Réédition de deux texte de Dionys Mascolo, « Sur le sens et l’usage du mot « gauche » », n’a rien perdu de sa radicalité première, bien au contraire les décennies qui nous séparent de ce texte ne font que confirmer le constat implacable de Mascolo, la « gauche » est bourgeoise et anti-révolutionnaire.


Le moment de publication d’un texte – quel qu’il soit – n’est pas anodin, une réédition l’est d’autant moins. On peut légitimement se questionner au sujet de la parution de deux textes de Dionys Mascolo cette année, l’un du côté de La Fabrique, La révolution par l’amitié, et donc la reparution, en février dernier au format poche chez Lignes, de Sur le sens et l’usage du mot « gauche ». Dionys Mascolo [1916-1997] n’est certainement pas une figure connue du grand public, cet autodidacte, résistant, ayant tôt compris l’impasse stalinienne du PCF [Parti Communiste Français], n’est pas aisée à saisir. Non pas tant, par la complexité de sa pensée ou l’hermétisme de son écriture, plutôt par son positionnement dans le champ politique et littéraire ; en dehors des clous, et loin de tout effet de manche. À ce titre, la préface que nous livre, ici, Alphonse Clarou, saisit au plus près le personnage Mascolo, d’une part, ses engagements, sa singularité dans le champ politique, militant et littéraire, et que résume le préfacier par deux concepts clés ; matérialisme & exigence révolutionnaire. L’occasion également de replacer les deux textes composant ce livre dans leur époque :



Le premier est publié en 1955 dans un numéro des Temps modernes
consacré à « La Gauche ». Le second, publié en 1970 dans La Quinzaine
littéraire, répond aux prises de parole de deux intellectuels de
gauche, Sartre et Pingaud, sur la question révolutionnaire telle que
mai 1968 et ce qui s’ensuit l’éprouve.



pp. 12-13



Si ces deux textes sont inscrits dans un contexte historique, politique, ils ne sont pas pour autant datés, bien au contraire ils recoupent des préoccupations bien actuelles. Aucun besoin de rappeler les débats actuels et sans cesse renouvelés au sujet de la gauche, de la question révolutionnaire, celle de sa « théorisation ».



« Aucun homme ne peut être mis par théorie au ban de l’humanité, sauf
les humanistes, aurait-on envie de dire : ils s’y placent d’eux-mêmes.
» Aucun homme ne peut être mis par théorie au banc de la révolution.
Sauf la plupart des intellectuels de gauche ou même révolutionnaires,
aurait-on envie de dire : ils s’y placent d’eux-mêmes.



p. 21



On s’attardera, ici, sur le texte qui donne donc son titre au livre, Sur le sens et l’usage du mot « gauche », ses forces incontestables, mais également les points qui prêtent à discussion – il en existe toujours.



GAUCHERIE DE CONCEPT :



Partant de l’origine de l’acception et le sens politique du mot « gauche » – rappelons-les brièvement : été 1789, assemblée constituante. En effet, les forces politiques en présence vont se répartir en deux groupes, selon leurs prises de position, les unes à droite, les autres à gauche. Les premières, à droite donc, sont favorables au maintien, voire au renforcement, du pouvoir monarchique. Les secondes, à gauche, veulent au contraire le limiter drastiquement ou l’abroger. En revenant sur cette origine accidentelle Mascolo (dé)montre qu’il s’agit simplement d’une construction.


«… gauche et droite, en politique, passent pour vouloir dire quelque chose d’aussi précis que ce que veulent dire gauche et droite lorsqu’il s’agit de s’orienter dans l’espace. » [p.26] Rien n’est moins sûr pourtant, car être de gauche c’est d’abord et avant tout une question de relativité, on est de gauche par rapport à quelqu’un, quelque chose. En cela, et pour appliquer les dires de Mascolo à notre présent, quand certain·es se déclarent de gauche ; il n’y a pas lieu de se gausser, c’est simplement la classe bourgeoise qui vous parle.



Le mot de gauche (…) n’a de contenu qu’appliqué à une certaine
manière d’être bourgeois. Cela revient à dire que ce qui distingue
droite et gauche est toujours superficiel, arbitraire, hasardeux : de
l’ordre de l’opinion.



p.28



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le 28 mars 2022

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