Une prière pour Owen par François CONSTANT

Une prière pour Owen, de John IRVING (1989) est un livre que j'aurais voulu apprécier davantage. Mais 'trop is te veel', comme on dit chez nous en Belgique. Il y a, dans ce roman, trop de thèmes abordés. Tous, ils ont de l'intérêt: l'adolescence qui se transforme en adulescence, la bourgeoisie dominante face aux petites gens, le choc des générations, les luttes d'influence entre les églises et les compromissions qui en découlent, la famille, les croyances et superstitions, le sport et la recherche de dépassement de soi, l’exemplarité -ou non- des hommes politiques, des dirigeants, des recteurs et professeurs, l'éducation dans les écoles américaines gangrénées par les recherches de pouvoir, l’indécrottable bourbier des Américains au Vietnam... Tous ces thèmes se percutent, s'enchevêtrent, se dispersent, s'occultent et se perdent. Or, le thème principal, le fil rouge est une réflexion sur la prédestination, rêvée, assumée ou rejetée d'un être hors norme, plutôt qu'anormal, qui pourrait être en lui-même un miracle ... pour autant qu'apparaisse admissible au lecteur l'idée qu'Owen peut choisir de bâtir sa vie sur une démarche de Foi en Dieu, pas dans ses Eglises, ses dogmes, ses préceptes et ses ministres, et qu'en cette confiance soient reliés tous les hasards, les questions, les interrogations que lui pose la vie qui conduisent à une mort porteuse de sens.
La plume de John IVRING est, sans conteste, une plume aiguisée, tantôt acide, tantôt bienveillante, qui se lit sans trop de difficultés pour qui accepte l’abandon de la linéarité du récit. Le lecteur est effectivement amené à pratiquer de nombreux sauts dans le temps, passant d’un lieu à l’autre, d’un point de vue de l’un à celui de l’autre… Une gymnastique de l’esprit qui nécessite une lecture suivie et la capacité de tenir le fil malgré les nombreux éléments distracteurs, intéressants, souvent, mais pas toujours.
Il reste une belle réflexion sur les forces capables de porter l’être humain et de lui permettre de se ou d’être sublimé. Une réflexion qui nous pousse à avancer, peut-être, bien au-delà de ce qui peut paraître futile, jeux de l’esprit, rêves inaccessibles. Une réflexion, à partager ou non, qui nous conduit bien au-delà des réalités que notre scepticisme nous empêche d’envisager.

"Pour le plaisir, quelques citations:
Dans la Foi,tout consiste à croire en Dieu sans tout attendre de lui."

"Ce n'est pas Dieu qui déraille mais les bons apôtres qui affirment croire en lui afin de mener le Monde à sa perte en son nom."

"Si vous ne savez pas où vous allez, vous n'êtes pas digne de voyager."

D'un tout autre genre:

"Je partage de dégoût de ma Grand-Mère pour le mot recteur, c'est trop proche du mot rectum pour être pris au sérieux."