Un été
6.7
Un été

livre de Vincent Almendros (2015)

[Critique contenant des spoils]


Faire mouche m'avait donné envie d'en savoir plus sur cet auteur. Je tombe sur Un été à la bibliothèque (il y a longtemps que j'ai cessé d'acheter des livres), encore plus court, 96 pages. Bonne impression confirmée : Vincent Almendros impose une petite musique particulière. Ecriture minimaliste, intrigue au cordeau, malaise distillé par petites touches. J'aime les artistes du malaise : au cinéma, le plus grand auteur du genre à mes yeux est le Suédois Ruben Ostlund. D'une façon moins cinglante, Vincent Almendros s'y apparente.


Un été, donc. Une plume de SC suggère la parenté avec le célèbre film de René Clément, Plein soleil. Bien vu. A cause de l'île de Capri et de la tension qui pèse sur le narrateur, j'ai aussi pensé au Mépris. Mais cessons les comparaisons cinématographiques, puisqu'il s'agit de littérature, et parlons du style. Dans Faire mouche, j'avais aimé les "Dis-je" récurrents, ici c'est "C'est super", concluant d'ailleurs le roman, qui m'a imposé sa petite litanie.


Oui, c'est super de pouvoir enfin être père, lorsqu'on se sait stérile. Un miracle vieux comme l'histoire d'Abraham. Ici nul miracle, là est le grinçant de la situation. La révélation finale fait entrevoir tout le roman différemment : Jean n'a-t-il pas convié son frère à dessein ? Jeanne n'a-t-elle pas joué la comédie de l'attirance uniquement pour que l'accouplement ait lieu ? Lone étant alors, vraiment, le dindon de la farce...


Oh certes, la chose est un poil invraisemblable car on sait bien qu'un seul coït ne garantit pas de tomber enceinte : il faut quand même beaucoup, beaucoup de chance pour que les choses se passent ainsi. L'essentiel n'est pas là : il est plutôt dans les petits cailloux que sème Almendros pour intriguer le lecteur : une baignade nue pour attiser le désir, une casquette offerte par Jean et qui devient pièce à conviction, une conjonctivite pour signifier que Lone est aveugle à ce qui se joue, un poisson insaisissable et une eau qui a l'odeur du corps de Jeanne, une nuée de méduses pour signifier le danger de la situation (et là j'ai pensé à L'année des méduses, ça y est je recommence avec le cinéma...), une mystérieuse fugue dans Agropoli pour aller prier (qui prend tout son sens à la fin du roman), une dame corpulente sortant d'une cabine de douche, annonçant Jeanne enceinte tout autant que la déchéance physique liée à l'âge.


Par moments, Almendros sait restituer des situations très vraies. Page 56 :



Je me tournai vers Jeanne. L'idée me traversa que nous allions peut-être nous embrasser. Je ne savais pas si j'en avais envie. Ce n'était pas le moment. Mais les conditions étaient réunies.



Oui. parfois on peut s'embrasser - voire plus - sans que le désir soit vraiment irrépressible mais parce que "les conditions sont réunies". Bien vu.


Mine de rien, l'air de ne pas y toucher, avec une remarquable économie de mots, Vincent Almendros fait passer une atmosphère et quelques idées. C'est super.


7,5

Jduvi
7
Écrit par

Créée

le 17 juil. 2021

Critique lue 94 fois

Jduvi

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