le détective bourru s'anime un minimum lorsqu'il se doit de résoudre l'affaire d'une jeune fille retrouvée poignardée sur un sentier. La victime est inconnue de beaucoup, y compris de ceux que ça arrange.


SPOIL


Ce qui plaît, hormis la fadeur de l'environnement, c'est le rapport que l'inspecteur entretient avec la fille solitaire qu'il héberge provisoirement, Betty (Jade Labeste) qui correspond plus ou moins à la victime assassinée. La vivante se retrouve dans un rapport de proximité avec l'ancien fumeur de pipe qui refuse cependant de se dévoiler plus que ça. Ses départs précipités en pleine conversation le prouvent.
Nous savons par la justesse de la narration et des dialogues que dans le cœur du vieux Maigret se renferme le triste souvenir de sa propre fille disparue elle aussi à un âge où la vie ne devait faire que commencer.
Bien que nous ne soyons pas en présence d'une enquête d'apparence insolvable de type Sherlock Holmes ou Hercule Poirot. Les comportements humains monopolisent l'intérêt du spectateur qui s'accorde parfaitement avec le pourquoi du comment qui fait toujours le sel d'une bonne œuvre policière. Avoir engagé l'acteur de Châteauroux pour jouer le personnage iconique qui porte le nom du film est un très bon choix. Son interprétation est aussi simple que touchante et je n'ai pas pu m'empêcher de comparer la toute dernière scène du métrage à ce moment où la continuité de l'existence prendra le pas sur la personne que nous sommes.
Le détective de Paris est réputé dans son domaine, on ne l'oubliera pas certes, mais ce n'est pas une star par rapport aux deux autres personnages de fiction cités plus haut. Il est modeste avant tout, c'est un homme comme un autre que le temps rend de plus en plus indifférent comme beaucoup encore. Le tout dernier plan poétique de Patrice Leconte le démontre à merveille. La silhouette du septuagénaire disparaît progressivement pour se retrouver lui-même disparu vers un endroit connu seulement des trépassés.


Ce film est une jolie pépite aux reflets d'or et comme tout bel objet qui possède de la valeur, il m'est impossible de cracher dessus. Vous vous verrez enrichi par les vertues philosophiques qui se dégagent de cette histoire filmique, je peux vous le garantir !

Tarek437
8
Écrit par

Créée

le 22 févr. 2022

Critique lue 191 fois

2 j'aime

2 commentaires

Critique lue 191 fois

2
2

D'autres avis sur Maigret

Maigret
Aude_L
5

...de canard.

Depardieu est vraiment à l'aise en Maigret (il a l'attitude pantouflarde, "bovine" comme disait Simenon, de l'inspecteur, et ce n'est pas à l'acteur de Cyrano que l'on apprendra à déclamer son texte...

le 20 févr. 2022

24 j'aime

Maigret
SanFelice
7

Leconte a tout compris à Simenon

Cela faisait longtemps maintenant que le personnage de Jules Maigret n’avait plus paru sur grand écran, en France depuis Maigret voit rouge, de Gilles Grangier, en 1963 et à l’étranger, depuis une...

le 19 juin 2022

21 j'aime

6

Maigret
Cinephile-doux
7

Enquête au blanc

Simenon, Depardieu, Leconte : la rencontre a quelque chose d'une évidence, dans un cinéma d'atmosphère qui n'a plus trop d'accès aux écrans, remplacé par la vitesse et les effets spéciaux. Cela...

le 23 févr. 2022

17 j'aime

Du même critique

Les Petits Oiseaux
Tarek437
4

Répétition et ennui

Suite et fin des nouvelles érotiques d'Anaïs Nin qui servent de renforcement par rapport à celles rassemblés dans Vénus Erotica. C'est la même chose grosso modo, en un peu moins bien.L'on revoit dans...

le 14 août 2022

2 j'aime

2

Maigret
Tarek437
8

Au service de la juste cause

Loin de m'attendre à quelque-chose d'extraordinaire, je fus rassuré d'avoir vu que ce film est tiré d'un personnage livresque créé par Georges Simenon. C'est souvent une bonne base que de s'appuyer...

le 22 févr. 2022

2 j'aime

2

Moonfall
Tarek437
6

Une chute en demi-teinte

Il se faut d'être accroché à sa ceinture rien que par la séduction que procurent les effets visuels tout bonnement bluffant, tout autant que ce casting aussi original que disparate. Au-delà de son...

le 12 févr. 2022

2 j'aime

2